« J’ai été élevée dans une famille de randonneurs. Ma maman est très sportive, je l’ai toujours vu bouger, se dépenser. Nous marchions surtout en haute-montagne, dans les Alpes-Maritimes, là où j’ai passé mon enfance, près du Mercantour.
À partir de l’âge de 6 ans et pendant douze ans, j’ai pratiqué la danse classique. Je sais, ça peut sembler curieux, ça ne colle pas vraiment avec mon profil de militaire ! Mais j’ai toujours été attirée par les avions, je ressens une grande affinité avec le milieu aérien.
J’ai découvert l’adrénaline, les émotions fortes, en sautant à l’élastique avec mon père. J’avais 15 ans. Je n’ai pas eu peur, j’ai adoré ça, au contraire. Je me souviens m’être fait gronder par ma mère après ça : mon père n’avait pas voulu lui dire, il savait qu’elle aurait dit non. Pour elle, sauter dans le vide, c’était dangereux. Pour moi, c’était la liberté. Elle l’a compris lorsque je lui ai offert un saut en parachute en tandem, elle a adoré !
C’est à 20 ans que j’ai débuté le parachutisme Mon premier saut, c’était à Aix-en-Provence, à quelques kilomètres de la fac. On avait regardé une vidéo avec des amis lors d’une soirée et j’ai tout de suite eu envie de sauter. Et ma première expérience a confirmé mes sensations.
C’était nouveau, c’était l’inconnu, mais une fois atterrie, je n’avais qu’une idée en tête : recommencer ! C’était mieux que je ne l’imaginais : la sortie de l’avion, cette sensation incroyablement agréable d’être portée comme une masse d’air, cette liberté totale…on a tout simplement l’impression d’être un oiseau.
J’étais en licence de droit, mais l’armée m’attirait, surtout l’armée de Terre. C’est une vocation, on n’a pas toujours besoin de comprendre pourquoi, c’est parfois intrinsèque.
Je suis donc entrée dans l’armée à 26 ans comme militaire du rang afin de pouvoir choisir ma spécialité. Tout naturellement, je me suis dirigée vers une unité parachutiste et je suis passée sous-officier six ans plus tard.
Ce qui est intéressant dans l’armée, c’est que vous pouvez avoir un métier de soutien, administratif ou autre, tout en étant tourné vers l’actif. J’aime cette dualité de pouvoir faire plusieurs choses en parallèle : travailler dans la finance au sein de l’armée, comme c’est mon cas, et pratiquer le sport tout en ayant des qualifications techniques et opérationnelles. Je n’ai aucun doute sur le fait d’être à ma place.
Les Forces spéciales, j’en avais envie depuis longtemps, mais je ne me sentais pas encore suffisamment préparée. Ce sont des soldats d’élite et il faut être prête à se présenter aux sélections. Je devais prendre en maturité. Quand j’ai senti que c’était le moment, je me suis lancée.
Très peu de femmes intègrent les forces spéciales, 5 % en moyenne. Quand on y va, on se connait suffisamment et on s’y prépare en conséquence.
Évidemment, pour réussir les tests, le sport est primordial. Il faut avoir le goût de l’effort, être déterminée. Cela demande des mois de préparation avec des objectifs précis. C’est très exigeant, mais pas insurmontable. Il faut aussi avoir le mental, c’est extrêmement important, tout doit coïncider.
Je suis aujourd’hui en préparation aux tests d’entrée de moniteur parachutiste (PEM) pour un stage qui dure douze semaines. Là aussi, il y a très peu de femmes brevetées PEM : vingt-cinq femmes brevetées PEM seulement sur quatre-mille-neuf-cent-cinquante au total, cinq seulement au sein des Forces Spéciales Terre. C’est donc un challenge supplémentaire. Mais c’est un stage qui reste accessible, il faut avoir envie. Quand j’aurai le PEM en poche, ce sera un rêve qui se réalise.
J’ai envie de transmettre, de continuer à me former dans le parachutisme et d’enseigner aux jeunes. Je vais également passer une qualification de largueur, c’est celui qui dit « Go, go, go ! » aux paras. Il s’occupe d’organiser les sauts de tous les parachutistes qui se trouvent dans la soute de l’avion, c’est une grande responsabilité.
Pour pouvoir y parvenir, la condition physique est primordiale. Je pratique chaque jour des exercices qui demandent un travail quotidien comme les tractions, les montées de corde, par exemple. Le haut du corps, les bras, c’est mon axe d’effort car on perd vite si on ne s’entraîne pas.
Nous avons aussi des créneaux réservés au sport, entre quatre et cinq séances par semaine de natation, course à pied, arts martiaux, renforcement musculaire, marches longues en treillis. Mais aussi des séances de techniques d’interventions opérationnelles rapprochées qui sont des techniques de combat, du corps à corps, ce qu’on appelle TIOR dans notre jargon.
Tout ce qui est difficile, exigeant, me plaît. Je suis une acharnée, on peut le dire. J’ai la foi dans tout ce que je fais et j’espère être un bon modèle pour ma fille de 9 ans. Cela fait partie de mon caractère, j’aime être là où on ne m’attend pas. »
Ouverture ©DR