Lydia Bradey L'insatiable alpiniste en quête de liberté
Elle est la première femme à avoir atteint, en 1988, le sommet de l’Everest sans oxygène. Mais son record a longtemps été mis en doute par ses compagnons d’expédition. Une suspicion qui poursuivra la Néo-Zélandaise Lydia Bradey pendant des années avant qu’elle ne soit enfin réhabilitée. Histoire d’une alpiniste et guide de haute-montagne qui n’a jamais lâché le piolet.
Par Claire Bonnot
Publié le 09 janvier 2021 à 11h29, mis à jour le 29 juillet 2021 à 14h31
On ne sait ce qui l’a amenée à vouloir prendre de la hauteur. Mais la future reine des sommets, née le 9 octobre 1961 en Nouvelle-Zélande, est une passionnée précoce : à l’âge de 14 ans, elle fait sa première expédition en montagne avant de gravir les monts Cook (3 724 mètres) et Aspiring (3 033 mètres) alors qu’elle fête ses 17 ans.
Deux ans plus tard, la jeune Lydia quitte son pays natal pour neuf ans de folles ascensions de sommets internationaux tels que les 10 « Big Walls » dans la vallée de Yosemite Park, se plaçant première grimpeuse féminine dans sept ascensions.
Profondément aventureuse, miss Bradey part ainsi à la conquête du monde via ses plus hautes montagnes.
L’insatiable, l’audacieuse éprise de liberté, tente ensuite la face sud du Denali en Alaska. Mais c’est en 1987 qu’elle bluffe le monde de l’alpinisme en gravissant, sans oxygène, un sommet himalayen de 8 000 mètres, le Gasherbrum II, devenant alors la première Néo-Zélandaise à réussir cet exploit. Et ça ne fait que commencer.
Elle a 26 ans et prend une décision radicale : se faire stériliser. Elle a toujours su qu’elle ne voulait pas d’enfants. Sa vie est la montagne, corps et âme : « Ce qui pousse à grimper, dit-elle à Montagnes Magazine, doit rester la curiosité, la passion ou même l’obsession ». Et le magazine d’en conclure que « la montagne la nourrit physiquement, intellectuellement et lui apporte tout ce qu’elle attend de l’existence. »
Indépendante, ambitieuse, elle n’hésite pas, dit-elle, à « jouer avec les règles » de façon à « créer les opportunités ». Se donnant comme priorité d’en faire autant que les hommes, elle avance, grimpe, franchit tous les obstacles à la force de son mental d’acier – « J’étais une dure à cuire » – et de ses grandes capacités physiques. Une force qui lui permettra de réaliser son plus grand acte de bravoure, celui qui sera aussi sa faiblesse : atteindre le sommet de l’Everest sans oxygène. Car, de cet exploit, elle fera injustement les frais…
« L’ascension de l’Everest a changé ma vie, ce qui s’est passé ensuite m’en a appris plus sur moi-même et sur l’humilité. Je n’esquive plus la réflexion sur ce qui me pousse vers l’alpinisme. Suis-je motivée par le besoin de reconnaissance ? De devenir célèbre ? Mon plaisir d’être en montagne sera-t-il compromis si mes exploits ne sont pas reconnus ? Pourquoi suis-je alpiniste ? », se demande-t-elle au gré de ses interviews dans la presse.
Que s’est-il donc passé en 1988 ? La jeune grimpeuse de 27 ans atteint le sommet de l’Everest (8 849 mètres) sans oxygène, devenant la première femme au monde à réaliser cette prouesse. Une prouesse pourtant mise en doute par ses compagnons d’expédition et Lydia Bradey de voir sa réussite quasi ignorée pendant des années…
La raison ? Suite à des dissensions au sein de son corps d’expédition, elle part seule vers le sommet tandis que ses compagnons de cordée font, dans les médias, naître la suspicion sur sa performance. D’autant qu’elle n’avait pas obtenu le permis nécessaire pour emprunter cet itinéraire et, son appareil photo ayant gelé pendant la montée, elle n’a pu immortaliser à cette époque son arrivée au sommet.
« Je veux vraiment, vraiment ce sommet. Et en même temps, j’ai une conscience aiguë qu’en continuant, je serai complètement seule. La décision est très difficile à prendre. Au bout d’un moment, je dis « Je continue » », se souvient-elle lors de la sortie de la version française de sa biographie, « On ne m’a pas volé l’Everest », en février 2020.
Un livre où elle se dévoile, où elle libère enfin sa vérité. Celle d’une femme qui, une fois l’exploit accompli, se trouvera plus isolée encore que sur le Toit du Monde.
La jeune grimpeuse aux dreadlocks blondes démarre donc seule l’ascension vers le sommet. Son état d’esprit ? Celui d’une battante qui ne veut pas abandonner le combat et le rêve d’une vie : « Je me sentais si bien, et en même temps si nerveuse. J’allais prouver que j’étais capable de gravir une grande montagne, seule et sans oxygène. Il devenait vraiment difficile de respirer sans oxygène à environ 8 400 m, mais j’avais tiré le meilleur parti de mes années d’entraînement physique et mental, de mon talent et de mon expérience. J’y avais mis tous mes efforts et toute ma détermination. C’était bon de réussir. »
Avant d’ajouter que la nuit qu’elle a passé seule, au sommet sud, a été « fascinante, terrifiante et incroyable ».
Pourtant, alors même qu’elle se trouve dans la « zone de la mort », ses deux compatriotes néo-zélandais qui viennent d’échouer, les alpinistes de renom Rob Hall et Gary Ball, colportent la rumeur d’un échec pour Lydia Bradey. Pourquoi ne l’ont-ils pas crue ?
Si certains avancent l’argument sexiste, l’alpiniste parle aujourd’hui de jalousie compétitive. « Elle a surtout été victime de son caractère indépendant », répond son éditeur et traducteur pour la version française, Charlie Buffet, interrogé par le journal La Croix. « De plus, elle s’acclimatait beaucoup plus vite que les autres à l’altitude et réussissait là où ses compagnons échouaient. »
Lydia Bradey a dû attendre presque trente ans pour être réhabilitée grâce aux récits de témoins venant corroborer ses dires. Depuis 2008, toujours combative, l’alpiniste a escaladé le sommet de l’Everest cinq fois, et tout récemment, en mai 2019 alors qu’elle allait sur ses 59 ans. Elle est aussi la seule femme à y avoir guidé avec succès des expéditions à quatre reprises. Et celle qui a réussi les premières ascensions de montagnes au Pakistan et en Antarctique…
Aujourd’hui, la pionnière devenue rôle-modèle, qui a décroché des diplômes d’acupuncteur et de physiothérapeute, certifiée guide d’escalade en 2000, témoigne régulièrement de son parcours hors du commun, de ses difficultés et de ses réussites, auprès de différents publics et notamment des femmes qui évoluent dans l’alpinisme. Étonnamment, Lydia Bradey n’était pas sportive enfant, se qualifiant de « maladroite » et racontant qu’elle finissait par « vomir » à l’idée de participer aux activités sportives à l’école…
Rien de surprenant alors qu’elle souhaite porter au sommet ce message : « Il est vraiment important pour les jeunes de comprendre que les gens qui excellent dans différentes régions du monde partent souvent d’un point inférieur … Ils ne débutent pas comme des héros. Ne pensez pas que vous devez commencer par le haut. »
Ce chemin de vie escarpé, exceptionnel, a façonné une femme et donné naissance à une sportive : « Être guide de montagne en altitude est un grand accomplissement, confie-t-elle. Cela illumine ma vie. »
Lydia Bradey – Starting from the Bottom
Bataille au sommet
Pendant presque trente ans, Lydia Bradey a vécu à l’ombre d’une autre grande dame de la montagne, Alison Hargreaves.
La Néo-Zélandaise a en effet failli perdre sa couronne ou, du moins, ne l’avait-elle pas encore bien posée sur sa tête lorsqu’une autre alpiniste, le 13 mai 1995, atteint le Toit du Monde, elle aussi sans oxygène et sans porteurs. Elle s’appelle Alison Hargreaves et la performance est immédiatement saluée.
Et puisque Lydia Bradey n’a toujours pas apporté de preuves de sa prouesse, Alison Hargreaves devient officiellement la première femme à pouvoir revendiquer l’exploit. Trois semaines avant sa mort accidentelle, le 13 août 1995 sur le K2, deuxième plus haut sommet du monde sur la frontière sino-pakistanaise, l’alpiniste britannique attribuait pourtant la primauté de l’exploit à sa consoeur. Lors d’une interview, Alison Hargreaves expliquait en effet croire en la version de Lydia Bradey, même si, en 1988, elle n’avait pas été en mesure de rapporter de photos. Solidarité féminine jusqu’à la cime.
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