
Nina Kanto
Après un parcours junior dans le club de Noisy-le-Grand, Nina Kanto commence sa carrière professionnelle en
Publié le 04 avril 2022 à 6h00, mis à jour le 13 janvier 2025 à 16h39
Comment avez-vous découvert Alice Milliat ?
Je donne des conférences en entreprise par le biais de l‘humour, j’ai notamment traité le sujet du sexisme dans le sport.
C’est là que je suis tombée sur le formidable personnage d’Alice Milliat, en faisant des recherches sur l’histoire du sport et la place des femmes.
Vous êtes vous-même une sportive, vous avez-vous été confrontée au sexisme ?
Je ne suis pas du tout une sportive mais j’ai, bien sûr, été confrontée au sexisme, simplement en étant une femme.
Vous êtes, dites-vous, « Créatrice de l’humour sérieux », c’est-à-dire ?
J’ai commencé à faire de l’improvisation théâtrale en France et en Belgique et puis j’ai très vite eu envie d’être seule sur scène. J’ai donc débuté avec un one woman show dans lequel je parlais de mon homosexualité. C’était il y a quinze ans, personne ne faisait ça encore et je trouvais ça cool d’en parler et d’en rire.
L’accueil que j’ai reçu a été un virage dans ma carrière : je me suis retrouvée confrontée à de la lesbophobie en France. J’ai été insultée, on a même voulu me frapper !
C’était hallucinant alors que, moi, j’assume totalement qui je suis et je ne revendiquais rien à l’époque. Je montais juste sur scène et je parlais de manière simple du fait d’être avec une femme.
À ce moment-là, l’adjointe au maire de Strasbourg m’a proposé de venir parler des violences que j’avais subies en tant que femme lesbienne dans un colloque sur les violences faites aux femmes. L’humour sérieux était né !
©Paola Guigou
Vous êtes donc devenue une humoriste « sérieuse » qui défend les droits humains et, particulièrement, ceux des femmes…
Oui, j’avais compris que je pouvais vulgariser ce qui m’arrivait, l’histoire des hommes et des femmes, du rapport de domination.
Comme je travaillais dans des entreprises, j’ai créé des conférences stand-up sur le sexisme ordinaire en entreprise, dans le sport et sur l’inclusion LGBTI.
Je joue actuellement dans des entreprises comme L’Oréal ou EDF, j’ouvre des débats, les salles sont de plus en plus combles et il y a beaucoup d’hommes. Ça crée une envie de changer les mentalités !
Comment vous est venue l’idée de ce spectacle sur Alice Milliat, « Je danse le Milliat » ?
En fait, c’est en rencontrant Béatrice Barbusse lors d’une conférence que cette figure du sport féminin est vraiment entrée dans ma vie.
Après notre échange, la sociologue du sport m’a rappelée, trois ans plus tard, pour un très beau projet : la maison du Sport Français voulait mettre en place une statue d’Alice Milliat aux côtés de celle de Pierre de Coubertin au CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français, Ndlr).
Béatrice Barbusse me proposait une carte blanche de vingt minutes sur Alice Milliat. J’ai alors appelé une historienne, j’ai lu énormément d’articles et l’écriture est venue… en une nuit.
C’était vraiment de l’ordre de l’inspiration divine ! Comme si Alice Milliat était à mes côtés et m’avait dit : « Allez, prends ta plume ! ».
C’est assez magique ce qui se passe autour d’elle. Je commence vraiment à croire aux fantômes. Quand je cherchais ma tenue pour l’hommage à Alice Milliat, les trois costumières m’ont dit : « Tu peux prendre la jupe de ma grand-mère », « Les chaussures de mon arrière grand-tante », « Le collier de ma belle-mère »…
En dix minutes, j’étais habillée comme en 1920 avec des habits authentiques des arrières-grands-parents de toutes ces femmes et tout m’allait, même les chaussures. Ça n’arrive jamais !
©Paola Guigou
Vous pensez qu’Alice Milliat est derrière tout ça ?
Ah oui, c’est magique ! Je pense qu’elle fait son come-back mais en mode 2.0 ! Ce spectacle a donc été joué pour la première fois le 8 mars 2021 à la Maison des Sports de Paris et, depuis, je suis rattachée à la Fondation Alice Milliat.
C’est devenu mon nouveau spectacle d’humour. Avec Batorama, j’avais envie de profiter de l’atmosphère café-théâtre, une manière un peu différente de faire revenir les gens au théâtre après la crise du Covid.
Avez-vous quelques citations du spectacle pour nous permettre d’entrer dans cette magie d’une femme qui a ouvert la voie pour ses semblables et ne lâche rien, encore aujourd’hui ?
« Être un homme n’est pas une compétence ; être une femme n’est pas une incompétence », « À force de considérer les femmes comme des fers à repasser, elles s’échauffent ».
Et c’est aussi la première femme au monde qui a dit cette phrase si symbolique, le 20 août 1922, face à une foule d’athlètes féminines prêtes à s’élancer dans un monde où on disait aux femmes « Si tu cours, tu meurs » : « Je déclare ouvert les premiers Jeux Olympiques féminins du monde ! ».
Quand je l’ai dit dans le spectacle, hier, j’en ai eu les larmes aux yeux. C’est réellement bouleversant de redonner vie à tout ça.
©Bastien Jannot-Jérôme
Comment se construit le spectacle ?
Presque comme un film, Alice Milliat embarque les gens année après année. C’est un vrai voyage dans le temps de 1907 où elle quitte Londres et son mari à l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale où elle a été dégagée par ces messieurs…
Je joue aussi beaucoup sur son corps qui a beaucoup encaissé, entre le fait d’être une sacrée bonne sportive et ses problèmes de santé.
On n’a jamais trop su ce qu’elle a eu mais je sais que, moi-même, instinctivement sur scène, quand je la joue, j’ai des sortes de brûlures d’estomac parfois qui s’arrêtent quand je sors de scène.
Beaucoup de sportives m’ont raconté avoir des problèmes similaires dans leur pratique. Quand je joue, j’emprunte d’ailleurs des éléments à des sportives que je rencontre au fur et à mesure, ça enrichit le jeu et l’intention. Je pense à quelque chose pour que la phrase soit chargée et qu’on entende une sincérité quand elle est dite.
Comme par exemple, le témoignage d’une femme en entreprise qui m’a raconté l’opposition d’un groupe d’hommes contre elle et son envie de vomir à la suite de cette altercation.
Il est d’ailleurs connu qu’Alice Milliat s’est heurtée à l’hostilité des hommes et notamment de Pierre de Coubertin, créateur des Jeux Olympiques. Mais ce n’était pas le seul…
Oui, ce dominant a lui-même été dominé, par le Président de la Fédération International d’Athlétisme, Sigfrid Edström. Il était violent et a dit souhaiter que Alice Milliat et tout cette chose disparaisse de la surface de la Terre quand elle a créé les JO féminins qui ont eu un retentissement national…
Elle avait des ennemis qui souhaitaient jusqu’à sa mort parce qu’elle mettait en place des codes de liberté dans un système misogyne. Ils l’ont dégagée et tuée à petit feu, en fait…
Alice Milliat
Pour vous, qu’est-ce que le monde du sport peut apporter sur cette question de l’inégalité entre les hommes et les femmes ?
De mon point de vue, le milieu du sport est extrêmement fatiguant quand on est une femme en place et qu’on veut changer les choses. Je pense qu’on a vraiment besoin des femmes et des hommes pour trouver une équité.
Si le sport devient l’exemple, je pense que l’humanité prendra le relais. C’est ce que je fais dire à Alice Milliat dans mon spectacle. C’est le cas pour les Jeux Olympiques 2024, un siècle après, c’est enfin 50/50 !
©Paola Guigou
Quel est le message que vous souhaitez délivrer via ce spectacle ?
Que cette femme mérite d’être connue parce qu’elle est une femme et parce qu’elle a tout déchiré ! C’est vraiment un beau moment et très fun aussi, le public s’éclate.
Il y a une sacrée ferveur de la part du public féminin. Mais certains hommes sont tout aussi à fond, même si certains viennent me dire que je cristallise beaucoup de choses…
Il y a quelque chose de sacré dans le discours d’Alice Milliat et c’est ça qui séduit le public ! C’est la magie de la vie !
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