Françoise Dürr Ou l’histoire d’un doublé historique à Roland-Garros

Françoise Dürr Ou l’histoire d’un doublé historique à Roland-Garros
Elle est la troisième et dernière Française de l’ère pré-open à avoir remporté Roland-Garros. Françoise Dürr, 82 ans aujourd'hui, a rejoint ses compatriotes Suzanne Lenglen, Simonne Mathieu et Nelly Adamson dans la légende, en 1967. Cette année là, la native d’Alger remporte le simple et s’impose également en double dames aux côtés de sa compatriote Gail Sherriff. Portrait d’une outsider qui a su dompter la terre battue parisienne.

Par Sophie Danger

Publié le 26 mai 2022 à 21h12, mis à jour le 19 mai 2025 à 9h50

Elle fait partie de ces rares Françaises à avoir remporté le prestigieux tournoi de Roland-Garros. Plus de quarante ans après Suzanne Lenglen, la divine pionnière, presque trois décennies après Simonne Mathieu et vingt ans après Nelly Adamson, François Dürr a elle aussi, inscrit son nom au palmarès des prestigieux Internationaux de France.

C’était en 1967. À cette époque, le monde du tennis s’apprêtait à basculer dans l’ère open et les tournois féminins ne déplaçaient pas encore les foules.

Malgré tout, ce printemps-là, elles étaient pas moins 112 joueuses venues du monde entier à s’être données rendez-vous sur la terre battue de la Porte d’Auteuil.

Parmi elles, de solides prétendantes au titre comme l’Australienne Lesley Turner, victorieuse de l’épreuve en 1963 et 1965, ou encore la Britannique Ann Haydon-Jones, sacrée en 1961 et championne sortante.

Françoise Dürr, elle, ne fait pas partie des favorites. Toutefois, la native d’Alger, 24 ans, a de solides arguments à faire valoir. Après s’être illustrée à Roland-Garros chez les juniors en 1960, elle a admirablement su négocier ses débuts chez les séniors.

Quadruple championne de France, son palmarès comporte déjà trois titres en simple : le Dutch Championships remporté en 1965, le trophée Raquette d’Or enlevé l’année suivante et le Western Australian Championships décroché quelques mois plus tôt à Perth.

Un début de parcours prometteur pour cette passionnée de tennis née en 1942 à Alger (Algérie), une raquette à la main. « J’ai commencé à jouer au tennis à Oran, se remémore-t-elle sur le site de la WTA. Mon père, qui était dans l’armée, avait remporté les championnats militaires. En fait, toute ma famille jouait au tennis au LTCO, le Lawn Tennis Club Oranais. À l’époque, je n’étais pas autorisée à aller sur les courts, j’étais trop jeune, alors je m’entraînais sur les murs du garage et du club ».

Des débuts en solitaires qui lui vaudront, par la suite, une prise de raquette à nulle autre pareil. « Je mettais mon index à plat sur le manche, s’amuse-t-elle. Plus tard, lorsque j’ai eu un entraîneur, il a essayé de me corriger, mais il était trop tard pour changer. Je ne sentais pas la balle sur la raquette, alors j’ai gardé la même prise, même si cela signifiait que je devais pratiquement m’agenouiller ou même m’asseoir sur le terrain pour frapper certains coups ! »

Un style inimitable auquel vient s’ajouter un revers à une main avec un poignet plié, arme de destruction massive pour des adversaires bien en peine de déchiffrer la trajectoire de la balle.

Des atouts indéniables que « Frankie », son surnom, va mettre à profit pour entamer parfaitement son tournoi face à la Sud-Africaine Glenda Swan.

Le deuxième tour sera plus tendu. Malmenée par la New-Yorkaise Stephanie Defina, la Française s’accroche et finit par s’imposer. Ses face-à-face contre l’Américaine Kathleen Harter et la Soviétique Anna Dmitrieva ne seront que de simples formalités.

Qualifiée pour les quarts de finale, elle retrouve alors Maria Bueno. La Brésilienne, de trois ans son aînée, a déjà trois Wimbledon et un Australian Open à son actif. Pire encore, la Française l’adule.

Dominée dans la première manche, elle parvient malgré tout à revenir à un set partout avant de s’imposer en trois manches. Puis ce sera au tour de Kerry Melville. L’Australienne fait partie du Top 10 et vient d’éliminer Ann Haydon-Jones, la tenante du titre.

Une opportunité pour Frankie qui saisit crânement sa chance. « Jones était l’une de mes bêtes noires, rapporte-t-elle dans les colonnes de So-Tennis. J’étais très contente que Melville lui ait barré la route. Je pense que cela m’a beaucoup aidée ».

Le sacre n’est plus très loin. Mais pour avoir une chance de soulever le trophée, il faut réussir un dernier coup : battre la tenace Lesley Turner.

L’Australienne, tête de série n°4, a déjà 17 titres à son actif. Couronnée par deux fois Porte d’Auteuil, elle n’a pas encore cédé un seul set en cours de route. La victoire lui  tend les bras.

La tactique de Françoise Dürr est simple : attaquer, attaquer et monter au filet le plus souvent possible.

Battue dans la première manche, elle parvient à redresser la barre dans la seconde. Avant que Turner ne reprenne l’avantage dans le troisième set. « J’étais menée 4-2, 30-0, et puis d’un coup, je me suis dit : “C’est quand même trop bête, tu es en finale d’un Grand Chelem, ça ne se renouvellera peut-être plus jamais. Tu dois t’accrocher coûte que coûte.“ », se souvient-elle dans Le journal de Roland-Garros.

Piquée au vif, la Française revient dans le match et parvient à égaliser à 4-4 avant de faire le break. Elle finira par s’imposer 4-6, 6-3, 6-4 et soulever la Coupe et en simple et en double après un autre succès aux côtés de sa compatriotes Gail Sherriff.

Il faudra attendre trente-trois ans et la victoire de Mary Pierce pour qu’une de ses compatriotes réussisse, à son tour, à reprendre le flambeau.

Ouverture ©Pinterest

D'autres épisodes de "Tennis : femmes sur court"

Vous aimerez aussi…

Gwendoline Daudet : « Il y a une part de danger dans le short-track, on fonce et j’aime ça ! »

Gwendoline Daudet : « Il y a une part de danger dans le short-track, on fonce et j’aime ça ! »

Une tête bien faite dans un corps en symbiose, Gwendoline Daudet est une valeur sure de l’équipe de France de short-track féminine. À 23 ans, la patineuse de vitesse sur piste courte a déjà raflé plusieurs belles médailles et s’apprête à conquérir Pékin. Une athlète dans les starting-blocks, prête à passer la vitesse supérieure pour les Jeux Olympiques d’hiver. Conversation on the rocks.

Lire plus »
Rénelle Lamote : 
« Je me suis servie du sport pour exister. »

Rénelle Lamote : « Je me suis servie du sport pour exister. »

Elle a vécu des très hauts. Et des très bas. Rénelle Lamote est un phœnix. Après des Jeux Olympiques de Rio cauchemardesques et une lente descente aux enfers, la protégée de Bruno Gajer s’est relancée à Montpellier. Désormais en paix avec elle-même, cette spécialiste du 800 mètres aborde l’avenir avec sérénité et ambition. Son rêve : décrocher une médaille mondiale.

Lire plus »
La question qui tue

Je fais des abdos, mais j’ai pas la « plaquette de chocolat », c’est normal ?

Multiplier les exercices d’abdos pour qu’au final, ça se voit pas, c’est vraiment trop injuste. Mais, franchement, petit Calimero, est-ce qu’un ventre musclé, ça passe forcément par la fameuse « plaquette de chocolat » qui en met plein la vue ? Ou bien, on peut avoir des abdos en acier sans pour autant qu’ils soient bien visibles ? Question (existentielle) à laquelle notre coach, Nathalie Servais, s’est attelée avec rappel anatomique et tout le tralala.

Lire plus »

8 mars : l’égalité des sexes au menu du CIO

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, ce 8 mars, le Comité international olympique a annoncé le nom des 6 lauréat.e.s de ses trophées « Femme et Sport » 2020. Des lauréat.e.s « défenseurs » de l’égalité des sexes. Le monde bouge dans l’olympisme.

Lire plus »
La question qui tue Le sport, ça met combien de temps pour faire effet ?

Le sport, ça met combien de temps pour faire effet ?

La taille affinée, les tablettes de chocolat, les muscles bombés… on est une ribambelle à se mettre au sport pour sculpter nos corps (que l’on trouve) imparfaits. Et nous voilà un peu frustrés quand, après trois séances, rien ne semble bouger. Mais combien de temps ça va donc prendre pour se réveiller ? T’impatiente pas, on t’explique tout !

Lire plus »
Attention, excès de vitesse en pagailles dans les Alpes

Attention, excès de vitesse en pagaille dans les Alpes !

Cette semaine, la saison de ski de vitesse s’ouvre avec le Championnat du monde avant de laisser la place à la Coupe du Monde puis au Speed Masters. Sensations garanties dans la station de Vars qui accueillent les meilleurs skieurs de la planète jusqu’au 26 mars. Petit récap’ des festivités sur neige.

Lire plus »
Béatrice Barbusse : « La femme doit prendre possession de son corps. »

Béatrice Barbusse : « La femme doit prendre possession de son corps. »

À la fois vice-présidente de la fédé de handball et sociologue, elle vient de sortir la version enrichie de son ouvrage de référence « Du sexisme dans le sport ». Béatrice Barbusse ne pouvait échapper à notre scope en cette Journée internationale des droits des femmes. Rencontre avec une femme de sport qui s’enflamme, avec une chercheuse éclairante. Et ça fait du bien !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner