C’est un sourire ambulant. Un concentré d’énergie. Une bulle d’oxygène. En un mot comme en cent, un véritable phénomène. Chiara Consonni, 21 ans à peine, balaye tout sur son passage. Sa polyvalence et ses talents de sprinteuse combinés à sa ténacité et son esprit d’équipe la désignent tout naturellement comme l’un des grands espoirs du cyclisme italien.
Mais la tornade italienne ne peut se résumer à ses seules performances. Reconnue pour son exubérance, réputée pour sa fraicheur désarmante, son caractère fantasque et sa bonne humeur contagieuse achèvent d’en faire un personnage à part.
Il faut dire que pour « Chiari » ou « Conso », diminutifs affectueux donnés par ses amis, la vie est un jeu. « J’aime m’amuser confirme-t-elle dans les colonnes de Suiveur.it. Sans plaisir, plus rien n’a de sens. »
Alors, victoires ou défaites, finalement tout ça importe peu, le cyclisme est avant tout une fête et il doit le rester. Coûte que coûte. Une philosophie de vie qu’elle tient de l’un de ses deux frères, Simone : « Il m’a dit : “Amuse-toi. Ne pense pas à aller sur les courses pour gagner, ne compare pas ton vélo à celui des autres. Sois heureuse et vis tout cela comme un amusement.” »
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Simone. À la fois aîné et mentor. Point d’ancrage comme elle aime à le décrire. Cycliste professionnel lui aussi, il est celui qui a ouvert la voie, transmis le virus. Pourtant, à la maison, le sport roi, c’était plutôt le football pour Corrado, le papa.
Jusqu’à ce jour où l’un de ses amis l’embarque à Brembate, petite ville de la banlieue de Bergame située à quelques encablures du domicile Consonni. Ses enfants y pratiquent le cyclisme. Le petit Simone, 6 ans, est de la virée. Mordu, il va contaminer parents, fratrie, mais également cousins. Aucun d’entre eux ne va résister à sa passion contagieuse naissante pour la petite reine, et surtout pas sa petite sœur.
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Embarquée dans le sillage de ce grand frère adulé, la petite suit. Pour elle, à l’époque, vélo rime exclusivement avec famille. Lien entre tous les membres du clan, il est le prétexte à de savoureuses réunions dominicales durant lesquelles partage et amusement sont les maîtres-mots.
Des valeurs que la jeune fille brandit, depuis lors, comme autant d’étendards partout où elle passe : « Le cyclisme n’est pas seulement un sport qui met en valeur vos aptitudes sportives poursuit-elle sur Suiveur.it. C’est aussi un environnement dans lequel vous créez de nombreux liens, de nombreuses amitiés. Avec mes coéquipières par exemple, nous passons tout l’été ensemble. Nous sommes une famille. Nous sommes comme des sœurs. Je ferais tout pour elles et elles feraient tout pour moi. »
Un état d’esprit on ne peut plus sain qui n’empêche néanmoins pas Chiara Consonni de cultiver un mental d’acier et une détermination à toute épreuve. Car derrière sa frimousse juvénile, parsemée de tâches de rousseur, la blonde Italienne cache un bel animal de compétition.
Sacrée championne du monde en poursuite par équipes deux années de suite – 2016, 2017 – elle ajoute à son palmarès junior un titre mondial en Madison et trois ors européens (Poursuite par équipe 2016, 2017, Madison 2017).
Des débuts prometteurs pour la tornade lombarde qui s’illustre également sur route sous les couleurs de l’équipe Valcar.
Encadrée par Davide Arzeni, son entraîneur, Chiara Consonni la fantasque apprend, en quelques années, à canaliser son énergie et prend conscience de son talent. « Je n’étais pas une fille qui avait des objectifs précis reconnaît-elle sur Suiveur.it. Davide m’a prise sous son aile et a réussi à me fixer ces objectifs. Moi, j’ai essayé de les atteindre. »
Troisième du Flanders Diamond Tour en 2017 et 2018, la jeune professionnelle va de nouveau goûter aux joies du podium la saison suivante en complétant le trio de tête du Grand Prix Bruno Beghelli.
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Le 8 septembre 2019, c’est la consécration. La native de Ponte San Pietro s’impose à l’issue de la cinquième étape du Boels Ladies Tour et signe le premier succès de sa carrière sur le Pro Tour.
Une joie intense pour Chiara Consonni qui peine à contenir son émotion. S’en suit une vidéo à son image, piquante, durant laquelle la rouleuse-sprinteuse, en larmes, tente d’exprimer sa joie dans un mélange foutraque d’italien et d’anglais avant de conclure l’interview d’un « It’s very very super » devenu aussitôt viral.
Adoubée par le public, encensée par la presse qui n’hésite pas à la comparer au Jamaïcain Usain Bolt ou à son compatriote Valentino Rossi, deux légendes, « la Consonni » change peu à peu de dimension.
« Ce jour-là, quelque chose a changé, j’ai commencé à croire davantage en moi reconnaît-elle dans un entretien accordé à Bicitv.it. C’était un moment difficile pour mes coéquipières et moi, nous étions sous pression parce que nous ne savions pas quel serait l’avenir de notre équipe. Gagner m’a donné beaucoup de force et l’envie de donner le meilleur de moi-même car nous savons désormais que nous pouvons rivaliser avec les plus fortes. »
Ses deux podiums 2020 – une troisième place à l’issue du Grand Prix de Plouay et une deuxième au Grand Prix d’Isbergues féminin – viendront confirmer cette montée en puissance. Et ce n’est qu’un début.
Chiara Consonni entend bien poursuivre sur sa lancée. Sur piste ou sur route ? En bonne épicurienne, elle se refuse à choisir : « Dans les deux cas, je pense qu’il y a un fort élément de partage même si c’est dans une perspective complètement différente analyse-t-elle sur Direttaciclismo.it. Sur la piste, cette dimension émerge entre les athlètes eux-mêmes. Sur la route, il y a un partage d’émotions sans précédent avec le public. »
Désormais focalisée sur la saison 2021, la valeur montante du cyclisme transalpin, s’autorise à rêver de Jeux Olympiques. Si Tokyo lui trotte dans la tête, elle reconnaît néanmoins que l’échéance est probablement prématurée. « Même si l’on dit que l’espoir est le dernier à mourir, je suis consciente de ne pas faire partie des principales candidates à la sélection. »
Japon ou pas Japon, la pétillante Chiara, comme à son habitude, ne se formalisera pas. Car pour elle, définitivement, l’essentiel est ailleurs, et le vélo est, et restera, une histoire de partage et d’émotion, bannière olympique ou non.
« Cycliste est un métier difficile qui demande beaucoup d’efforts mais il y a aussi, dans le vélo, un ensemble de choses indescriptibles. Le vélo, c’est aussi de l’émotion. Il y a tant de gens qui vous aiment et qui partagent tout avec vous. Le vélo, c’est de l’amour, beaucoup d’amour… »
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