Peu importe le sport, on a nettement l’impression que certaines sont nées pour y briller. Des élues d’une prophétie qui dit que malgré tous les déboires possibles et imaginables, ces championnes accompliront de grandes choses. Annemiek van Vleuten est sans l’ombre d’un doute la prodige du cyclisme international.
Pourtant, pour Vleuty, son surnom, le vélo n’a pas toujours été une priorité. Née le 8 octobre 1982 à Vleuten aux Pays-Bas, elle se prend d’abord de passion pour le football. Une histoire qui va durer jusqu’à ses 23 ans. On est alors en 2005 et la Néerlandaise est contrainte de renoncer au ballon rond en raison de multiples blessures aux genoux.
Il faudra attendre l’année suivante pour qu’elle accepte de tenter autre chose. Elle décide alors de s’inscrire au TCW’79 de Wageningue, un petit club cycliste qui lui fait découvrir le sport dont elle tombe éperdument amoureuse.
Son arrivée dans cette discipline a été comme remettre un poisson dans l’eau et elle ne tarde pas à se faire remarquer. Dès juillet 2010, à 28 ans, Annemiek participe à son premier grand tour, le Giro Rosa (Tour d’Italie féminin) dans lequel elle fera plus que de la simple figuration, grâce à une victoire d’étape.
La confirmation survient le mois suivant lorsqu’elle remporte La Route de France, une course à étapes, ancêtre du Tour de France Femmes. Elle devance de six petites secondes sa poursuivante allemande Judith Arndt. Le monde du vélo est prévenu, elle est venue pour tout rafler !
Les années qui suivent, Annemiek van Vleuten continue sa progression. En 2011, elle remporte le Tour des Flandres et grâce à sa régularité sur les autres courses, elle est même sacrée championne du monde.
©Antonio Baixauli/Unipublic/Cxcling
Seulement, une grande championne ne se forge pas uniquement à coups de victoires écrasantes, mais plutôt à sa capacité de se relever après de lourdes chutes. Nous sommes à l’été 2016, les Jeux Olympiques de Rio battent leur plein et Vleuty semble déterminée à inscrire son nom dans l’histoire de l’olympisme.
La course bien entamée, la Néerlandaise est la seule à pouvoir suivre le rythme de l’Américaine Mara Abbott. Toutes deux seules en tête, c’est un véritable duel au sommet. Une fois l’ascension de la Vista Chinesa terminée vient l’heure de la descente et c’est ce moment que Annemiek van Vleuten choisit pour frapper un grand coup. Elle devance sa concurrente et dévale à toute allure. Malheureusement, dans un virage à seulement dix kilomètres de l’arrivée sur les cent-trente-sept au total, Vleuty perd les pédales et chute lourdement sur une bordure en béton. La championne, inconsciente, est rapidement hospitalisée.
Les médecins lui trouvent une commotion cérébrale et des mini-fractures au niveau de trois vertèbres. Un bilan pas anodin mais plutôt optimiste pour la Néerlandaise, bien consciente et capable de remonter sur le vélo après quelques temps de repos. Et c’est ici que Annemiek van Vleuten va écrire sa légende.
À peine un mois après sa chute, elle remporte le Tour de Belgique. Voici ce qui la caractérise : la ténacité. Cette cycliste est prête à tout pour gagner, parfois trop, mais toujours apte à se relever de ses chutes.
Sa régularité lui vaut de devenir numéro une mondiale au classement World Tour en 2017, mais, avant cela, les gros résultats vont pleuvoir. Elle va remporter son premier grand tour, le Giro Rosa, là où tout a commencé huit ans auparavant. Dans la même compétition, l’année d’après, elle réalise la performance absolue : Vleuty finit avec le maillot rose de leader du classement général, le maillot vert de meilleure grimpeuse et le maillot violet du classement à points, une domination sans pareille pour ce qu’on pourrait appeler un hat-trick du cyclisme !
Mais ce n’est pas assez pour la native de Vleuten qui se fait encore une fois remarquer durant cette même année 2019 grâce à une échappée en solitaire de cent kilomètres. Une échappée qui lui offre la première place lors de la course en ligne aux championnats du monde. Comme si son accident à Rio n’avait rien changé et l’avait même rendue plus forte…
Cependant, ces JO 2016 ne seront pas la seule épreuve qu’Annemiek va traverser. Il y aura ensuite sa chute lors du Giro 2020 et un poignet cassé alors qu’elle était favorite à sa propre succession. Une blessure qui ne l’empêche pas de prendre le départ et d’aller chercher une deuxième place lors des championnats du monde sur route, moins de dix jours (oui, vous avez bien lu) après l’accident.
Mais la nouvelle désillusion vient de nouveau du côté des Jeux. Cette année-là, la Néerlandaise sacrifie le Giro pour être au top de sa forme à Tokyo 2021, malheureusement elle finit deuxième de sa course olympique.
Un bon résultat en somme ? Certes, mais il aurait été plus savoureux si Annemiek van Vleuten n’avait pas cru à une médaille d’or en levant les bras au ciel alors qu’elle passait la ligne d’arrivée. L’Autrichienne Anna Kiesenhofer avait franchi la ligne plus d’une minute avant elle. Une déconvenue qui ne l’empêche pas d’aller chercher la médaille d’or sur le contre-la-montre mais qui reste à jamais gravée dans les mémoires.
Pourtant, encore une fois, le retour sur la selle sera plus que triomphant. Quoi de mieux pour faire oublier cette gaffe que de signer un exploit jamais réalisé dans l’histoire du cyclisme ? C’est ce qu’elle fait en 2022 en remportant les trois grands tours : le Giro Rosa, la Vuelta, et le Tour de France Femmes, enfin de retour plus de trente ans après la dernière édition et la victoire de la Française Jeannie Longo.
Un triplé historique qu’elle est pourtant en passe de reproduire cette année, déjà victorieuse de la Vuelta et du Giro juste devant une certaine – cocorico – Juliette Labous, avec désormais, en ligne de mire, le maillot jaune du Tour.
Fin 2023 sera l’heure de raccrocher le cadran pour Annemiek van Vleuten, elle qui déclare vouloir arrêter sa carrière au sommet de son art.
D’ici-là, elle s’offre un dernier Tour avant de rentrer.
Ouverture ©Luis Angel Gomes
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