Camille Grassineau « Il y aura toujours des critiques sur une fille qui joue au rugby, moi je fais ce que je veux. »

Camille Grassineau, « Le tout, c'est de faire ce dont on a envie. »
Avec ses coéquipières de l'équipe de France de rugby à 7, elle vient de décrocher une médaille de bronze au mondial, en Afrique du Sud. Pour Camille Grassineau, c'est le signe de la grande forme d'un rugby féminin qui poursuit son développement discrètement mais sûrement. De bon augure à moins de deux ans de Paris 2024. Rencontre avec une rugbywoman dans une forme olympique.

Par Alexandre Hozé

Publié le 28 septembre 2022 à 20h06, mis à jour le 13 avril 2023 à 16h26

Tu es joueuse de l’équipe de France de rugby à 7, mais aussi à XV. Le ballon ovale, c’est un amour de jeunesse ?

Pas du tout, j’ai démarré très tard le rugby, à 18 ans. Après, je bougeais beaucoup tout de même, j’ai pratiqué toutes les disciplines possibles et imaginables avec l’Union Nationale du Sport Scolaire, l’UNSS, au collège comme au lycée. 

Pourtant, tu étais entourée de rugbymen… 

C’est vrai, mon père, mon frère et mon grand-père étaient vraiment passionnés. Quand j’étais petite, forcément, on allait aux matchs.

Je ne comprenais pas trop ce qu’il se passait mais bon, dans ma région (la Dordogne, Ndlr), le rugby est très important donc c’était normal d’être au stade. 

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Tu enfiles les crampons à 18 ans et à partir de là, tu progresses à vitesse grand V, comment tu l’expliques ?

Ça a été très vite en effet. Honnêtement, à l’époque, il y avait aussi moins de licenciées, beaucoup moins de structures, aucune académie pour repérer les jeunes…

Je pense avoir eu un petit peu de chance sur le timing et j’ai aussi été plus facilement repérée car j’étais en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS). 

Après, j’ai eu mes premières sélections très rapidement, lors de ma deuxième saison avec le rugby à 7, mais ce qui a vraiment fait la différence, c’est mon goût du combat, ma vitesse…

Je n’étais pas une grande joueuse de rugby, mais je me donnais à 200 %. 

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Comment s’est déroulé ton début de carrière, sachant que comme tu l’as dit, le rugby féminin était très peu développé ? 

J’étais en STAPS, la plupart de mes coéquipières étaient aussi étudiantes… Le rugby était un bonus, il fallait s’entraîner à côté, pour le club comme pour la sélection. 

On recevait des programmes d’entraînement, on avait un suivi à distance et on se regroupait lors de stages de préparation. Quand j’ai commencé, c’était pas très encadré.

Le rugby féminin est devenu professionnel depuis très peu de temps et pour très peu de personnes.

Aujourd’hui, au niveau national, nous sommes une vingtaine sous contrat pour le rugby à 7, un peu plus pour le XV. À part ces filles, toutes les autres joueuses n’ont pas le statut de pro, mais d’amateur. 

Ça progresse, ça se structure, il y a de plus en plus d’aides pour les joueuses, mais ça n’est pas encore professionnel.

À quel moment le rugby est-il devenu ton projet professionnel ? Quel a été le déclic ? 

Je ne sais pas si je l’ai réellement décidé. La fédération s’est structurée, le sport faisait partie de mes priorités, même dans mes études. Ça s’est fait assez naturellement en fin de compte.

Il n’y avait pas encore de contrat pro, je voulais juste performer. La bascule a eu lieu quand le rugby à 7 est devenu un sport olympique.

Les contrats sont apparus -je suis sous contrat avec la fédération depuis 2014- et un groupe d’une quinzaine de joueuses professionnelles s’est construit pour les JO de Rio, en 2016.

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Tu as connu tes premières sélections sous le maillot bleu avec le rugby à 7, mais le XV de France t’a également appelée pour plusieurs matchs… 

Oui, c’était au moment de la Coupe du monde de 2014, j’ai eu quelques sélections. Et c’est mon développement dans le rugby à 7 qui m’a permis d’atteindre ce niveau dans le XV.

Mais ça fait maintenant trois ans que je n’ai plus de licence pour le rugby à XV. C’est assez rare comme cas, parce qu’il n’y a pas de championnat de rugby à 7 en France. Donc, la plupart des septistes jouent également avec un club de XV. 

Mais les deux calendriers de chaque discipline se croisent beaucoup, c’est toujours délicat. 

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C’est pour cela que tu as décidé de ne pas prolonger l’expérience dans le XV ? 

C’est l’un des critères qui m’a conduit à ce choix. Mais le vrai problème, pour moi, c’était l’investissement.

J’avais l’impression de faire les choses à moitié en cumulant les deux rugbys. Tout ça entraînait de la frustration, je manquais de repères avec mes coéquipières car je ne pouvais pas faire tous les entraînements. 

À l’approche des JO de Tokyo, je voulais aussi me concentrer sur cette compétition. Le rugby à 7 a ce côté touche-à-tout, il est très polyvalent, c’est ce qui m’a toujours beaucoup attirée. 

Mais je ne ferme pas forcément la porte à un retour au rugby à XV. On verra.

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Le rugby à 7 reste moins médiatisé que son cousin à XV, peux-tu donc nous expliquer comment se passe une saison avec l’équipe de France de 7, ses compétitions et comment vous êtes encadrées ? 

Pour l’encadrement, notre lieu de travail, c’est le centre de Marcoussis. En fin de compte, avec l’équipe de France de 7, on fonctionne un peu comme un club. On se voit tous les jours, on fait tous les entraînements ensemble… 

Le staff s’est aussi étoffé, en toute logique. On a deux entraîneurs, un analyste vidéo, un kiné référent en plus d’un autre qui est toujours avec nous. Les performances viennent de là aussi, la compétence du staff est hyper importante. Et pour ça, nous sommes servies. 

Pour les compétitions, nous avons, par exemple, sept tournois dans le cadre du World Series, le circuit mondial qui se répète tous les ans.

À chaque tournoi, on rencontre les meilleures équipes mondiales et il y a un classement au terme de la compétition. Donc, il faut être performantes à chaque fois pour être les mieux classées possible.

Il y a aussi les championnats du monde, les Jeux Olympiques et un championnat d’Europe qui a lieu tous les ans en début d’été. 

Il y a quelques moments de creux entre les compét’. Là, le staff nous garde dans le rythme avec des matchs amicaux.

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Et cet encadrement paie. Depuis quelques années, l’équipe de France féminine de rugby à 7 performe. Une médaille d’argent aux JO de Tokyo en 2021, une seconde place au World Series 2021-2022, une breloque de bronze à la Coupe du Monde 2022 en Afrique du Sud… 

C’est vrai, on a eu de bons résultats cette année, on a poursuivi sur ce même élan des Jeux Olympiques. Après, pour être honnête, la deuxième place au World Series est tronquée, dans le sens où des équipes ont loupé des étapes à cause du Covid.

Au final, on s’en sort bien avec ce classement car on a fait une saison très irrégulière. Nous avons été plusieurs fois en position de gagner des étapes mais nous n’avons jamais réussi à conclure, donc paradoxalement, ce World Series était très frustrant. 

Mais le résultat de la Coupe du Monde nous relance dans quelque chose de positif, sachant que nous avions un groupe mixé entre des anciennes et des jeunes qui découvraient la scène internationale pour certaines. 

Mais ces jeunes sont capables de coller rapidement au projet de l’équipe, c’est vraiment de très bon augure pour le futur, d’autant que nous avons eu pas mal de blessées cette saison. 

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Le rugby à 7 féminin poursuit donc son développement, comme il le fait depuis des années maintenant ?

Oui, ça se fait au fur et à mesure. À mes débuts, nous avions simplement des stages de temps en temps, on avait une seule semaine de préparation avant une compétition… Forcément, les résultats n’étaient pas incroyables. 

Et c’est vraiment l’apparition des contrats qui a changé beaucoup de choses : en 2013, Fanny Horta et Rose Thomas montent à Paris pour s’entraîner plus et, sous leur impulsion, la fédération signe seize contrats supplémentaires pour le rugby à 7 féminin !

En toute logique, avec un groupe solidaire qui se développe au même rythme, bien accompagné et qui a de très bonnes infrastructures à disposition, la progression a été rapide. 

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À quoi pourrait ressembler l’avenir du rugby à 7 français, sur quels points faut-il encore avancer ? Des clubs pour pouvoir créer un championnat ? Insister sur les équipes jeunes ? 

Pour les jeunes, le processus est déjà entamé, on a de plus en plus d’équipes, de développements, tout ça se structure.

Par exemple, six jeunes du Pôle 7 vont être davantage avec nous cette année, au moins une semaine par mois. Donc, c’est très bien pour elles et pour nous également. 

Sinon, c’est clair qu’un championnat national pourrait être intéressant, après c’est loin d’être simple à organiser. 

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Les résultats des équipes A contribuent aussi à ce développement. Comment vit-on une médaille d’argent olympique ? 

C’est quelque chose d’exceptionnel ! En plus du résultat, on est avec les autres athlètes et puis c’est les JO, c’est historique. 

Nous sommes passées de trois ans de préparation à quatre avec le Covid, le staff a super bien géré ça. Et malgré le peu d’opposition en conséquence du contexte sanitaire, nous sommes arrivées en forme à Tokyo, en groupe soudé, et le résultat a suivi. 

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Dans ta carrière, tu t’es déjà heurtée à des barrières parce que tu étais une femme ? 

Personnellement, je n’ai jamais été confrontée à des propos ou des comportements sexistes. Et même si le rugby féminin a mis beaucoup de temps à se développer, à partir de la Coupe du monde féminine de rugby à XV en France en 2014, tout s’est accéléré. 

Suite à cette compétition, les anciennes images moins reluisantes de la discipline n’avaient plus leur place. 

La combinaison médiatisation et évolution du jeu féminin a réellement convaincu le public. La fédération n’a pas loupé le coche et s’est vraiment investie pour que ça fonctionne.

Il y a eu les contrats professionnels pour le 7, des salaires, certes encore très éloignés de ceux des garçons, mais qui nous permettent de vivre de notre passion… On est sur la bonne voie ! 

Ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus rien à construire, mais la dynamique est très positive, il y a des discussions régulières pour continuer d’avancer dans ce sens. 

Personnellement, je pratique ce sport parce que j’aime ça. Sports de filles ou sports de garçons ? C’est incompréhensible pour moi, encore plus à notre époque.

Il y aura toujours des critiques sur une fille qui joue au rugby, le tout, c’est de faire ce dont on a envie. Et moi, je fais ce que je veux.

Quels sont les objectifs de l’équipe de France de rugby à 7 en ce moment ? 

Comme tous les ans, on va avoir le World Series et le championnat d’Europe. L’objectif est de continuer sur notre lancée et de commencer à gagner des étapes pour atteindre la première place.

Ça fait quelques saisons qu’on n’en est pas loin, donc c’est le moment de franchir le cap. 

Et forcément, les Jeux Olympiques de Paris 2024 arrivent très rapidement. Une olympiade se prépare plusieurs années en amont, donc c’est déjà dans notre esprit, même si on veut aussi aborder les autres compétitions avant les JO en étant concentrées. 

On va y aller, step by step ! 

Et personnellement, c’est quoi ton objectif ? 

Continuer de prendre du plaisir. En performant un maximum ! 

Ouverture : Facebook / Camille Grassineau

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