Anne-Caroline Chausson  « Personne n’est imbattable, malgré mon palmarès en BMX et VTT, j’avais des failles moi aussi. »

Anne-Caroline Chausson : « Personne n’est imbattable, malgré mon palmarès en BMX et VTT, j’avais des failles moi aussi. »
Elle est considérée comme la plus grande descendeuse de tous les temps. Pendant des années, Anne-Caroline Chausson a cumulé les titres de championne du monde en VTT et BMX, jusqu’à l'or olympique à Pékin en 2008. Seize ans plus tard, la Dijonnaise, en rémission d’un cancer des ovaires, continue de faire du vélo, sa bouffée d'oxygène.

Par Sophie Danger

Publié le 11 septembre 2024 à 19h00

Dans ta vie, avant le VTT, ce fut d’abord le BMX et c’est avant tout une histoire de famille puisque ce sont tes deux grands-frères qui t’ont initiée à la discipline. Comment ça s’est passé ?

Je devais avoir 6 ou 7 ans et mes parents ont offert des vélos à mes frères. Dans le village dans lequel nous habitions, il y avait une petite émulation autour de la discipline avec quelques bosses de construites. Mes frères ont commencé à faire des compet’ régionales, je suis allée sur des courses mais ça ne me plaisait pas du tout de les regarder, je voulais faire la même chose qu’eux et j’ai demandé un vélo à mon tour. C‘est parti comme ça.

Tes parents ont accepté tout de suite ?

Oui, je crois que ça les arrangeait, c’était plus simple que tout le monde fasse la même activité et puis, à une époque, mon papa aussi roulait. Le BMX, c’est devenu notre activité sportive, notre loisir, nos vacances, ça faisait tout. C‘était une passion familiale, mon père s’est investi dans le club de notre village, mes frères aussi pour tracer les pistes.

Par la suite, quand mes parents ont vu que ça me plaisait vraiment, on a compris qu’il fallait que j’intègre une vraie structure d’entraînement pour pouvoir progresser et c’est à ce moment-là, j’avais 10 ans je crois, que je suis partie au Bicross club de Dijon

Comment tu expliques que tu aies accroché à cette discipline ?  

J‘avais un vrai plaisir à faire du BMX, ça c’est sûr. Toute la semaine, je pensais au mercredi et au week-end parce que je savais que j’allais pouvoir faire du vélo. Ce que j’ai aimé par rapport au vélo classique, ce sont les sauts et tous les gestes techniques.  

Tu progresses très vite et en 1987, l’année de tes 10 ans, tu vas devenir championne du monde. Comment tu expliques cette réussite précoce ?

J‘avais probablement des aptitudes parce que, dès les premières courses, j’étais un peu meilleure que les autres, mais ce qui a vraiment changé pour moi c’est, qu’en arrivant à Dijon, j’ai eu des entraîneurs qui étaient pros ou semi pros on les appelait des superclasses à l’époque – ce qui m’a donné une vision beaucoup plus profonde de la discipline, de ce que cela signifiait d’être un champion. Je pense que tout cela a peut-être créé une vocation chez moi à partir de ce moment-là.

C’est le début d’un palmarès extraordinaire et d’une domination quasi sans partage durant laquelle tu vas quasi tout rafler sur ton passage.

J‘étais plutôt douée mais je n‘ai pas tout gagné dès le début. Ma force, c’est aussi que je me suis peu blessée et que j’ai réussi à me construire sur des années et des années.

Tu te construis sur des années mais avec des résultats très rapides et très réguliers.

Je suis bien avec les courses d’une journée, ce qui explique que j’ai un peu cumulé les titres de championne du monde.

Tu en possèdes effectivement une belle collection. Après ce premier titre mondial, tu décroches de nouveau le graal en 1992 et 1993. Tu n’as pas encore 18 ans et tu es déjà triple championne du monde !

J’ai eu mes premiers titres de championne du monde chez les juniors alors que je roulais depuis que j’avais 6 ans, ça a été progressif. Sur le papier, ça semble énorme mais en ce qui me concerne, je ne savais pas où je voulais aller, mon ambition à moi, était de faire du mieux que je pouvais sur chaque course et comme il y avait toujours de la progression, c’était très motivant. Quand je parle de progression, ce n’est pas uniquement dans le résultat, mais aussi dans l’apprentissage. 

Pourtant tu parviens à dominer outrageusement ta discipline.  

Je me concentrais sur ce que je devais faire, mais ce qui est terrible, c’est que les gens pensent qu’il n’y avait pas de concurrence, or il y en a toujours eu et je n’ai jamais gagné facilement. J‘ai toujours eu l’impression, en regardant mon parcours, que ça avait été compliqué parce qu’en réalité, on ne gagne jamais une course avant de l‘avoir gagnée.

Je me mettais beaucoup de pression, à l’entraînement dès qu’une fille me battait ou se rapprochait, je bossais encore plus. Je n‘ai jamais considéré les choses comme acquises et définitives, pour moi, le sport c’est d’abord une histoire de progression, le résultat ne fait pas tout.

Malgré cette ultra domination, tu vas changer d’orientation et te lancer dans le VTT ce qui implique de repartir de zéro. Comment tu as bifurqué ?

À l’époque, j’étais en équipe de France de BMX et beaucoup de gars de mon âge étaient sponsorisés par Sunn, une grande marque de BMX qui commençait à faire du VTT. Lorsque l’on se retrouvait sur des compétitions, ils m’incitaient à essayer parce que la discipline était vraiment bien et que les Championnats du monde allaient se dérouler en France.

En 1993, la saison de BMX terminée, on a décidé d’aller tous ensemble dans le sud de la France et pendant toute la durée des vacances, ils m’ont poussée à appeler le patron de Sunn. Mon frère et un copain à lui s’étaient mis au VTT de descente donc je me suis tournée plutôt vers eux pour leur demander de me trouver un vélo.

Ils m’ont trouvé un sponsor, mais le responsable était en vacances lui aussi or je voulais participer à course qualificative pour les Monde et j’ai fini par me résoudre à appeler Sunn.

Tu as pu participer à la course qualificative ?    

Sunn m’a prêté un vélo, la semaine d’après je suis partie sur une Coupe de France à Vars dans les Hautes-Alpes pour me qualifier. Je fais un podium et je suis retenue pour les Championnats du monde de Métabief qui ont lieu un mois plus tard. Cette anecdote, c’est un peu l’histoire de ma vie : il y a des rencontres, des chances que j’ai su saisir.

J’ai lu également que tu avais opté pour le VTT car le BMX n’était pas un sport olympique et que l’espoir d’en vivre, surtout quand on est une fille, était quasi nul. Ça a joué aussi ?

C’est une explication un peu rapide. J‘avais 17 ans, j’étais bicrosseuse à part entière mais il est vrai que ce n’était pas un sport professionnel. Mes parents voulaient que je passe mon bac et moi, après, j’envisageais de partir au moins un an aux États-Unis pour y faire une saison parce que c’est le berceau du BMX et quil y avait l’air d’avoir des filles semi-pros là-bas.

C’était ça mon rêve et là, est arrivé le VTT qui était nouveau et pour lequel il y avait clairement plus de moyens. Ça m’a emballée. Pendant quelques mois, j’ai mené les deux activités en parallèle et puis, comme je progressais trop vite en VTT, les sponsors ne m’ont plus vraiment laissé le choix.

Tu dirais que le VTT était un choix par défaut pour toi, un choix contraint ?

Non, pour moi aussi, c’était tout nouveau, c’était les paillettes, je ne me suis pas vraiment posé la question longtemps de ce que j’allais faire. Je savais que le BMX allait forcément s’arrêter très rapidement parce qu’il fallait que je fasse des études et que je n‘avais pas d’espoir d’en vivre. Pour continuer, il aurait fallu que j’ai un métier donc j’envisageais de devenir prof de sport mais en VTT, en moins de 6 mois, je suis passée professionnelle. 

La question du choix ne se posait pas : on nous envoyait aux quatre coins du monde dans les montagnes pour faire du vélo, on était loin des parents et on gagnait un peu d’argent, c’était le rêve.

Pour revenir à ce premier Championnat du monde de VTT à Métabief pour lequel tu te qualifies, c’était en 1993, premier rendez-vous, premier titre dans la spécialité pour toi.

Oui, je m’impose chez les juniors avec le meilleur temps élite.

En deux courses tu deviens donc la meilleure du monde !

Disons une des meilleures du monde. Je ne sais pas expliquer pourquoi j’ai obtenu ces résultats mis à part le fait que tout ce que j’ai appris en BMX avant ma bien aidée. J‘ai aussi été bien entourée et puis il y a le fait que je me sois tournée vers Sunn qui, à l’époque, avait l’un des meilleurs vélos et l’une des meilleures équipes.

Tu expliques pourtant qu’il t’a fallu un temps d’adaptation mais il semble que le temps d’adaptation n’ait pas vraiment existé

Si, au début je tombais pas mal. Je me souviens très bien de ma première course à Vars : j’avais trouvé la manette pour descendre les vitesses mais, après, quand j’ai dû attaquer une petite montée, je n’arrivais pas à trouver la manette pour remonter les vitesses ! Après ça, j’ai vite trouvé la manette !

Tu l’as parfaitement trouvée parce que, durant les dix années qui suivent, tu vas régner quasi sans partage sur la discipline. Tu rajoutes à ta moisson deux couronnes mondiales en junior en 94 et 95, de 96 à 2005 en sénior, sans compter 55 victoires UCI et 4 Coupes du monde successives. Comment tu arrives à garder la tête froide ?

Durant toutes ces années, il y a aussi eu une progression. C’est ça le sport, il faut apprendre, progresser techniquement, progresser physiquement et après, arrive un moment où, si on parvient à tout mettre bout à bout, on devient quasi imbattable, même si je déteste ce mot parce que personne n’est imbattable, malgré mon palmarès, j’avais moi aussi des failles.

Quoi qu’il en soit, ça s’est passé comme ça pour moi mais il est vrai que, comme je suis très renfermée, les gens ne percevaient pas qu’il y avait beaucoup de courses très compliquées parce que je chutais aux entraînements, parce que je me faisais mal, parce que je n’arrivais pas à faire certains passages.

Et puis, je suis une hyper strese et j’aime la perfection, ce qui fait que je me mettais toujours dans des états de pression pas possible. C’est pour toutes ces raisons qu’il n’a jamais été facile de gagner une course.

Est-ce qu’il n’y a pas un moment où tu t’es lassée de cette ultra-domination ?

À un moment, j’ai quit Sunn pour intégrer une autre équipe et je suis partie aux États-Unis pour un nouveau challenge. Il fallait que je batte mes plus grandes concurrentes chez elles, que je me construise une image là-bas, c’était un autre processus et ça a duré quatre ans.

Tu continues à briller en descente et tu rajoutes le dual-slalom et le 4 cross à ton palmarès.  

Pour le coup, c’est ce qui ressemblait le plus au BMX donc j’étais vraiment très à l’aise dans ces disciplines. Pour moi, le plus important restait de gagner en descente mais mon sponsor américain m’a mis pas mal la pression pour que je fasse du slalom et du 4 cross sur le Championnat du monde

Parfois, on faisait la qualif de la descente l’après-midi, juste après il fallait enchaîner sur les essais et le reste de la journée, on était sur le vélo pour les courses de slalom ou de 4 cross avant de passer au contrôle antidopage le soir en cas de victoire pour finir par se coucher vers 23h-minuit avant de réattaquer le lendemain à 7h où il fallait de nouveau se concentrer sur la descente.

J’ai gagné des titres mais ce n’était pas vraiment ma volonté de participer à ces disciplines.  

Est-ce que, pendant cet exil américain qui a duré entre 1999 et 2003, tu as constaté que le VTT, et notamment féminin, bénéficiait d’une plus grande reconnaissance, de plus de moyens qu’en France ?

Oui, même si je pense que dans notre sport les filles n’étaient pas mises à part. Les primes de courses étaient quasi les mêmes que celles des garçons par exemple, en tout cas pour la victoire, on était bien payées également.

Médiatiquement c’était aussi assez équitable, il y avait des super stars chez les garçons comme chez les filles. Je n‘ai pas ressenti de frustration quant au fait d’être une fille dans ce sport-là.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de rentrer en Europe ?

Cela faisait sept ans que je faisais du VTT et j’ai commencé à en avoir un peu marre. Je souffrais de l’éloignement, de ne jamais être là pour les réunions de famille, d’être toujours avec un sac de voyage…

Je suis rentrée, j’ai trouvé un sponsor européen avec lequel il a été décidé que je me recentrerais sur les Championnats du monde et les Coupes du monde européennes, ce qui m’a permis de retrouver un nouveau souffle, de prendre un peu de distance. Je faisais toujours beaucoup de compétition mais le rythme était différent.  

En 2004, tu réfléchis à arrêter définitivement 

Oui, j’avais 26 ans, c’était relativement jeune, mais une heure avant la finale des Championnats du monde, je suis tombée, je me suis cassé l’épaule et je me suis dit que je ne pouvais pas mettre un terme à ma carrière sur une chute. J’ai prolongé une année supplémentaire et, au cours de cette année, j’ai de nouveau fait une grosse chute sur une course de préparation en Suisse et je suis tombée dans un ravin. Lorsque j’étais en l’air, j’ai vraiment cru que j’allais mourir et j’ai eu peur.

À partir de ce moment-là, je savais qu’il fallait que j’arrête. J’ai disputé mon Championnat du monde que j’ai réussi à gagner in extremis mais je savais que c’était la fin et que je ne trouverais plus la motivation pour continuer après.

Est-ce que le fait d’avoir eu peur pour la première fois a aussi joué dans ta volonté d’arrêter ?

C’est vrai que c’est une des premières fois j’ai eu peur. J‘ai eu des accidents plus jeune, des traumas, des commotions cérébrales mais j’ai toujours pris le temps de me remettre et de revenir sans pour autant me dire que je pratiquais un sport dangereux.

Là, j’ai commencé à me dire : « Pourquoi mettre en danger ta santé pour un titre que tu as déjà gagné ? ». Quand tu te commences à réfléchir comme ça, c’est comme pour un skieur de descente, tu prends le risque de te blesser beaucoup plus.

Tu quittes la scène avec 19 couronnes mondiales autour du cou, comment tu envisageais la suite ?

On était en 2005, il n’y avait pas de réseaux sociaux et tout passait par la presse écrite, les séances photos. Mon idée, c’était de voyager à vélo, de faire de belles images et de les vendre. J’ai commencé, mais j’étais encore sous contrat avec mes sponsors qui me poussaient à reprendre la compétition. Moi, j’aspirais à une vie plus calme mais, contrat oblige, je me suis retrouvée à aller un peu partout pour des séances photos, des inaugurations de magasins

J’étais presque plus partie que quand je faisais de la compétition donc je me suis un peu fâchée avec mon sponsor.

Pourquoi être repartie en campagne pour participer à l’épreuve de BMX aux Jeux Olympiques, en 2008 à Beijing ?

À peu près à la même période, on a appris que le BMX serait aux Jeux. L’entraîneur de l’équipe de France m’avait un peu tendu la perche en m’expliquant qu’il risquait d’y avoir deux places pour les Françaises dont une qui n’était pas encore attribuée. C’est à cette époque que ça a clashé avec mon sponsor en VTT.

Je me suis dit que, quitte à refaire de la compétition, il faudrait que je trouve quelque chose qui me motive, quelque chose de nouveau. L‘expérience olympique, je n‘y pensais pas du tout et j’ai pensé que ce serait bien, pourquoi pas, d’essayer au moins de la vivre.

On a l’impression que ton entourage refuse que tu raccroches

Oui, parce que je suis jeune, en forme et ça aurait peut-être été du gâchis d’arrêter. Avec le recul et cette victoire aux Jeux, je ne peux pas dire que j’aurais voulu que les choses se passent autrement mais c’est une telle chance de pouvoir faire du sport de haut niveau et de gagner que c’était peut-être des caprices d’enfant gâtée que de se dire que j’en avais marre et que je voulais arrêter.

Des caprices ? La vie de sportive de haut niveau demande quand même beaucoup de sacrifices.

Oui, c’est dur, oui, c’est exigeant mais c’est quand même incroyable. On est dorloté, on nous emmène faire le tour du monde pour faire du vélo, c’est quand même une chance incroyable.

Tu renoues donc avec tes premières amours et, comme à ton habitude, tu excelles. Tu deviens championne du monde en 2007, vice-championne du monde 2008 et tu es de l’aventure à Pékin. Elle représentait quoi cette compétition pour toi ?

Quand j’ai décidé de plaquer le VTT pour me lancer à 100 % dans l’aventure olympique, le but c’était de participer pour voir. Je regardais les Jeux à la télé mais je ne sais même pas si ça me faisait rêver et puis, je ne m’étais jamais projetée en tant quathlète puisque je pratiquais une discipline qui n’était pas olympique.

Au fur-à-mesure de ma progression, les objectifs ont évolué, je suis passée de : « Je vais essayer de me qualifier » à « Je veux faire un podium » et puis, quelque mois avant les Jeux, à « Je suis capable d’aller chercher l’or ». C’était court, mais c’était tellement intense !

Quelle image te revient en mémoire lorsque tu te remémores les Jeux de Pékin ?

Quand je passe la ligne d’arrivée. Ça s’est passé tellement vite cette prépa et cette journée que je n’arrivais pas à y croire. Après avoir passé la ligne d’arrivée, j’oscillais entre rire et larmes en permanence, je me demandais si c’était vrai ou pas, je me demandais ce qui m’arrivait. C‘était incroyable et malgré tous les titres que j’avais eus avant, je n‘avais jamais ressenti ça. 

Comment tu expliques ça ? Parce que tu n’aurais pas dû prendre part aux Jeux ? Parce que c’était inédit ? Parce que c’est la seule médaille qui te manquait ? 

Oui, et puis il y a aussi le fait que, pendant cette année et demie de prépa, j’ai intégré progressivement ce que représentait une médaille olympique, ce que représentaient les Jeux. J’étais bercée par ça, il y a également l’intérêt que cet événement suscite chez les gens, les médias et puis il y aussi le fait que mon papa est décédé pendant ma prépa olympique d’un cancer et je lui avais promis que j’allais y arriver.

Je savais également que cette course serait ma dernière compétition même si j’ai encore fait deux-trois trucs après. Pour moi, c’était la fin de ma carrière, la cerise sur le gâteau, l’aboutissement de mon parcours.

Tu deviens la première championne olympique de BMX, tu ne pouvais pas mieux rêver en guise d’adieux.

Oui, on ne peut pas rêver meilleure sortie, mais j’ai mis longtemps à l’assimiler : j’ai dormi avec ma médaille pendant je ne sais combien de temps parce que j’avais besoin de la sentir, de sentir que c’était concret. C’était incroyable. Si je n‘avais pas gagné, ça n’aurait pas été catastrophique mais c’est mieux de sortir comme ça.

Dans les petits trucs que tu évoques après, il y a notamment eu un peu de ski de vitesse.

J‘habitais à Vars, en face de la seule piste de ski de vitesse française, et mon copain était l’ancien recordman du monde de la spécialité. J’en ai fait pour l’accompagner, m’amuser. Au retour des Jeux Olympiques, il y a eu le Championnat du monde à Vars, je me suis inscrite dans la catégorie production mais on n’était que deux, alors le titre est à relativiser.

En revanche, je n’ai jamais refait de BMX, ce qui est peut-être une déception parce que, quand tu es championne olympique d’une discipline pas très médiatique, ça peut la porter. J’aurais peut-être dû me montrer un peu sur des évènements pour aider mon sport.

Tu n’as pas arrêté le vélo pour autant

J’ai fait un peu de VTT enduro, puis il y a eu une Coupe du monde, je me suis dit que comme j’en faisais, pourquoi ne pas tenter. J’ai fait ça quelques années jusqu’au moment où je suis tombée malade.

C’était en 2015, tu apprends que tu es atteinte d’un cancer des ovaires et c’est un coup d’arrêt. Tu vas être prise en charge tôt, suivie et ce sera la rémission.

Malheureusement, j’ai rechuté pas mal de fois depuis. Aujourd’hui, je vais bien, ça fait deux ans que je suis tranquille, sauf que, pour les médecins, il n’est plus possible que je guérisse. Le sport m’a aidée, ça a toujours été mon exutoire. Je suis quelqu’un de timide mais par contre, sur un vélo, j’arrive à m’exprimer et dans la maladie c’était pareil.

Le sport a été mon bol d’oxygène, faire du vélo, être avec les copains... Guérison ou pas, je pense qu’il faut continuer à faire tout ce que l’on aime faire, sinon c’est cuit car on ne pense qu’à la maladie.

Tu es suivie régulièrement ?

Oui, comme le lait sur le feu parce que, comme je ne fais rien comme tout le monde, ma maladie a évolué mais pas comme chez les autres. Le corps médical ne sait plus trop quoi faire avec moi, mais mes chirurgiens me font confiance : quand ils tentent de nouveaux protocoles, ils savent que je vais me donner les moyens de récupérer et que ça en vaut la peine. Pour le moment, ça marche bien, pourvu que ça dure.

Tu as appris, avant les Jeux 2024, une nouvelle prompte à faire du bien au moral : tu as été choisie pour porter la flamme olympique.  

Je sors d’une période très compliquée et ça m’a redonné des objectifs, ce qui est bien et puis c’était très symbolique pour moi de la porter dans le Ventoux, la région je me suis installée pour préparer les Jeux Olympiques et dans laquelle j’habite depuis plus de dix ans.

Porter la flamme pour les Jeux de 2024, c’est déjà énorme mais la porter au sommet du mont Ventoux, un lieu si symbolique pour le monde du cyclisme, dans ma région d’adoption, c’était incroyable !

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