Raymonde de Laroche Ou l’histoire de la baronne qui ne manque pas d’air

Baronne Raymonde de Laroche
Elle a, sans regret, délaissé les arts pour la mécanique. Élisa Léontine Deroche, dite Baronne Raymonde de Laroche, a été comédienne avant de tout quitter pour grimper dans un aéroplane. Première femme au monde à décrocher un brevet de pilote-aviateur, la Parisienne a marqué de son empreinte les débuts de l’aviation. Récit d’une actrice devenue casse-cou.

Par Sophie Danger

Publié le 03 février 2021 à 9h00, mis à jour le 29 juillet 2021 à 14h26

C’était il y a 111 ans. Quasi-jour pour jour. Le 8 mars 1910, Élisa Léontine Deroche, plus connue sous le pseudonyme de Baronne Raymonde de Laroche, devenait, à bientôt 28 ans, la première femme au monde à obtenir son brevet de pilote-aviateur.

Pionnière parmi les pionnières, rien ne prédestinait pourtant cette intrépide Parisienne à inscrire son nom, et encore moins son surnom, au panthéon de l’aviation.

Née le 22 août 1882, dans le quartier du Marais, la jeune Élisa Léontine Deroche, issue d’un foyer modeste, nourrit, très tôt, un penchant certain pour les arts. Si peinture et sculpture contribuent à son épanouissement, c’est sur les planches qu’elle se révèle.

En décembre 1903, elle est à l’affiche de « La Sorcière », une pièce de Victorien Sardou programmée au théâtre de la ville, anciennement théâtre Sarah Bernhardt. La prestation de la demoiselle, qui incarne le personnage de Doña Sérafine, ne passe pas inaperçue et Michel Carré ou encore Max Maurey, auteurs dramatiques réputés du XXe siècle, feront, par la suite, appel, eux aussi, à ses talents.

Promise à une brillante carrière de comédienne, la fantasque Élisa décide cependant, à l’orée des années 10, de changer radicalement de vues.

Éprise de sensations fortes, elle qui a déjà conduit une motocyclette et piloté une automobile – elle obtiendra son permis en 1902 – se prend de passion pour les aéroplanes. Intime des frères Voisin, précurseurs en la matière, elle apprend les rudiments du pilotage sur leur terrain d’essai de Mourmelon.

Installée à bord d’un de leurs biplans, elle est conseillée dans cette audacieuse entreprise par Édouard Château, autre aviateur de renom.

Le 22 octobre 1909, la demoiselle Deroche exécute son premier vol en solo. Quatre mois plus tard, elle met le cap sur l’Égypte pour le meeting d’Héliopolis. Elle validera, à cette occasion, son brevet de pilote-aviateur qui lui sera délivré trois semaines plus tard, le 8 mars 1910. Une première mondiale pour une femme.

Dès lors, la Française n’aura de cesse de multiplier les exhibitions. Et les exploits. En mai 1910, à Saint-Pétersbourg, elle s’envole à 100 mètres d’altitude avant de couper le moteur de son avion pour atterrir en vol plané. Nicolas II, tsar de toutes les Russies, venu en spectateur, lui aurait, selon la légende, offert un bijou impérial et le titre de baronne pour la récompenser.

De retour en France au cours de l’été, la téméraire néo-sommité va passer tout près de la catastrophe. Engagée à Reims, son biplan chute d’une cinquantaine de mètres. Extraite des débris de l’appareil, elle souffre de multiples fractures mais s’en tire miraculeusement.

Le 26 septembre 1912, autre accident, mais d’automobile cette fois. En virée sur les routes du Rhône en compagnie du cadet des frères Voisin, elle est projetée hors de l’habitacle. Charles, l’ami de toujours, est tué sur le coup. Rescapée, la baronne s’en sort, par chance, avec seulement quelques contusions.

Pour dramatiques qu’ils soient, ces évènements ne parviennent toutefois pas à doucher son bel enthousiasme. En novembre 1913, elle remporte la Coupe Fémina après avoir parcouru 323 kilomètres en circuit fermé en l’espace de 4 heures, un record !

Rien ni personne ne semble pouvoir l’arrêter si ce n’est la Grande Guerre qui va la contraindre, temporairement, à garder les pieds sur terre, une fois n’est pas coutume ! Privée de son avion, réquisitionné d’autorité, elle sera autorisée à rejouer les filles de l’air qu’après la signature de l’armistice.

Un retour aux affaires, certes tardif à son goût, mais néanmoins triomphal puisqu’en juin 1919, elle améliore, par deux fois, le record d’altitude, après s’être envolée, tour à tour, à 4 000 puis à 4 800 mètres.

Désormais, femme la plus haute du monde, la baronne Raymonde de Laroche, fidèle à ses habitudes, se plaît à voir encore plus loin et surtout toujours plus haut. Le destin en décidera, malheureusement, autrement.

En juillet 1919, elle rejoint son instructeur en Baie de Somme pour s’y entraîner. Le 18, c’est ce dernier qui est aux commandes quand son avion s’écrase. Elle n’en réchappera pas.

L’extravagante baronne, miraculée par deux fois, disparaît tragiquement à l’âge de 36 ans non sans avoir marqué de son empreinte l’histoire de l’aviation mondiale.

D'autres épisodes de "Aviation : quand les filles s'envolent"

Vous aimerez aussi…

Françoise Dürr

Françoise Dürr ou l’histoire d’un doublé historique à Roland-Garros

Elle est la troisième et dernière Française de l’ère pré-open à avoir remporté Roland-Garros. Françoise Dürr, 78 ans, a rejoint ses compatriotes Suzanne Lenglen, Simonne Mathieu et Nelly Adamson dans la légende, en 1967. Cette année là, la native d’Alger remporte le simple face à l’Australienne Lesley Turner et s’impose également en double dames aux côtés de sa compatriote Gail Sherriff. Portrait d’une outsider qui a su dompter la terre battue parisienne.

Lire plus »
Le questionnaire sportif de…Lil’Viber

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Après un bel été chargé en émotions olympiques, retour du Best-of sur ÀBLOCK! Le meilleur de la semaine compilé pour une séance de rattrapage (comme le petit questionnaire sportif de la motarde Lil’Viber, ici en photo), c’est à grignoter le week-end et c’est tout benef !

Lire plus »
La question qui tue

Pourquoi, le soir, je suis ballonnée ?

Cette question qui tue, on nous l’a posée plusieurs fois. Genre, des sportives et des pas (toujours) sportives, si si ! Il semblerait que gonfler le soir venu soit malvenu. Et que ça concerne aussi celles qui font leurs abdos consciencieusement. Parce que (hey, on vous le dit, là, tout de suite, ça a pas forcément à voir). Alors, on va tenter une réponse avec notre coach, Nathalie Servais. Mais, on est d’accord qu’on n’est pas gastro, hein ?

Lire plus »
Kiki Caron

Christine Caron : « Être porte-drapeau aux JO a été un grand pas pour le sport féminin. »

Elle a marqué, de manière indélébile, les deux campagnes olympiques auxquelles elle a participé. Christine Caron dite Kiki Caron, 73 ans le 10 juillet prochain, s’est adjugée l’argent du 100 mètres dos aux JO de Tokyo en 1964 avant de bousculer les codes en devenant porte-drapeau de la délégation française à Mexico, quatre ans plus tard. Une première mondiale pour les Jeux Olympiques d’été. Rencontre avec une icône qui a fait bouger les lignes, et pas uniquement dans les bassins.

Lire plus »
Héloïse Courvoisier, la para-triathlète guidée par l’amour

Héloïse Courvoisier, la para-triathlète guidée par l’amour

C’est une histoire digne d’une comédie romantique. Déficiente visuelle et championne d’aviron, Héloïse Courvoisier se lançait, il y a quatre ans, dans le para-triathlon en rencontrant son compagnon Thibaut Rigaudeau, lui aussi malvoyant, adepte de la discipline. Le scénario fait rêver, surtout lorsqu’on apprend que c’est également un couple qui les guide… L’aventure de ces Jeux Paralympiques de Paris se vit doublement pour ces duos en miroir. Moteur… action !

Lire plus »
Laurence Prudhomme-Poncet : « Le football pratiqué par les femmes reste marginal et peu visible. » Pierre Payssé

Laurence Prudhomme-Poncet : « Le football pratiqué par les femmes reste marginal et peu visible. »

Vous reprendrez bien un peu de foot ? Certes, l’Euro 2022 est bouclé, mais on reste ÀBLOCK! sur le sujet. Voilà plus d’un siècle que les femmes se sont invitées sur les terrains de football et, en cent ans, peu de choses ont changé. Ou presque. Malgré un coup de projecteur de plus en plus prononcé lors des grands rendez-vous internationaux, la réalité quotidienne des footballeuses reste complexe. Retour sur cette histoire mouvementée avec Laurence Prudhomme-Poncet, auteure de « Histoire du football féminin au XXe siècle ».

Lire plus »
Iga Swiatek

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Un show urbain au parfum olympique, des pense-bêtes de sport avec des tenniswomen qui veulent tout casser à Roland-Garros (dont Iga Swiatek sur notre photo), une nouvelle chroniqueuse qui nous conte ses joies et déboires de sportive, une Question qui tue pour ne pas prendre une ride, c’est le meilleur d’ÀBLOCK!. Enjoy !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner