Rechercher

Valeria KechichianL’emblématique pasionaria du skateboard

Valeria Kechichian
Elle a découvert le skate à 28 ans et en a fait une arme de lutte contre les discriminations de genre. Valeria Kechichian est à l’origine du « Longboard Girls Crew », une communauté qui rassemble des femmes autour d’une même passion, le longboard. L’Argentine de 41 ans est également à la tête d’une ONG venant en aide aux populations défavorisées. Portrait d’une rideuse militante.

Par Sophie Danger

Publié le 26 janvier 2021 à 18h22, mis à jour le 29 juillet 2021 à 14h28

« Je ne suis pas une rideuse de l’extrême, je ne suis certainement pas l’une des meilleures non plus, mais j’aime énormément ce que je fais. » Et ce qu’elle fait, Valeria Kechichian le partage. Plutôt deux fois qu’une d’ailleurs.

En une seule décennie, cette Argentine née à Buenos Aires en 1980 a certainement plus œuvré pour le longboard féminin que tous les équipementiers réunis.

À travers le « Longboard Girls Crew », la Sud-Américaine est en effet parvenue à fédérer une communauté immense – plus de 20 millions de personnes dans pas moins de 180 pays – autour d’une passion partagée, celle du skateboard.

©DR

Une histoire un peu folle, une histoire de hasard. Et de convictions. Car Valeria Kechichian n’est pas du sérail, loin s’en faut. Le skateboard, elle connaît, mais ça s’arrête là. Il faudra attendre ses 28 ans pour qu’elle s’y essaie.

Elle habite alors Madrid où elle a posé ses bagages après avoir laissé derrière elle son pays natal, une enfance douloureuse et une adolescence compliquée.

Un éloignement salutaire certes, mais qui ne guérit ni tout, ni de tout. À plus de 10 000 kilomètres de sa base, la jeune femme continue inlassablement à se chercher sans vraiment se trouver.

Le longboard va l’y aider. « J’ai débuté quand j’ai abandonné l’alcool et d’autres mauvaises habitudes, explique-t-elle à la BBC. J’avais besoin de remplacer mes loisirs toxiques par quelque chose de positif, c’est pour ça que j’ai commencé à rider. »

©DR

De sessions en sessions, l’Espagnole d’adoption progresse et surtout s’épanouit. « La première fois sur une board n’est pas la meilleure parce que tu cherches juste à trouver l’équilibre, s’amuse-t-elle sur Coolerlifestyle. Mais je me souviens de ce que j’ai ressenti après. C’est l’une des sensations les plus fortes qui soit, la liberté absolue. »

Métamorphosée, Valeria Kechichian se met en quête de compagnes de route. Une denrée rare. Car si les skateparks madrilènes font le plein, les rideuses, elles, se font discrètes. Sa rencontre avec Jacky Madenfrost, Carlota Martín, Jesús Asensio et Monica Mandenfrost va changer la donne. « On était fatiguées d’être les seules rideuses dans des groupes de garçons alors on a décidé de se regrouper et de créer un groupe sur Facebook. On voulait rencontrer, traîner et rider avec d’autres filles parce que l’énergie est différente lorsque l’on est seulement entre nous. On savait qu’il y avait d’autres skateuses, il fallait juste les trouver ou leur donner envie de commencer. »

©Noelia Otegui

À l’été 2010, en guise d’annonce, les 5 drôles de dames choisissent de poster une vidéo d’une de leurs virées sur la page du « Longboard Girls Crew ». Loin des productions habituelles du genre, ce petit film d’une minute réalisé par Juan Rayos s’attache volontairement à montrer le plaisir que les demoiselles prennent ensemble plus qu’à graver sur pellicule les exploits dont elles sont capables.

« On n’amène pas autant d’hommes et de femmes à pratiquer ce sport en leur montrant des choses folles, mais en leur montrant des filles qui apprennent et s’amusent ensemble, analyse-t-elle sur Skateslate. C’est ce qui a fait que plein de filles se sont dit : “Hey, ça à l’air fun et ça ne fait pas peur, je peux le faire !“ Les humains ne sont pas seulement inspirés par des cascades incroyables, mais par des choses qui sont à leur portée ».

©DR

En moins de temps qu’il n’en faut pour compter les premiers « like », « Girls Can Ride » devient virale et le Facebook de la petite bande est pris d’assaut. « Au début, je crois que nous ne savions pas vraiment ce que nous faisions. Nous étions juste un groupe de filles qui voulait plus de nanas dans la discipline. C’est devenu un phénomène mondial et là, nous nous sommes dit : “Mais qu’est-ce qui passe ?“ Aucune de nous n’était prête pour ça. »

Très attachée à ce que cette belle aventure perdure, Valeria Kechichian commence à investir un peu de son temps et toute son énergie pour trouver des financements.

©DR

« Les premières années ont été assez dures, se souvient-elle dans les colonnes d’InsideOutWomen. J’essayais d’obtenir le soutien de l’industrie des sports d’action, mais rien ne se passait. Un jour, le PDG de l’une des plus grosses entreprises du secteur m’a dit ouvertement : “Ce que tu fais est chouette, mais on ne t’aidera jamais.“

C’est à ce moment-là que j’ai compris que la plupart des hommes aux manettes de cette industrie n’étaient pas très heureux que des femmes aient ce type de pouvoir ».

©DR

Créé, originalement, pour promouvoir une pratique plaisir auprès d’un public féminin trop souvent laissé pour compte, le « Longboard Girls Crew » va progressivement se métamorphoser, sous l’impulsion de la Sud-Américaine, en un outil de lutte contre les discriminations de genre.

« C’était beau de voir autant de filles, de femmes, se prendre en main grâce au skate et au longboard, les voir faire quelque chose qu’elles n’auraient jamais pensé faire et se sentir si fortes parce qu’elles avaient osé. Le féminisme a toujours mauvaise réputation. Beaucoup de gens pensent que le féminisme et le sexisme, c’est la même chose. Pour moi, féminisme veut dire égalité. En disant cela, je ne signifie pas que tout le monde est pareil, mais je pense que chacun devrait avoir les mêmes opportunités dans la vie, c’est ça, pour moi le féminisme. »

©DR

Un peu plus de dix ans après sa création, le « Longboard Girls crew » continue de faire des émules à travers la planète, représenté par des ambassadeurs dans plus de 80 pays. Valeria Kechichian, désormais seule aux commandes, est également à la tête d’une ONG baptisée « Longboard Women United ». Créée en 2017, elle « utilise le skate et le longboard comme outils de changement dans des endroits extrêmement vulnérables ».

©DR

Et les projets ne manquent pas. « LWU » vient en aide aux enfants, aux adolescents et aux femmes dans les orphelinats en Inde, dans les quartiers à risque en Malaisie, s’occupe d’enfants réfugiés en Belgique, développe des projets au Ghana, au Chili et un programme en ligne gratuit à destination des filles et des femmes victimes de violences sexuelles.

©DR

« Avec le « Longboard Girls Crew », ça a été un voyage très personnel, conclue-t-elle sur SkateSlate. Les expériences que j’ai vécues ont changé et façonné ma vie, elles ont modifié ma perception des normes de genre et de ce que je peux faire pour changer les choses. Pas seulement pour moi, mais pour tout le monde. Je ne crois pas que la grandeur ne soit affaire que de quelques-uns. À un moment donné, j’ai réalisé que j’avais une voix. Nous avons toutes une voix, alors utilisons-la.»

©Noelia Otegui

Soutenez ÀBLOCK!

Aidez-nous à faire bouger les lignes !

ÀBLOCK! est un média indépendant qui, depuis plus d’1 an, met les femmes dans les starting-blocks. Pour pouvoir continuer à produire un journalisme de qualité, inédit et généreux, il a besoin de soutien financier.

Pour nous laisser le temps de grandir, votre aide est précieuse. Un don, même petit, c’est faire partie du game, comme on dit.

Soyons ÀBLOCK! ensemble ! 🙏

Abonnez-vous à la newsletter mensuelle

Vous aimerez aussi…

Ramla Ali, toujours le poing levé !

Ramla Ali, toujours le poing levé !

Une enfance marquée par la guerre et l’exode, une adolescence troublée, une passion folle pour les gants, la championne somalienne de boxe anglaise Ramla Ali combat comme elle respire. Portrait d’une fille qui se hisse avec hargne au sommet de sa discipline, avec les JO en ligne de mire.

Lire plus »
Lotte Kopecky, la petite surprise de la Grande Boucle

Lotte Kopecky, la petite surprise de la Grande Boucle

Elle est sans doute la sensation de ce Tour de France. Lotte Kopecky porte le jaune à merveille depuis son succès à Clermont-Ferrand. La Belge met son pays sur le devant de la scène du cyclisme féminin. Retour sur une carrière remplie de succès aussi bien sur route que sur piste.

Lire plus »
Jessi Combs

10 femmes de sport, 10 récits de pionnières

On n’a pas attendu le 8 mars pour parler des femmes. On est ÀBLOCK! avec elles depuis trois ans, vous avez remarqué ? Mais, ok on joue le jeu, en redonnant à quelques pionnières du sport la place qu’elles méritent, à l’instar de Jessi Combs sur notre photo. Grâce à elles, les femmes ont pu (peuvent), peu à peu, changer le monde et leur monde.

Lire plus »

8 mars : l’égalité des sexes au menu du CIO

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, ce 8 mars, le Comité international olympique a annoncé le nom des 6 lauréat.e.s de ses trophées « Femme et Sport » 2020. Des lauréat.e.s « défenseurs » de l’égalité des sexes. Le monde bouge dans l’olympisme.

Lire plus »
Camille : « Le sport outdoor me permet de revenir à l'essentiel.»

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une Question qui tue pour la fin de séance, le parfait alliage entre sport et bronzage, une fan du sport outdoor (Camille sur notre photo) et une gymnaste qui a l’Europe dans la peau, c’est le meilleur d’ÀBLOCK! de la semaine. Bon récap !

Lire plus »
Les « Cholas » et le skate, une affaire qui roule

Les « Cholas » et le skate, une affaire qui roule

Sur leur planche, elles sillonnent le pays en tenue traditionnelle. Ces jeunes skateuses boliviennes ont ainsi trouvé comment revaloriser leur héritage indigène et lutter contre les discriminations. Rencontre avec Estefanny Morales et Suzan Meza, deux membres du groupe ImillaSkate.

Lire plus »
Tessa Worley

Tessa Worley, 5 infos sur la fusée des neiges française

Tessa Worley par-çi, Tessa Worley par-là… Alors que les Championnats du monde de ski alpin à Courchevel et Méribel battent leur plein, on parle de « Tess » encore et encore, l’une des favorites françaises de la compet’. Mais alors, comment s’est construite la si belle réputation de cette étoile bleue ? Une petite idée en 5 infos…

Lire plus »
Louise Lenoble

2020 : Le best-of ÀBLOCK!

9 mois. 9 mois à donner la parole aux championnes et aux sports peu médiatisés, aux pratiquantes enthousiasmantes, aux acteurs et actrices de la sphère sportive. 9 mois à écrire sur des sportives étonnantes, qui nous boostent et nous inspirent, aux quatre coins du monde. Notre nouveau média digital est encore jeune, mais il collectionne déjà une foule de pépites. Confidences, témoignages, tranches de vie… nous plongeons jour après jour dans l’univers des sportives avec gourmandise. Et cela va bien au-delà du sport : dans leur intimité, au cœur de leurs émotions et de leurs ressentis. Petit florilège de ces filles qui ont définitivement marqué ÀBLOCK!

Lire plus »
Sarah Lezito

Sarah Lezito : « Mon objectif à moto, c’est juste de kiffer. »

Les cascades à moto des héroïnes d’Avengers ou encore de Batman, c’est elle. Sarah Lezito, 29 ans, est l’une des, si ce n’est LA, plus grandes stunteuses de la planète. Convoitée par le cinéma, elle apparaît régulièrement dans des super-productions, mais n’aime rien tant que réaliser ses propres vidéos. Elle chérit avant toute chose sa liberté, celle de faire ce qu’elle veut quand elle veut avec ses motos. Rencontre avec une fille au caractère en acier trempé !

Lire plus »
Sophia Flörsch, la pilote qui vit pied au plancher

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une fille qui vit au rythme de l’asphalte (Sophia Flörsch sur notre photo), une autre dans le rôle d’une tacticienne aux épaules solides, une Question qui tue spécial séniors ou encore un événement on ne peut plus ÀBLOCK!, c’est le meilleur de la semaine !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner