Au fil de sa riche carrière, elle a gagné un surnom : « La Michael Jordan au féminin ». Et compilé, avec une frénésie gourmande, titres, récompenses et distinctions. Sheryl Swoopes, 52 ans, est l’une des plus grandes joueuses que le basket américain ait connues.
Élevée à Browmfield, petite bourgade texane, par une maman solo, c’est avec ses deux frères aînés, James et Earl, qu’elle s’initie à la discipline. Un renfort encombrant qui ne fait pas toujours l’unanimité : à l’époque, le basket est avant tout une affaire d’hommes et son entourage s’attache à lui faire comprendre qu’il doit le rester. « Ça a toujours été comme ça, se souvient-elle dans les colonnes de vaut.si.com. Et peu importe si vous étiez douée ou non : “Tu es une fille, tu ne peux pas jouer avec les garçons“. Cet état de fait a toujours été une motivation pour moi. »
Malgré le peu d’entrain de ses partenaires, Sheryl Swoopes persiste. Et signe dès le lycée. Durant son année junior, elle mène son équipe en finale du State High School championship, le championnat de l’État. Auteure de plus de la moitié des points lors du dernier round qui l’oppose, avec ses coéquipières, aux Lady Hawks de Hardin-Jefferson – formation invaincue durant toute la saison – elle remporte la mise et est désignée joueuse de l’État.
L’année suivante, elle est élue Female High School Player of the Year. Courtisée par de nombreuses universités, elle jette son dévolu sur celle du Texas et prend la direction d’Austin. L’aventure tournera court. Trop éloignée des siens, la jeune Texane renonce à sa bourse et plie bagages quelques jours plus tard.
Désireuse de poursuivre son parcours et scolaire et sportif, Sheryl Swoopes prend contact avec l’entraîneur de South Plains College, à quarante kilomètres seulement du domicile familial. Elle y restera deux ans avant d’être transférée à la Texas Tech.
Elle intègre alors les rangs des Red Raiders avec lesquels elle va, une première fois, marquer l’histoire du basket. Nous sommes en 1993 et Sheryl Swoopes a 22 ans.
Qualifiée pour la finale du championnat NCAA, elle mène son équipe à la victoire en inscrivant 47 des 82 points des Raiders pour venir à bout d’Ohio State (84-82), une prestation record, tous sexes confondus, qui fait encore référence. « Je suis étonnée de voir le nombre de personnes qui me parlent encore de ce match, confiera-t-elle quelques années plus tard. Ce n’était qu’un match de basket féminin mais, partout où nous allions, quelqu’un le mentionnait. »
La suite de son parcours va, malheureusement, s’avérer plus compliquée. La WNBA n’existe pas encore et, pour pouvoir vivre de son sport, Sheryl Swoopes est contrainte à l’exil. Elle s’engage aux côtés de Bari, en Italie, mais, une fois encore, le mal du pays la rattrape.
De retour à la maison, elle voit son rêve de devenir joueuse professionnelle s’éloigner peu à peu. « Les gens disaient que si j’avais été un homme, j’aurais participé à la draft, regrettait-elle dans les colonnes du Washington Post. C’est vraiment frustrant de penser que les hommes ont tellement plus d’opportunités que les femmes. Partir à l’étranger et rester aux États-Unis, ce sont deux choses totalement différentes. La NBA, vous la regardez tout le temps à la télévision, mais vous n’entendez pas parler de femmes qui jouent à l’étranger, à moins que vous ne connaissiez leurs entraîneurs universitaires et que vous leur demandiez comment se porte une telle ou une telle. C’est à la fois triste et frustrant. »
Sheryl Swoopes ne renonce pas pour autant. En 1994, elle fait partie de l’équipe nationale qui décroche le bronze lors des Monde de Sydney, en Australie. Prochaine étape pour elle, les Jeux Olympiques d’Atlanta programmés deux ans plus tard.
Entre temps, Nike lui fait les yeux doux. L’équipementier américain, séduit par son talent et par son nom, lui propose de développer sa propre chaussure. La « Air Swoopes » voit le jour dans la foulée. Jamais, avant elle, une sportive n’avait reçu un tel honneur.
À partir de là, tout s’enchaîne. La Texane est sacrée championne olympique à Atlanta en 1996 et le sera de nouveau à Sydney, en Australie, en 2000 et à Athènes, en Grèce, quatre ans plus tard. Un bonheur n’arrivant jamais seul, en 1997, la NBA approuve, enfin, la création de son pendant féminine.
Surnommée jusqu’alors « la légende sans ligue » par la presse, Sheryl Swoopes est draftée en première position et rejoint les Comets de Houston. « C’était un moment surréaliste, raconte-t-elle dans Forbes. Je n’avais jamais eu l’occasion de voir des femmes jouer. Vous pouviez allumer la télévision et trouver des matches d’hommes toute la journée, mais vous ne pouviez pas trouver la même chose avec les femmes. Moi, j’étais cette femme que les petites filles pouvaient voir et que je n’avais pas eu l’occasion de voir. Alors même si je savais que ça allait arriver, ça semblait surréaliste. J’étais excitée. J’étais anxieuse. J’étais nerveuse. J’avais peur. Mais plus que toutes ces émotions, je savais que j’étais prête pour ce moment. »
Enceinte, elle doit retarder ses débuts en WNBA. Elle débute finalement six semaines après le début de la saison régulière. Elle vient alors de donner naissance à un fils, Jordan Eric Jackson. Cette même année, les Comets décrochent le titre.
Une performance qui va se répéter lors des trois saisons suivantes. En 2001, coup d’arrêt pour la tornade Swoopes. Blessée au genou gauche lors d’un entraînement de pré-saison, elle est contrainte au repos forcé. Elle reprend du service en 2002.
Battue en demi-finale de conférence en Championnat, elle se rattrape avec l’équipe nationale. À 31 ans, elle devient championne du monde après un succès face à la Russie, en Chine. Commence alors une période moins faste. Sportivement du moins.
En 2005, Sheryl Swoopes rend publique son histoire d’amour avec sa compagne Alisa Scott, une ancienne joueuse et entraîneur-assistante chez les Comets. Et renoue avec les gros titres. Première star du sport américain en activité à révéler son homosexualité, hommes et femmes confondus, elle se mue en militante. « Les sportifs masculins de mon calibre pensent probablement qu’ils ont beaucoup plus à perdre qu’à gagner en sortant du placard. Je ne suis pas d’accord avec ça. Pour moi, la chose la plus importante est le bonheur. »
Quelques mois plus tard, en 2006, elle décroche la médaille de bronze mondiale au Brésil. Ce sera la dernière de sa fructueuse carrière. Après un passage par Seattle avec les Storm et Tusla avec les Shock, elle met un terme à son parcours de joueuse au début des années 2011 et, dans la foulée, se fiance avec un ami d’enfance, Chris Unclesho qu’elle épousera six ans plus tard, « Tout le monde traverse un tas de choses dans la vie, dit-elle au Chicago Tribune. Nous vivons différentes étapes, différentes phases. » Elle a alors 40 ans.
Courtisée par les Ramblers de Loyola, on la retrouve sur le banc, en 2013. L’aventure durera moins de trois ans. Accusée de mauvais traitements sur ses joueuses, elle est démise de ses fonctions début juillet 2016, année lors de laquelle elle est intronisée au Hall of Fame.
Définitivement retirée des parquets, Swoopes met désormais son image et son expérience au service de la jeunesse afro-américaine à travers « Back to our roots », une association dont elle est la cofondatrice.
« En tant que femme noire américaine ayant un fils, des neveux et des nièces, j’ai vu beaucoup trop de nos enfants s’interroger sur leur identité et ne pas comprendre quelle est leur place dans ce monde, explique-t-elle dans Forbes. Back to Our Roots éduque et responsabilise les jeunes Afro-Américains sur notre héritage, nos origines et la puissance de notre peuple. Notre but est d’emmener certains de nos jeunes Afro-Américains en Afrique pour qu’ils puissent comprendre une partie de leur héritage. Nous organisons également des sorties éducatives au cours desquelles nous emmenons les enfants pour leur apprendre à cultiver leur propre nourriture. Notre but est leur faire comprendre l’importance de l’autonomie. »
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