Rechercher

Marlène Harnois« Le sport, c’est une langue qui rassemble tout le monde. »

Marlène Harnois
Elle a gagné sur toutes les scènes. Médaillée de bronze de taekwondo aux Jeux de Londres en 2012 et aux Championnats du monde un an plus tôt, mais aussi double championne d’Europe, Marlène Harnois a mis un terme à sa riche carrière sportive en 2013. Depuis, la taekwondiste franco-canadienne milite pour la paix à travers le sport. Rencontre avec une sportive engagée.

Par Sophie Danger

Publié le 17 novembre 2020 à 13h55, mis à jour le 09 janvier 2024 à 20h18

À l’issue de ta carrière de sportive de haut-niveau, tu as décidé de partager ton expérience et ton expertise pour promouvoir la paix dans le monde via le sport. Comment est né ton engagement ?

J’ai toujours eu envie de m’engager. Depuis que je suis jeune, j’ai toujours rêvé de participer à une action humanitaire. Durant ma carrière, j’étais impliquée dans une association qui s’appelle « Un maillot pour la vie » et qui vise à donner de l’espoir à de jeunes enfants hospitalisés.

Tu es très engagée pour promouvoir le sport et ses valeurs en Afrique. Qu’est-ce qui a motivé ton choix ?

Au cours de ma carrière, j’ai voyagé partout à travers le monde mais je n’étais jamais allée en Afrique subsaharienne.  J’ai côtoyé beaucoup d’athlètes qui venaient de pays africains francophones et l’Afrique est un continent où le taekwondo est très développé. Toutes ces raisons ont fait que je me suis dit : « Pourquoi pas ? ».

Marlène Harnois

Quelles ont été les premières actions que tu as menées ?

Je suis partie à Dakar faire des tournées dans les écoles afin de contribuer au développement de la pratique sportive. Dans la foulée, je suis allée en Côte d’Ivoire. Lorsque je suis arrivée à Abidjan, j’ai rencontré Cheick Cissé et Ruth Gbagbi, deux prodiges de 18 et 19 ans qui s’entrainaient sur le parking d’une école, sans moyen matériel. J’ai été frappée par leur talent. Pour moi, ils avaient le potentiel pour être champions olympiques.

J’ai décidé de rester à Abidjan et j’ai mis en place une fondation « Heart Angel » afin de les soutenir et les accompagner dans l’aventure olympique. Aux Jeux de Rio, en 2016, Cheick est devenu le premier champion olympique de l’Histoire de la Côte d’Ivoire et Ruth, la première femme médaillée olympique du pays.

Marlène Harnois

Toi qui as gagné le bronze olympique à Londres en 2012, qu’as-tu ressenti lorsque tu les as vu monter sur le podium ?

C’était magique. Pour moi, ce 19 août 2016 est un des plus beaux jours de ma vie et un des plus puissants. Quand ils gagnent leur médaille, c’est tellement riche de sens ! C’est, non seulement une performance sportive, mais aussi une aventure humaine extraordinaire. Ce qui fait la force de cette médaille, c’est la synergie de toutes nos compétences. Eux avaient un talent physique, stratégique et tactique et moi, j’ai pu leur amener mon expérience. La combinaison de nos forces a rendu la suite possible.

Par la suite, tu t’es engagée aux côtés de « Peace and Sport », une organisation internationale dont l’objectif est d’utiliser le sport et ses valeurs comme instrument de paix à travers le monde…

Après ça, je me suis demandé comment redéfinir mon engagement. Je connaissais l’action de « Peace and Sport », j’ai donc pris contact avec eux et je suis devenue ambassadrice pour intégrer le collectif des Champions de la paix.

Marlène Harnois Peace and Sport

Quel est le rôle d’un Champion de la paix ?

C’est, en premier lieu, un engagement sur le terrain à travers des actions. Par exemple, j’ai participé aux Jeux de l’Amitié au Burundi, des Jeux qui réunissaient des jeunes venus du Congo, du Rwanda et du Burundi.

J’ai également mené la caravane de la paix au Sénégal et au Mali et nous avons, entre autres, inauguré des fontaines d’eau potable à proximité des terrains sportifs.

Être Champion de la paix, c’est aussi des prises de parole. J’ai mené une action pour la paix au European Youth Olympic Winter Festival de Sarajevo ou lors d’un World Summit organisé, cet été, par une agence des Nations Unies.

Marlène Harnois

Que souhaites-tu transmettre à travers cet engagement ?

Être championne, à mon sens, c’est aussi des devoirs et des responsabilités envers la jeunesse. Je crois énormément aux valeurs de l’olympisme comme la solidarité, le respect, le courage, l’excellence. Lorsque j’ai arrêté ma carrière, je n’avais pas forcément des moyens financiers ou matériels à partager mais j’avais une expertise, des valeurs et il était très important, pour moi de les transmettre et de les promouvoir auprès des générations futures.

Je dis souvent à ces jeunes que l’important est de trouver une voie et de s’investir. Pour moi, ça a été le sport, mais ce qui est primordial, c’est d’avoir un rêve et de tout faire pour le réaliser.

Marlène Harnois

En quoi le sport est-il un vecteur important pour promouvoir la paix ?

Nelson Mandela disait que le sport avait le pouvoir de faire changer le monde. Le sport, c’est une langue qui rassemble tout le monde, c’est le meilleur moyen de communication.

Lorsque je vais au Mali ou au Sénégal, je me retrouve souvent avec des gens qui parlent wolof, bambara ou des langues ethniques. Parfois, nous n’arrivons pas du tout à communiquer par la langue mais, dès que l’on est dans une séance de sport, on se comprend parfaitement.

Le sport fédère, unit, peu importe notre ethnie, notre religion, notre culture. À travers le sport, on partage les mêmes codes, les mêmes valeurs et c’est plus fort que nos différences.

Marlène Harnois

Tous les pays que tu visites en qualité d’ambassadrice sont-ils aussi réceptifs à ton message ?

Nous sommes très écoutés à tous les niveaux : par la jeunesse, par les acteurs politiques qui souhaitent, de plus en plus, travailler sur des politiques de développement via le sport, mais aussi par les acteurs de la société civile. Tout le monde est très réceptif et de plus en plus d’athlètes veulent se mobiliser, s’impliquer, ce qui fait d’autant plus de voix pour véhiculer et promouvoir ce discours.

Durant ta carrière, tu as été victime de harcèlement moral et cette situation t’a conduit à mettre un terme prématuré à ton parcours de sportive de haut-niveau. N’as-tu pas eu envie de t’investir également sur ce terrain ?

J’ai été contactée plusieurs fois pour communiquer sur ce thème, mais ce n’est pas forcément ma cause. C’était un problème entre deux individus – un athlète et son entraîneur – et je n’ai pas envie d’en faire une généralité.

Dans mon sport, à l’époque, il n’y avait pas de critères de sélection. C’était à l’entière discrétion de l’entraîneur, ce qui menait a beaucoup de dysfonctionnements, de dérives. Depuis, la fédération a été entièrement restructurée. Il y a un nouveau DTN, Patrick Rosso, qui fait un travail formidable.

Des critères de sélection ont été mis en place, tout est encadré ce qui fait que, aujourd’hui, dans mon sport, il n’y a plus de sujet car la situation est extrêmement bien gérée.

Marlène Harnois

Et la place des femmes dans le sport ? Est-ce une thématique qui fait écho chez toi ou bien le taekwondo est-il un sport plutôt paritaire ?

En taekwondo, on est plutôt sur une pratique mixte. Il y a énormément de licenciées femmes, presque 50 %. C’est vraiment un sport équitable, un sport inclusif : lorsqu’on est le plus haut gradé, il est de notre responsabilité, peu importe le sexe, d’encadrer les débutants et de leur permettre d’évoluer vers le plus haut niveau.

Il n’y a pas de concurrence entre hommes et femmes, ni dans la pratique loisir ni à haut niveau. À l’INSEP, par exemple, il y a des entraînements mixtes. C’est presque culturel dans notre sport de promouvoir cette égalité des genres.

Marlène Harnois

Quels sont tes projets dans les mois à venir ?

« Peace and Sport » a lancé une application mobile. Elle nous permet d’avoir un meilleur suivi des jeunes, d’avoir du contenu pour former les éducateurs de paix qui vont encadrer la pratique et, in fine, de promouvoir la paix par le sport. Aujourd’hui, par exemple, ce programme est développé dans le camp de réfugiés à Zaatari en Jordanie.

Je continue donc de me concentrer sur mes missions, avec l’ambition d’aller toujours plus loin. Et cette digitalisation va le permettre. Nos actions auront un plus grand impact, un impact mondial.

Soutenez ÀBLOCK!

Aidez-nous à faire bouger les lignes !

ÀBLOCK! est un média indépendant qui, depuis plus d’1 an, met les femmes dans les starting-blocks. Pour pouvoir continuer à produire un journalisme de qualité, inédit et généreux, il a besoin de soutien financier.

Pour nous laisser le temps de grandir, votre aide est précieuse. Un don, même petit, c’est faire partie du game, comme on dit.

Soyons ÀBLOCK! ensemble ! 🙏

Abonnez-vous à la newsletter mensuelle

Vous aimerez aussi…

Karolina Muchova

Karolina Muchova, c’est de la balle !

OK, elle vient de s’incliner face à Jennifer Brady, mais elle lui a donné du fil à retordre. Et nous, on l’aime bien cette tenniswoman, spécialiste des coups de théâtre. À l’Open d’Australie, Karolina Muchova, 27e mondiale au classement WTA, a réussi à mettre la N°1 mondiale, Ashleigh Barty, au tapis. Le monde du tennis est de plus en plus séduit par la Tchèque de 24 ans, elle qui s’est offert sa première demi-finale en Grand Chelem et sa deuxième victoire contre une joueuse du top 5. Portrait d’une fille qui nous a pris de court.

Lire plus »
Mylène Chavas, la gardienne qui touche au but

Mylène Chavas, la gardienne qui touche au but

Du haut de ses 24 ans, elle conserve toujours près d’elle son ballon…et son sang-froid. Gravir les échelons sans brûler les étapes, c’est la recette de la deuxième gardienne des Bleues. Cet Euro sera peut-être l’occasion de prouver qu’elle en a sous le gant.

Lire plus »
Il était une fois le snowboard….féminin

Il était une fois le snowboard… féminin

En 2016, le film documentaire Full Moon sortait sur les écrans. Le grand public découvre alors que, oui les femmes peuvent rider ! À l’occasion de cette riche période olympique d’hiver, ÀBLOCK! (re)met en lumière cette discipline née en 1965 et l’une de ses plus grandes rideuses, la pionnière française qui a marqué la neige… et les esprits. Elle s’appelait Karine Ruby.

Lire plus »
Marie-Amélie Le Fur

Marie-Amélie Le Fur : « JO 2024 ? Une candidature valorisable au-delà du sport. »

Espoir de l’athlétisme français, victime d’un accident de scooter en 2004, Marie-Amélie Le Fur est devenue une figure du handisport français, huit fois médaillée aux jeux Paralympiques, dont trois titres olympiques. À 32 ans, ancienne co-présidente avec Teddy Riner du comité des athlètes pour la candidature de Paris à l’organisation des JO 2024, elle est aujourd’hui à la tête du Comité paralympique et sportif français (CPSF).

Lire plus »
Football

Une mère, une fille et des sports dits « de mecs »

Le Podcast signé Aïda Touihri ,« Tu seras une femme », qui explore la féminité sous l’angle de la transmission familiale, propose dans cet épisode à deux voix de revenir sur une histoire sportive générationnelle, celle d’une mère footballeuse et de sa fille rugbywoman. Et c’est à écouter (aussi) sur ÀBLOCK!

Lire plus »
Wendie Renard, la capitaine qui ne perd pas le cap

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Un retour sur les nombreuses sportives qui se sont illustrées en juillet, un regard « business » sur le football féminin, la découverte des Bleues de l’Euro Foot (dont Wendie Renard, la capitaine, sur notre photo), un trail pour la bonne cause, l’histoire des premières stars féminines du ballon rond, voilà le menu du Best-of ÀBLOCK! de la semaine.

Lire plus »
Julia Clair

Julia Clair : « Dans le saut à ski, ce qui me drive, c’est le plaisir de voler »

Elle pratique une discipline spectaculaire avec un flegme qui force le respect. Julia Clair, 26 ans, détient le record français de saut à ski féminin. Voler, rêve des humains depuis la nuit des temps, est sa spécialité, son atout, presque inné. Espérant décrocher une médaille aux prochains JO 2022, elle souhaite faire s’envoler la renommée de cette discipline féminine, trop peu médiatisée. Prenons le tremplin avec elle…

Lire plus »
Kellie Harrington, la boxe comme uppercut vital

Kellie Harrington, la boxe comme uppercut vital

Elle pulvérise tous les records. Championne du monde amateure en 2018, médaillée d’or européenne 2022 et 2023, championne olympique à Tokyo et prête à squatter les rings des JO de Paris, l’Irlandaise Kellie Harrington est une bête de scène sportive. Portrait d’une ex-sale gosse devenue rôle-model.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner