Marie Marvingt La pionnière du Tour de France

Marie Marvingt, la pionnière du Tour de France
Si on bouclait la (grande) boucle ? Alors que le premier Tour de France Femmes vient de s'achever, place à celle qui a été la seule, en 1908, lorsque les femmes n’étaient pas autorisées à participer au Tour de France, à s'engager sur cette course avec les hommes. Marie Marvingt se passera de permission pour prendre le départ de la plus renommée des compétitions cyclistes. L’Auvergnate, 33 ans, fera partie des trente-sept coureurs à venir à bout des cinq-mille kilomètres du parcours. Sans que son nom ne soit inscrit au palmarès.

Par Sophie Danger

Publié le 31 juillet 2022 à 18h45, mis à jour le 31 juillet 2022 à 19h00

13 juillet 1908. Le jour n’est pas encore levé lorsque Lucien Georges Mazan se présente sur l’île de la Jatte à Neuilly-sur-Seine.

« Petit-Breton » comme on le surnomme, s’apprête à prendre le départ de la sixième édition du Tour de France avec, en tête, l’envie furieuse d’inscrire son nom au palmarès pour la deuxième fois consécutive, un exploit jusqu’alors inédit.

Le vainqueur du Bol d’Or 1904 n’est évidemment pas le seul à convoiter la victoire finale et ses lauriers. Des cent-soixante-deux coureurs inscrits pour l’occasion, cent-quatorze ont eux aussi honoré le rendez-vous.

La première étape doit les mener de Paris à Roubaix, deux-cent-soixante-quinze kilomètres à parcourir pour se dégourdir les jambes et prendre ses marques.

En tout, il y en aura quatorze pour un total de presque cinq mille kilomètres et une arrivée programmée, à Paris, vingt-sept jours plus tard. 

À l’écart du peloton, une femme assiste tranquillement à l’effervescence de ce matin d’été radieux. Contrairement au reste de l’assistance, elle n’est pas une spectatrice comme les autres.

Son nom ? Marie Félicie Elisabeth Marvingt. Sportive émérite, elle s’est déjà illustrée en haute-montagne trois ans auparavant en réalisant la première féminine de la traversée Charmoz-Grépon dans la chaîne du Mont-Blanc.

L’année suivante, la jeune Auvergnate, également nageuse accomplie, a marqué les esprit en devenant la première Française à concourir dans la Traversée de Paris.

Elle s’est classée, sans démériter, 15e, améliorant, au passage, le record de la célèbre Australienne Annette Kellermann.

Des prouesses remarquées, certes, mais dont Marie Marvingt est loin de se contenter. Son nouveau défi ? Se mesurer aux « géants de la route » sur le Tour de France.  

Le challenge est beau, mais les obstacles nombreux. En ce début de siècle, le sport féminin n’en est qu’à ses balbutiements et les « athlétesses » n’ont pas toujours bonne presse.

Marie Marvingt l’a d’ailleurs appris à ses dépends lorsqu’Henri Desgrange, le célèbre patron du journal l’Auto, initiateur de la Grande Boucle, lui a refusé de manière catégorique le droit de participer à « sa » course.

Ses coups d’éclats à vélo sur Nancy-Bordeaux, Nancy-Milan et Nancy Toulouse*, n’y ont rien changé. Pour l’ancien recordman du monde de cyclisme reconverti, depuis, en redoutable homme de média, les femmes n’ont pas leur place sur le Tour et aucun argument ne saurait le faire plier.

L’Aurillacoise n’a eu d’autre choix que d’en prendre note.

Mais il en faut plus pour la décourager. Car si Desgrange est borné, Marie Marvingt, elle, est têtue. Et s’apprête à le prouver.

Interdite de départ officiel, elle enfourche son vélo quelques minutes après que ses concurrents masculins se soient lancés à l’assaut des routes de l’Hexagone. Elle fera de même lors des treize étapes suivantes.

Le 9 août, alors que « Petit-Breton » suivi, par intermittence, des trente-cinq autres forçats rescapés de ce Tour de force, pénètre dans l’enceinte du Parc des Princes pour un finish en apothéose, la trentenaire met, elle aussi, le pied à terre après avoir avalé, comme les autres, les deux-cent-soixante-deux derniers kilomètres du parcours.

Une performance extraordinaire qui ne lui vaudra ni honneurs ni reconnaissance.          

Il lui faudra patienter encore quelques années pour que son nom passe enfin à la postérité grâce à ses talents de… pilote !

Elle y gagnera un surnom, « la fiancée du danger ». Un succès mérité pour cette intrépide fille de l’air qui ne renoncera néanmoins jamais à ses premières amours.

Pour preuve, en 1961, âgée de 86 ans, elle s’offrira une ultime grande virée au volant de Zéphyrine, sa précieuse bicyclette.

Point de départ : Nancy. Point d’arrivée : Paris. Elle mettra six jours pour atteindre la Capitale à raison de dix heures d’efforts quotidiens. Elle s’éteindra deux ans plus tard dans un hospice de Laxou, une petite ville de Meurthe-et-Moselle.

Disparue peu à peu de la mémoire collective, son souvenir refera surface avec force six décennies plus tard lorsque Mathieu Klein, maire de Nancy, proposera sa panthéonisation. L’étude du dossier est toujours en cours.   

* Ces courses sont citées dans la biographie de Marie Marvingt mais il semble n’en avoir aucune trace dans la presse de l’époque, hormis dans un portrait paru en 1920 dans Le Miroir des Sports       

Ouverture ©Google Images

D'autres épisodes de "Cyclisme, dans la roue des sportives"

Vous aimerez aussi…

Katie Schide, l'ultra-traileuse au sommet 

Katie Schide, l’ultra-traileuse au sommet 

L’Ultra-Trail du Mont Blanc, UTMB pour les initiés, a une nouvelle reine : Katie Schide. Déjà une des meilleures dans les courses extrêmes, l’Américaine a signé le plus beau succès de sa carrière, le 26 août dernier. Une victoire qui récompense les choix forts d’une championne ÀBLOCK!

Lire plus »
Renelle Lamotte

Rénelle Lamote, l’athlète qui fond sur Tokyo pour oublier Rio

Il y a cinq ans, au Brésil, Rénelle Lamote voyait ses ambitions olympiques réduites à néant dès les séries. Après une lente et douloureuse reconstruction, la demi-fondeuse francilienne est parvenue à renouer avec son meilleur niveau. À quelques jours de son entrée en lice aux Jeux Olympiques de Tokyo, la double vice-championne d’Europe du 800 mètres veut rivaliser avec le gratin mondial.

Lire plus »
Cesar Hernandez Gonzalez : « En volley, nous ne devons pas nous fixer de limites, avoir ni peur ni regrets. »

Cesar Hernandez Gonzalez : « En volley, nous ne devons pas nous fixer de limites, avoir ni peurs ni regrets. »

Il a pris les rênes de l’équipe de France de volley-ball début décembre. L’Espagnol Cesar Hernandez Gonzalez, également entraîneur des Neptunes de Nantes, a pour mission d’emmener ses joueuses jusqu’aux JO de Los Angeles en 2028. D’ici-là, l’ancien homme fort de la Corée du Sud aura fort à faire et ce, dès cet été, avec deux échéances majeures : la Ligue des nations et les Championnats du monde.

Lire plus »
15 juillet 1917 Les premiers championnats de France d’athlétisme féminins voient le jour

15 juillet 1917, les premiers championnats de France d’athlétisme féminins voient le jour

En 1917, la France compte de nombreux sportifs, mais elle compte aussi un paquet de sportives qui n’attendent que l’occasion de se mesurer les unes aux autres et de faire parler leur talent. Le moment arrive le 15 juillet avec l’organisation des premiers championnats de France d’athlétisme féminins porte de Brancion. Et qui dit première édition, dit premiers records. Découvrons ces pionnières !

Lire plus »
Marie-Amélie Le Fur

Marie Amélie Le Fur : « JO 2024 ? Une candidature valorisable au-delà du sport. »

Espoir de l’athlétisme français, victime d’un accident de scooter en 2004, Marie-Amélie Le Fur est devenue une figure du handisport français, huit fois médaillée aux jeux Paralympiques, dont trois titres olympiques. À 32 ans, ancienne co-présidente avec Teddy Riner du comité des athlètes pour la candidature de Paris à l’organisation des JO 2024, elle est aujourd’hui à la tête du Comité paralympique et sportif français (CPSF).

Lire plus »
Gabriella Papadakis Guillaume Cizeron

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une figure aérienne (magnifiquement illustrée ici par Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron), une ballerine qui prend la plume et qui répond à un Q&A vidéo, une vision d’experte sur le traitement médiatique du sport féminin, l’histoire des femmes fans de pagaies et une question qui tue, c’est le meilleur d’ÀBLOCK! cette semaine. Enjoy !

Lire plus »
Sandy Montanola : « L’idée est toujours la même : le sport masculin est l’étalon de mesure et le sport féminin vise à y ressembler »

Sandy Montanola : « L’idée est toujours la même : le sport masculin est l’étalon de mesure et le sport féminin vise à y ressembler. »

Elle travaille sur les inégalités femmes-hommes dans les médias. Maîtresse de conférences à l’université de Rennes 1, responsable de la formation en Journalisme de l’IUT de Lannion et co-responsable de la mission égalité-diversité de la CEJ (conférence des écoles en journalisme), Sandy Montanola dresse, avec nous, un panorama de l’évolution du traitement médiatique du sport féminin. Où tout reste à faire.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner