Lucie Schoonheere  « Pour performer en skate, il faut avoir ta petite touche personnelle. »

Lucie Schoonheere : « Si je n'aime pas la manière dont je suis habillée pour la compétition, mon « run » part super mal »
Cheveux blonds au vent et cool attitude, l’ado de 14 ans est la N°1 du skate français. Biberonnée à la planche à roulettes, Lucie Schoonheere était la benjamine de la délégation tricolore pour les Jeux de Paris 2024 après avoir décroché le titre de Championne de France un an plus tôt. Brin de causette avec une street skateuse qui a le « trick » dans la peau.

Par Claire Bonnot

Publié le 22 octobre 2024 à 16h05, mis à jour le 23 octobre 2024 à 8h24

Tu as 14 ans, bientôt 15, et tu viens de participer à tes premiers Jeux Olympiques, à Paris cet été ! Tu as donc débuté le skate au berceau ?

J’ai commencé le skateboard à l’âge de 7-8 ans, surtout parce que mon frère en faisait. Il a été mon exemple ! Avant ça, je pratiquais l’escalade et je faisais aussi de la natation.

Le skate, ça a tout de suite marché comme sur des roulettes pour toi ? Tu te sentais comment ?

Je ne me rappelle pas très bien, j’étais petite, mais je crois bien que je trouvais ça assez spécial de pratiquer ce sport. Dans le sens où, dans le monde du skate, il y avait très peu de petites filles qui skataient. C’était rare. Donc, j’ai été très encouragée dès le début. C’était un entourage très porteur, les gens étaient vraiment adorables avec moi.

©️Aurélie Monier

À quel moment tu as glissé du loisir sportif à la compétition ?

Au tout début, sur les skateparks, on me donnait des conseils mais je ne prenais pas de cours. Je m’amusais beaucoup, ça me faisait faire du sport, c’était cool ! Je prends toujours autant de plaisir à en faire aujourd’hui en haut niveau et je crois même plus qu’avant, d’ailleurs. Ensuite, j’ai quand même pris une licence dans un club près de Paris – le Cosanostar Skatepark à Chellespendant deux ans avant que ma famille et moi ne déménagions à Bordeaux en 2022. Depuis, je suis licenciée dans deux clubs autour de Bordeaux, notamment Skate Holidays. J’ai été repérée vers l’âge de 10 ans et j’ai débuté la compétition deux ans plus tard.

©️Aurélie Monier

Quel est ton terrain de jeu préféré en skateboard : le « street » qui surfe sur l’environnement urbain (rampes, escaliers ou rails) ou le « park » qui se déroule dans une sorte de grande piscine vide en béton formant des vagues et des bosses, appelée le « bowl » ?

J’ai commencé par le bowl, donc tout ce qui est courbe (on peut, en effet, voir la petite tête blonde chaussée d’un casque et de genouillères dévaler de sacrées pentes sur des vidéos Instagram datant de 2019, Ndlr). Puis, j’ai ensuite choisi de me tourner vers le « street » quand j’ai débuté la compétition. Cette discipline est plus accessible car on peut la pratiquer à pleins d’endroits, dans les skateparks mais aussi dans la rue sans qu’il y ait besoin d’aménagements particuliers.

Tu fais du « street », donc il y a beaucoup de figures, appelées des « tricks », à réaliser. C’est un sport qui demande d’afficher un certain sens artistique en plus de la performance sportive ?

On part sur deux runs de 45 secondes aux JO et, en gros, tu fais vraiment ce que tu veux (durant le premier run, les skateurs réalisent une série de « tricks » sur les obstacles disposés sur le parcours ; durant le second run, ils doivent réaliser les plus beaux « tricks » possibles, Ndlr). Après, forcément, si tu touches plusieurs fois certains modules plus difficiles, tu auras une note plus élevée. Et puis, il faut aussi que ta façon de skater soit esthétique, tu ne peux pas juste faire de la technique.

©️Pierre-Antoine Lalaude

Et c’est quoi le style « Lucie » ?

Je dirais que, vu que j’ai débuté par la courbe, je suis capable de garder un certain « flow » pendant mes runs, c’est-à-dire queje n’ai pas à m’arrêter à chaque plateforme pour performer mes tricks. Et puis, la figure qui m’a le plus servi dans cette saison, c’est le « Front Feebble ». C’est quand tu as le truck arrière qui est sur le rail et le truck avant qui est à droite du rail. Mais, en fait, ça dépend si tu es goofy ou régulière. Moi, je suis régulière donc j’ai le pied gauche devant.

©️Pierre-Antoine Lalaude

Entre la vitesse et les obstacles sur le parcours, est-ce que tu t’es déjà fait de grosses frayeurs ?

Oui, bien sûr, ça arrive de se faire peur. Mais, généralement, on a réfléchi à ce qu’on voulait faire avant de se lancer et on connaît son niveau. Moi, par exemple, je n’ai jamais appris à tomber, mais j’ai toujours su gérer les chutes. Avant, je skatais toujours avec des protections sur les genoux. Avec les compétitions, on m’a demandé de les enlever. Généralement, tu continues de chuter sur les genoux sans faire exprès, mais moi j’ai eu de la chance jusque-là…

Faire du street en skate à haut niveau, ça demande quoi comme « flow » alias « énergie » ?  

La vitesse est là très rapidement donc c’est un sport où il faut connaître ses capacités un maximum pour ne pas se manquer, savoir si c’est une bonne idée ou pas d’essayer tel « trick » ou tel autre. En fait, il faut être assez persévérant. De toute façon, on répète à fond tout ce qu’on veut faire lors de la compétition. Si tu ne t’es pas exercé sur tes mouvements des dizaines de fois, ça ne sert vraiment à rien. 

©️Pierre-Antoine Lalaude

Comment tu t’entraînes à ça ?

C’est du six jours sur sept, avec parfois plusieurs sessions par jour, dune heure ou une heure et demie. J’ai deux coachs au jour le jour avec moi, plus un préparateur physique que je vois une fois par semaine. Il faut vraiment être très musclé parce qu’avec les impacts, c’est un sport qui dégrade énormément le corps. J’ai aussi un coach particulier pour les compétitions internationales. 

Qu’est-ce qui te permet de te sentir le plus à l’aise possible avant un run ?

Pour les compétitions, c’est super important pour moi d’être à l’aise dans ses vêtements. Si je n’aime pas la manière dont je suis habillée pour la compétition, ça part super mal… Et puis, comme c’est un sport esthétique, il faut avoir un style différent des autres pour se démarquer tout en restant hyper humble. Il ne faut vraiment pas que ce soit extravagant, mais il faut que tu aies ta petite touche personnelle quand même. Je n’ai pas d’exemples précis comme ça mais je sais que je n’aime pas du tout m’attacher les cheveux pour skater. Le casque obligatoire – m’évite d’avoir les cheveux dans les yeux.

©️Aurélie Monier

Bon alors, si on récapitule, tu as été Championne de France en 2023, tu t’es offert deux Top 10 en Coupe du monde, une sélection aux JO « à la maison » en tant que benjamine de la délégation tricolore, un relais de la flamme olympique et une 11e place aux JO…  et tout ça à seulement 14 ans

Oui, je suis contente de moi, et notamment de ma performance aux JO. Mais je dirais que ça me motive plus qu’autre chose. Parce qu’il faut faire attention aux bonnes performances, on peut vite se reposer sur ses lauriers En fait, je ne voulais pas faire en-dessous d’une quinzième place mais je n’avais pas calculé que je pouvais passer aussi près d’une finale donc ça m’a mis un super coup de fouet. C’est génial !

C’était un rêve les Jeux Olympiques pour toi ? Y aller à 14 ans, c’est dingue non ?

Bien sûr, oui, c’était un rêve. Et, surtout, j’avais besoin de cette expérience pour performer pour les Jeux de 2028, à Los Angeles.

©️Pierre-Antoine Lalaude

Le moment des JO de Paris qui a été le plus fort pour toi ?

Quand j’ai réussi à mettre mon « run » – l’enchaînement de 45 secondes – sans tomber et en réussissant toutes mes figures et que tout le monde m’a applaudie. C’était un accomplissement de deux ans de compétitions et c’était super fort de sentir le public tout près qui était là pour m’encourager.

©️Pierre-Antoine Lalaude

L’idée, c’est de vivre le rêve américain alors, le podium à LA 2028 ?

Le podium, je pense que ça sera hyper galère parce qu’en France, on n’est pas aussi bien « équipés » que dans d’autres pays. On n’a pas vraiment de skateparks dédiés, avec horaires aménagées comme dans les autres pays ou avec assez de place. Notamment, parce que ce n’est pas encore une pratique sportive très développée ou, en tout cas, en club. Peu de gens prennent une licence. Moi, je « ride » sur les quais de Bordeaux au Park des Chartrons ou bien je vais jusqu’à Biarritz. Et puis aussi, le niveau international grimpe…

C’est quoi tes projets d’avenir, tu as le skate en ligne de mire ?

De vraiment continuer l’école quand même parce que c’est presque impossible de vivre de ce sport, même si je commence à avoir quelques sponsors. Il doit y avoir quinze personnes max’ qui en vivent dans le monde. Après, c’est sûr que ouais, ça m’inspire. Donc, le top, serait de continuer à voyager et de rencontrer de nouvelles personnes, tout en continuant ce sport. Sinon, j’aimerais bien être décoratrice dans le cinéma ou kiné du sport.

©️Aurélie Monier

Comme il y a quand même très peu de filles dans ce milieu du skate et notamment dans le haut niveau, est-ce que tu as l’impression d’être un peu un symbole pour les autres filles ?

Je le vois oui, via les réseaux sociaux. J‘ai eu plein de retours suite aux JO, mais je ne sais pas trop comment gérer. Il y a tellement de messages que c’est compliqué de répondre à tous. On me félicite, c’est vraiment sympa, ça m’encourage. C’est étonnant pour moi parce que, personnellement, je n’ai jamais eu d’idole.

En ayant enchaîné toutes ces expériences incroyables dans une si jeune carrière, est-ce que ça t’a apporté plus de confiance en toi ?

Je crois surtout que je ne pourrais pas vivre sans avoir une activité tous les jours. Ça me fait un plus. Ça me rend heureuse.

©️Pierre-Antoine Lalaude

Ouverture ©️Pierre-Antoine Lalaude

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