Leena GadePremière femme ingénieure de course victorieuse, so what ?

Leena Gade Première femme ingénieure de course victorieuse, so what ?
Pour le monde du sport automobile, elle est « une main de velours dans un gant de carbone ». Celle qui fut la première ingénieure de course à remporter les 24 heures du Mans en 2011, mais aussi le titre de… l’« Homme de l’année » du Championnat du Monde d’Endurance de la FIA un an plus tard, ne freine devant aucun obstacle. Elle est aujourd’hui présidente de la Commission GT de la fédé automobile.

Par Valérie Domain

Publié le 27 juillet 2020 à 19h12, mis à jour le 03 janvier 2024 à 15h46

Elle est l’ambassadrice de la Commission pour les Femmes dans le sport automobile, mais ne la réduisez pas à un porte-drapeau du féminisme. Si imposer les femmes dans le cercle très masculin du sport auto est l’un de ses combats, il n’est pas le seul.

Leena Gade a pour ambition de faire évoluer ce sport tout court. Depuis décembre 2019, elle est à la tête de la Commission GT à la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA), ajoutant ainsi une nouvelle fonction prestigieuse à son CV aussi brillant que le bitume d’un Grand Prix.

Leena Gade
©Brett Wasserman

Des voitures plutôt que des poupées

Dans la famille Gade, britannique et d’origine indienne, les trois sœurs jouaient aux petites voitures plutôt qu’aux poupées, aimaient réparer les jouets cassés et passer des heures à tripatouiller les appareils électroniques.

C’est en Inde, lors d’un long séjour à Mumbai, que la jeune Leena découvre la Formule 1. Une passion naissante qui deviendra un métier. Peu importe que les femmes y soient peu nombreuses, dans la tête de Leena Gade, ça tourne à cent à l’heure.

Leena Gade
©Audi

À l’université de Manchester, elle étudie l’ingénierie. Dans sa classe, elles ne sont que cinq filles sur cent élèves et elle sera la seule à décrocher un Master de Science en génie aérospatial.

Elle a 24 ans lorsqu’elle entre chez Jaguar comme ingénieure de finition, travaillant également à temps partiel pour des équipes de course.

Les 24 heures du Mans, une découverte décisive 

Le tournant a lieu en 2006 quand elle se rend aux 24 heures du Mans. Une expérience qui la transporte. Jusqu’au cœur des écuries d’Audi qu’elle mènera à la victoire en 2011, devenant la première femme ingénieure de course à remporter le Mans avec les pilotes André Lotterer, Benoît Tréluyer et Marcel Fässler. Rebelote un an plus tard puis en 2014.

Parallèlement, elle décroche des titres en championnat du monde d’endurance. Plus rien ne l’arrête.

Leena Gade qui a déménagé en Allemagne, planche sur le développement de nouvelles voitures de course, toujours pour Audi, et rafle autant de prix prestigieux que de louanges : « Homme de l’année » (si, si) du Championnat du Monde d’Endurance de la FIA en 2012, mais aussi le C&R Racing Women in Technology award, avant d’être nommée l’année suivante ambassadrice de la Commission pour les Femmes dans le sport automobile.

Leena Gade

En 2016, elle rejoint Bentley, puis Schmidt Peterson Motorsport, deux ans plus tard, afin d’être l’ingénieure de James Hinchcliffe dans le cadre de l’IndyCar Series.

Premier incident de parcours pour Leena Gade, pourtant toujours à bousculer les codes en devenant la première ingénieure de course dans ce championnat : elle quitte l’équipe pour incompatibilité, « les deux mondes n’ont pas bien fonctionné », dira-t-elle.  

Qu’à cela ne tienne, elle reprend sa route à vitesse grand V : en 2019, elle entre chez Multimatic, au poste de manager du centre dynamique des véhicules et comme ingénieure de course.

En décembre de la même année, elle prend la succession de Christian Schacht, président de la commission GT à la FIA ces dix dernières années. La première femme (encore) à occuper cette fonction…

Leena Gade

« Cela fera quatorze ans cette année que je suis dans le sport automobile et je n’ai jamais été victime de discrimination, confiait Leena Gade en décembre dernier. Être une femme peut même être la petite différence qui fait qu’on se souvient de vous. (…) Je me suis plutôt sentie encouragée par la plupart des hommes avec qui j’ai travaillé, car si je ne faisais pas bien mon job, eux non plus, et l’équipe ne pouvait pas réussir. »

Quant à son parcours hors-norme pour une femme ? « Aujourd’hui encore, je n’ai pas l’impression d’avoir accompli quelque chose de phénoménal qui a fait évoluer les mentalités, dit-elle. Mais je réalise que pour beaucoup de gens, surtout des jeunes femmes et des enfants, entendre parler de quelqu’un qui a fait quelque chose qui diffère un peu de la norme, c’est important. » Dont acte.

Antonia Terzi, l'ingénieure oubliée des circuits

Antonia Terzi

Spécialisée dans le domaine de l’aérodynamisme, elle a travaillé en Formule 1 pour Ferrari et Williams, mais sans le succès de Leena Gade. L’italienne Antonia Terzi née en 1971, a fait ses armes sur les circuits à la fin des années 1990 en prenant la fonction prestigieuse d’aérodynamicienne.

La Williams FW26 signera son heure de gloire et sa chute. Surnommée « Le morse » avec son museau avant large et court pour optimiser la circulation de l’air sous la voiture, elle est vue comme révolutionnaire.

Même si Juan Pablo Montoya remporte la dernière course de la saison au Brésil avec la FW26 (avec un nez avant plus classique, revue par l’ingénieure suite à des tests négatifs de la première version), la création d’Antonia Terzi est jugée comme globalement décevante.

Tenue responsable de ce fiasco, l’ingénieure sera limogée et ne retrouvera pas de fonctions au sein de la F1. Elle travaille aujourd’hui sur des projets et exerce à l’Université de technologie de Delft, aux Pays-Bas. 

Lire aussi : Toutes nos enquêtes sur les femmes dans le sport

Vous aimerez aussi…

Kate Hudson

Kate Hudson, nouvelle étoile de la planète fitness

Au royaume d’Hollywood, il n’y a qu’un pas entre le tapis rouge et l’entrepreneuriat. L’actrice Kate Hudson a fait ce pas de côté, en 2013, en co-créant Fabletics, une marque de sport pour femmes. Ou comment Kate Hudson est devenue un « coach sportif » bankable en deux temps trois mouvements…

Lire plus »
Elizabeth Ryan

Elizabeth Ryan, sa Majesté de Wimbledon

Si elle n’a jamais brillé en simple, elle n’a laissé à personne d’autre le soin de rayonner sur le double. Elizabeth Ryan a dominé, sans partage, en duo à Wimbledon durant plus de soixante ans aux côtés, notamment, des Françaises Suzanne Lenglen et Simonne Mathieu. Avant de passer le relais à sa compatriote Billie Jean King.

Lire plus »
Manaé Feleu : « Quand t'es une fille et que tu dis que tu joues au rugby, on te répond que c’est un sport de brutes . »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une athlète qui marche vers les sommets, une capitaine de l’équipe de France de rugby qui sait comment apprivoiser le ballon ovale (Manae Feleu sur notre photo), une fille qui court, qui court, et le décryptage d’un baromètre sur les jeunes et le sport, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK! Enjoy !

Lire plus »
Raymonde Cornou : « Lorsque j’ai commencé à courir, certains hommes me bousculaient, me criaient de retourner à ma cuisine. »

Raymonde Cornou : « Quand j’ai commencé à courir, des hommes me criaient de retourner à ma cuisine. »

Son histoire est pour le moins épique. Elle est la première Française à s’être alignée au départ du marathon de New York, l’une des pionnières des courses longues distances sur route en France. Raymonde Cornou a ouvert la voie à une époque où les femmes n’étaient pas autorisées à courir un marathon. Radiée à vie de la Fédération Française d’Athlétisme pour avoir bravé les interdits, rien ni personne n’a pu l’arrêter. Rencontre avec une athlète au caractère aussi acéré que les pointes de ses chaussures.

Lire plus »
Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »
Su-Wei Hsieh

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une tenniswoman à la raquette magique (Su-Wei Hsieh sur notre photo), une Déesse des courts français, les 5 dernières killeuses de la terre battue, une skieuse qui plante le bâton avec maestria, une chronique d’actualité, une question qui tue, une initiative 100 % féminine à l’épée et les porte-drapeaux en lice pour les prochains Jeux Olympiques et Paralympiques, c’est sur ÀBLOCK!

Lire plus »
Christine Duchamp

Christine Duchamp : « Avoir de l’impact sur le développement du hockey, ça, c’est fort ! »

Première femme à occuper le poste de Directrice Technique Nationale à la Fédé Française de Hockey sur Glace, Christine Duchamp s’offre un parcours de pionnière dans un sport de glisse où elle a toujours foncé vers les buts. Ancienne joueuse, capitaine de son équipe, entraîneure de l’équipe de France Féminine et première joueuse à avoir évolué en D1 masculine…un parcours inspirant !

Lire plus »
Emelyne Heluin: « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Emelyne Heluin : « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Gymnaste jusqu’à son adolescence, Emelyne Heluin a dû raccrocher le justaucorps après une prise de poids inexpliquée et d’autres symptômes invalidants. Diagnostiquée d’une maladie endocrinienne chronique et évolutive, le SOPK, à l’âge de 17 ans, elle erre pendant des années entre perte de confiance en elle et détresse psychologique avant de retrouver le chemin du sport comme outil de santé. Ce sera la marche, puis la course à pied jusqu’à se lancer sur des marathons.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner