Elle est l’ambassadrice de la Commission pour les Femmes dans le sport automobile, mais ne la réduisez pas à un porte-drapeau du féminisme. Si imposer les femmes dans le cercle très masculin du sport auto est l’un de ses combats, il n’est pas le seul.
Leena Gade a pour ambition de faire évoluer ce sport tout court. Depuis décembre 2019, elle est à la tête de la Commission GT à la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA), ajoutant ainsi une nouvelle fonction prestigieuse à son CV aussi brillant que le bitume d’un Grand Prix.
Des voitures plutôt que des poupées
Dans la famille Gade, britannique et d’origine indienne, les trois sœurs jouaient aux petites voitures plutôt qu’aux poupées, aimaient réparer les jouets cassés et passer des heures à tripatouiller les appareils électroniques.
C’est en Inde, lors d’un long séjour à Mumbai, que la jeune Leena découvre la Formule 1. Une passion naissante qui deviendra un métier. Peu importe que les femmes y soient peu nombreuses, dans la tête de Leena Gade, ça tourne à cent à l’heure.
À l’université de Manchester, elle étudie l’ingénierie. Dans sa classe, elles ne sont que cinq filles sur cent élèves et elle sera la seule à décrocher un Master de Science en génie aérospatial.
Elle a 24 ans lorsqu’elle entre chez Jaguar comme ingénieure de finition, travaillant également à temps partiel pour des équipes de course.
Les 24 heures du Mans, une découverte décisive
Le tournant a lieu en 2006 quand elle se rend aux 24 heures du Mans. Une expérience qui la transporte. Jusqu’au cœur des écuries d’Audi qu’elle mènera à la victoire en 2011, devenant la première femme ingénieure de course à remporter le Mans avec les pilotes André Lotterer, Benoît Tréluyer et Marcel Fässler. Rebelote un an plus tard puis en 2014.
Parallèlement, elle décroche des titres en championnat du monde d’endurance. Plus rien ne l’arrête.
Leena Gade qui a déménagé en Allemagne, planche sur le développement de nouvelles voitures de course, toujours pour Audi, et rafle autant de prix prestigieux que de louanges : « Homme de l’année » (si, si) du Championnat du Monde d’Endurance de la FIA en 2012, mais aussi le C&R Racing Women in Technology award, avant d’être nommée l’année suivante ambassadrice de la Commission pour les Femmes dans le sport automobile.
En 2016, elle rejoint Bentley, puis Schmidt Peterson Motorsport, deux ans plus tard, afin d’être l’ingénieure de James Hinchcliffe dans le cadre de l’IndyCar Series.
Premier incident de parcours pour Leena Gade, pourtant toujours à bousculer les codes en devenant la première ingénieure de course dans ce championnat : elle quitte l’équipe pour incompatibilité, « les deux mondes n’ont pas bien fonctionné », dira-t-elle.
Qu’à cela ne tienne, elle reprend sa route à vitesse grand V : en 2019, elle entre chez Multimatic, au poste de manager du centre dynamique des véhicules et comme ingénieure de course.
En décembre de la même année, elle prend la succession de Christian Schacht, président de la commission GT à la FIA ces dix dernières années. La première femme (encore) à occuper cette fonction…
« Cela fera quatorze ans cette année que je suis dans le sport automobile et je n’ai jamais été victime de discrimination, confiait Leena Gade en décembre dernier. Être une femme peut même être la petite différence qui fait qu’on se souvient de vous. (…) Je me suis plutôt sentie encouragée par la plupart des hommes avec qui j’ai travaillé, car si je ne faisais pas bien mon job, eux non plus, et l’équipe ne pouvait pas réussir. »
Quant à son parcours hors-norme pour une femme ? « Aujourd’hui encore, je n’ai pas l’impression d’avoir accompli quelque chose de phénoménal qui a fait évoluer les mentalités, dit-elle. Mais je réalise que pour beaucoup de gens, surtout des jeunes femmes et des enfants, entendre parler de quelqu’un qui a fait quelque chose qui diffère un peu de la norme, c’est important. » Dont acte.
Antonia Terzi, l'ingénieure oubliée des circuits
Spécialisée dans le domaine de l’aérodynamisme, elle a travaillé en Formule 1 pour Ferrari et Williams, mais sans le succès de Leena Gade. L’italienne Antonia Terzi née en 1971, a fait ses armes sur les circuits à la fin des années 1990 en prenant la fonction prestigieuse d’aérodynamicienne.
La Williams FW26 signera son heure de gloire et sa chute. Surnommée « Le morse » avec son museau avant large et court pour optimiser la circulation de l’air sous la voiture, elle est vue comme révolutionnaire.
Même si Juan Pablo Montoya remporte la dernière course de la saison au Brésil avec la FW26 (avec un nez avant plus classique, revue par l’ingénieure suite à des tests négatifs de la première version), la création d’Antonia Terzi est jugée comme globalement décevante.
Tenue responsable de ce fiasco, l’ingénieure sera limogée et ne retrouvera pas de fonctions au sein de la F1. Elle travaille aujourd’hui sur des projets et exerce à l’Université de technologie de Delft, aux Pays-Bas.
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