« Je suis onze fois championne de France, un palmarès qui englobe deux disciplines, la précision d‘atterrissage et le vol et ski. La précision d’atterrissage consiste à décoller d’une montagne ou au treuil pour se poser sur une pièce d’un euro matérialisée par un petit point d’un centimètre sur un plateau électronique de 16 cm de rayon. Le vol et ski peut être également vu comme de la précision d’atterrissage mais en un peu moins précis. C’est une discipline qui s’apparente plus à du jeu et qui se déroule durant l’hiver.
Pour ma part, j’ai commencé par le vol et ski, j’en fait depuis vingt ans en compétition. La précision d’atterrissage existe depuis très longtemps à l’international mais n’est reconnue, en France, que depuis six ans. Je suis devenue championne d’Europe en 2022 et vice-championne du monde en 2023.
Mon attrait pour le sport vient de l’enfance. J‘ai toujours aimé jouer et le sport, pour moi, est la continuité du jeu. J‘ai découvert le sport à l’école, en sixième, comme plein d’enfants qui n’y sont pas poussés par leurs parents. J’ai eu une prof d’EPS qui était toute jeune et représentait, pour moi, la prof parfaite. J‘ai su, d’emblée, que j’allais aimer le sport et que je voudrais devenir comme elle, prof d’EPS.
J‘ai pas mal pratiqué l’athlétisme et le handball, j’ai joué à Antibes et à l’AS Monaco. J’aurais rêvé faire du foot mais, à l’époque, on était souvent obligées de faire croire qu’on était un garçon pour pouvoir jouer les week-ends.
J’ai arrêté le handball quand j’ai découvert le parapente. C’est le hasard qui m’y a amenée. J‘ai croisé Pierre Pagali avec qui je vis et qui est le papa de mon fils, il faisait du parapente et, même si je n’avais pas du tout d’ouverture sur le monde aérien, ça a été coup de foudre ! C’était en 1988, j’avais 26 ans et je ne suis plus jamais rentrée dans une salle de hand.
En parapente, il y a le silence, il y a la liberté ce qui contraste avec le handball, les voyages en bus, les stades où tout le monde crie, où on se fait parfois insulter par les supporters adverses. Là, d’un seul coup, quelque chose a switché en moi, je me suis dit que c’était de ça dont j’avais envie, de plein air, de découvrir une nouvelle activité.
Ce que j’ai tout de suite aimé dans le parapente, c’est le fait de pouvoir aller me balader avec un petit sac à dos, partir en montagne et redescendre en volant. Dès l’instant où j’ai commencé à voler, je n’ai fait presque que ça.
J’ai passé le Brevet d’État deux ou trois ans plus tard et j’ai un peu enseigné mais, avec Pierre, très rapidement, on s’est lancés dans l’aventure Parapente Mag, un magazine qui vient de fêter ses 35 ans.
J‘ai commencé la compétition par la distance, indispensable pour passer son BE, et ça m’a beaucoup plu mais je me suis vite orientée vers le vol et ski parce que je suis devenue maman et que la distance me prenait trop de temps.
Je ne pratique pas pour cumuler les titres mais il se trouve que j’en ai cumulé. Gagner fait toujours plaisir mais, sur le plan compétition pure, le vol et ski c’est aussi quelque chose de ludique. En précision d’atterrissage, le niveau n’est pas le même, c’est un niveau international.
Aujourd’hui, je suis face à des pros – il y a des pilotes pros dans les pays asiatiques – et ça m’a permis de me connaître un petit peu mieux. Par rapport à d’autres, j’ai une pratique assez dilettante parce que j’ai un travail, parce que je ne vis pas sur un site, parce que mon état d’esprit, parce que mon âge. Je viens d’avoir 60 ans et quand j’étais sur le podium des Championnats du monde, j’ai senti très fort que je venais de m’offrir mon cadeau d’anniversaire.
L’âge, on s’en fiche complètement, je n’ai pas envie de le planquer. Bien évidemment, j’ai mal partout ; bien évidemment, je ne peux pas m’entraîner comme je le voudrais si je le souhaitais vraiment, mais j’ai la chance de pratiquer une discipline qui n’est pas très physique. Il faut quand même être en forme mais, même si les années passent, les qualités athlétiques s’estompent. Grâce à l’expérience, grâce au mental, je peux me bagarrer avec des petits jeunes. L’autre attrait du parapente, c’est que c’est un sport ouvert aux femmes.
Dans notre sport, il y a toujours eu entre 5 et 10 % de femmes et aujourd’hui, même si je n’ai pas les statistiques exactes, ça doit monter à 12-15 %. En compétition, sur les Championnats du monde, on était 35 femmes sur 130 pilotes, ce qui fait quand même une belle proportion mais ce qui est chouette surtout, c’est que l’on joue ensemble.
Bien sûr, au niveau des résultats, il y a encore une catégorie homme et une catégorie femme mais, dans notre discipline, on pourrait très bien imaginer qu’il n’y ait qu’une seule catégorie. Être un garçon, n’est pas un avantage, il n’y a pas de notion de force, de notion de vitesse. Finalement, tant mieux pour nous qu’il y ait encore cette classification qui permet de faire des podiums : en championnat d’Europe, je termine 9e sur 130 pilotes en open mais, s’il n’y avait pas de classification femme, je n’aurais pas fait un podium. Je pense, qu’à l’avenir, les femmes seront encore plus nombreuses.
En France, la discipline n‘est quasiment pas connue mais elle va le devenir parce que la précision d’atterrissage est une activité non violente : on ne se fait pas peur, c’est vraiment du vol soft et quand on a des enfants, il y a possibilité de s’entraîner avec les gamins en choisissant des sites de proximité où il y a peu d’espace entre le décollage et l’atterrissage.
D’ici-là, j’espère que je ferai encore de la compétition et surtout, j’espère que je coacherai des jeunes, que je pourrai leur apporter mon expérience. Moi, c’est quelque chose dont je n’ai pas pu bénéficier parce que la discipline est nouvelle et que nous avons défriché.
Alors, autant rendre service à ceux qui arrivent, autant préparer le terrain pour les jeunes générations. »
©Jaroslav