
Les CrossFit Games s’adaptent au handicap
Dave Castro, directeur général de CrossFit Sport, a annoncé la participation d’athlètes handicapés à la plus grande compétition mondiale de CrossFit.
Publié le 10 février 2021 à 18h10, mis à jour le 18 janvier 2022 à 18h52
Tu es aujourd’hui détentrice du record français de saut à ski féminin, pourquoi as-tu chaussé les skis et, plus spécifiquement, t’es-tu passionnée pour le saut ?
Tout simplement parce que je viens d’une famille de skieurs ! Je fais du ski de fond et du ski alpin depuis toute petite. Il y a des photos de moi à quatre ans et je ne m’en souviens même pas !
Et le saut à ski, ça a été un peu un coup de hasard, un coup du destin. Dans mon village, ils venaient de rénover le tremplin et comme j’étais dans le ski club – je faisais du ski de fond – je suis allé essayer. Ça m’a plu tout de suite et j’ai commencé le saut à ski !
J’ai débuté à l’âge de huit ans dans des stations de ski alpin où des compétitions étaient organisées avec des petits tremplins.
Si tu devais décrire cette discipline « volante » ?
Avec le saut à ski, le but est d’aller le plus loin possible ! On a une prise d’élan où l’objectif est d’aller très vite au bout du tremplin, de prendre l’impulsion et de prendre une forme de vol.
Ce n’est pas du ski acrobatique, on ne fait pas de figures en vol, on doit juste atterrir le plus loin possible. Le record du monde chez les filles est de 200 mètres.
Et ton record à toi ? Comment s’est passé cet envol miraculeux ?
Il est de 131 mètres et demi ! C’était en 2014 pour la dernière Coupe du monde de la saison juste après les Jeux Olympiques de Sotchi. Nous les filles, on ne devait même pas y être mais ils ont rajouté une compétition pour nous. Une chance !
À ce moment-là, je sautais bien et je m’étais fixé comme objectif de monter sur le podium. Je fais alors mon premier et seul podium en Coupe du monde, à la troisième place avec le record de France en saut ! J’espère pouvoir battre mon propre record cette saison.
Que ressens-tu quand tu t’élances sur la piste, c’est un peu comme si tu sautais dans le vide…
Je pense qu’avant tout ce qui me drive, c’est le plaisir d’être en vol. Le seul truc qui nous tient en vol à 190-200 km/h, ce sont les skis donc il y a une vraie décharge d’adrénaline, le bonheur de se sentir propulser en l’air et sur l’air, de sentir la pression du vent sur les skis, la combinaison, le corps…
Et puis, voir les mètres défiler sous nos pieds, je ne sais pas si on peut retrouver ce type de sensations ailleurs. Pour autant, je ne dirais pas que je suis casse-cou car je ne prends pas de risques, je suis très vigilante.
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C’est en effet un sport risqué…
J’ai déjà été blessée dans ma carrière, je connais donc le risque mais dans l’équipe, on a une devise « zéro risques, zéro blessures ». Pour éviter de prendre des risques inutiles, on attend, par exemple, qu’il y ait de bonnes conditions météorologiques pour aller sauter.
On adapte aussi toute la préparation physique dans les entraînements : du renforcement musculaire pour ne pas se faire mal aux ligaments, les genoux chez les filles sont plus fragiles que chez les garçons. Il faut prendre en compte nos périodes hormonales, on peut être blessées plus facilement, il faut donc s’adapter, vivre au rythme de son corps.
Mais il est difficile de gérer toutes ces conditions avant d’aller sauter…
Oui, donc il faut généralement agir sur ce qu’on peut contrôler. Ici, les entraîneurs sont primordiaux, on leur fait entièrement confiance. C’est vraiment nécessaire mentalement comme le fait de savoir qu’on a bien fait sa préparation physique.
On reste concentré sur ce qu’on a à faire, on se prépare pour sauter et faire quelque chose de techniquement juste. L’autre point important, c’est le mental : quand on s’élance, on sait qu’il y a un risque et il faut le prendre en considération, c’est à dire faire attention.
De mon côté, quand j’ai un peu plus d’appréhension sur des gros tremplins ou dans des conditions plus difficiles, je saute encore plus juste techniquement parce qu’il y a peut-être cette petite peur qui fait que je ne peux pas faire n’importe quoi. Je me concentre sur ce qui fonctionne et sur ce qui me sécurise.
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T’arrive-t-il d’avoir peur justement ?
Ça m’arrive parfois, oui, surtout quand les tremplins sont impressionnants, des tremplins sur lesquels je n’ai pas l’habitude de sauter. Mais j’essaye toujours de transformer cette peur en autre chose, quelque chose de positif.
Comment travailles-tu ce mental d’acier ?
On a récemment travaillé sur la pleine conscience, le fait d’être dans le moment présent. Ça aide beaucoup !
Je pense qu’on s’entraîne toutes assez dur, qu’on a bien défini toutes les lignes techniques et physiques qu’on veut travailler. Une fois que cette étape est intégrée, on fonce sur le tremplin, il faut se faire confiance et ne pas se poser de questions.
On n’y va pas tête baissée non plus, mais comme le saut reste un instant assez court, quand il faut y aller, il faut y aller!
Quel est ton point fort selon toi ?
Je crois vraiment que c’est le vol ! Je sais bien placer mon ski et mon corps sur l’air. C’est quelque chose d’assez naturel pour moi. Plus le tremplin est gros, plus je me fais plaisir et plus ça me paraît facile parce que la part de vol est plus importante. Je le fais vraiment sans réfléchir !
Est-ce que ce sport de l’extrême t’a permis de t’affirmer davantage en tant que femme ?
J’ai beaucoup grandi grâce à cette discipline ! Déjà parce que dans le haut niveau, on a une vie structurée avec des objectifs à atteindre tous les jours, beaucoup d’apprentissages, de rencontres inspirantes avec des entraîneurs, la vie en équipe. C’est une belle école de la vie !
Je m’en rends vraiment compte aujourd’hui. Si je devais aller travailler quelque part aujourd’hui, j’aurais de quoi faire avec toutes les valeurs apprises dans le sport. L’excellence que l’on recherche dans le haut niveau est vraiment transposable dans la vie réelle !
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Les femmes se sont donc fait toute leur place sur les tremplins du saut à ski ?
Historiquement, en 1924, il y avait six sports aux Jeux Olympiques d’hiver dans lesquels le saut à ski était intégré mais réservé aux compétiteurs masculins. Les femmes ont pu disputer leur première épreuve olympique en saut a ski seulement à Sotchi en 2014 ! Ça résume déjà bien les choses…
Mais en 2022, il y aura une épreuve en plus pour nous, avec les garçons, en équipe mixte, deux filles/deux garçons.
Il faut savoir que pour les JO, le nombre d’athlètes est assez réglementé. Chez les filles, ils sont en train d’ouvrir les portes : en 2014, il y avait trente filles au départ, en 2022, on sera dix de plus.
Pour le saut féminin, petit à petit, les choses bougent alors ?
Oui et se densifient : on en est à notre dixième saison de Coupe du monde, par exemple ! Mais si on compare : les équipes masculines ont une quarantaine d’épreuves en Coupe du monde alors que les filles en ont une vingtaine maximum. Et encore, c’est une bonne saison dans ces cas-là !
Les compétitions féminines de la discipline ne sont pas diffusées en France au contraire des compétitions masculines alors qu’en Norvège, en Autriche, en Slovénie et en Allemagne, c’est un sport national et donc les filles sont de plus en plus mises en avant. Ce qui veut dire plus de moyens pour s’entraîner et donc un meilleur niveau. C’est une bonne chose pour les filles, un bel élan !
Je sais qu’en Norvège actuellement, le but est d’avoir une parité dans ce sport pour que les filles puissent avoir plus de coupes du monde, les mêmes primes de résultats… Chez les garçons, on est à 10 000 francs suisses la victoire et 3800 chez les filles. Ils sont beaucoup plus médiatisés, plus regardés, résultat : ils ont plus de primes.
Comment faire en sorte que la parité soit la norme dans ton sport ?
Il faudrait que le boulot soit fait correctement, qu’on aille nous chercher des compétitions, qu’on aille démarcher ! Mais je comprends bien que ça demandera du temps avant qu’on en arrive au niveau du tennis.
Par exemple, on a finalement réussi à avoir une Coupe du monde féminine en décembre dernier alors que tout avait été annulé en Autriche. Pourquoi ? Parce que les Autrichiennes avaient été placées sur le podium l’an dernier donc les gens s’y intéressent.
C’est comme pour la Coupe du monde féminine de football en France en 2015, les résultats ont créé l’engouement ! Mais il faut avoir l’opportunité d’être visibles et faire des compétitions pour cela…
Est-ce important pour toi d’être un modèle, une inspiration pour de futures championnes de ski ?
J’aimerais vraiment que de plus en plus de filles s’y mettent, qu’il y ait une belle relève ! Aujourd’hui, à mon échelle, avec mes résultats, je ne pense pas être un modèle, mais, honnêtement, si un jour je fais une médaille olympique, oui, ça aura de la portée et j’aurais de quoi inciter et inspirer la jeune génération. Et j’assumerai alors ce rôle de modèle, bien volontiers !
Quand on a accédé à nos premières coupes du monde et à nos premiers jeux, j’étais déjà la plus âgée de la discipline féminine, j’avais 17 ans. En dix ans, j’ai vu les choses évoluer sur ce circuit, mais j’ai l’impression qu’on ne se bouge pas et notamment au niveau international.
Celle qui prend le rôle de monter au créneau pour les femmes, c’est celle qui a tout gagné : la championne olympique norvégienne Maren Lundby !
Avec le Covid, j’ai vraiment ressenti qu’on se bougeait pour les hommes mais pas pour les filles par exemple. C’est une fille comme Maren Lundby qu’il nous faudrait en France pour avoir de la légitimité et de la visibilité. C’est dur de promouvoir cette discipline peu connue en France et pour laquelle on a peu de budget.
Tu es une grande sportive, mais pas pour autant une sportive professionnelle, pourquoi ?
Je suis une sportive de haut niveau et si j’arrive à continuer, c’est via les primes aux résultats et les subventions, mais je n’en vis pas du tout. J’adorerais par exemple avoir un contrat avec l’armée ou avec des entreprises, mais tant qu’on n’est pas un sport très médiatisé ou pas inscrit aux championnats du monde militaire, ça ne se fera pas.
Le jour où j’aurai une sérénité financière, ce sera une pression en moins. C’est pour ça que je suis la première à demander plus de compétitions car ça entraîne plus de chance de pouvoir gagner des primes et de pouvoir mieux s’entraîner pour la saison d’après et ainsi de suite.
J’ai quand même la chance de ne pas avoir à travailler à côté et d’avoir des parents qui m’aident…
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À ton palmarès, on peut compter les Jeux Olympiques de Sotchi en 2014, ça représente quoi encore pour toi alors que tu te prépares pour ceux de 2022 ?
Sotchi en 2014, c’était fort ! Seules les trente meilleures mondiales avaient été qualifiées donc c’était vraiment chouette. On était que trois dans l’équipe de France. Et c’étaient les premiers Jeux de l’histoire en saut féminin ! C’était dingue de pouvoir représenter la France aux Jeux pour cette inauguration de la discipline féminine !
Quel est ton plus grand rêve sportif, ton objectif de carrière ?
Mon rêve, c’est vraiment les JO en 2022 et d’y être performante. Il faudra déjà se qualifier, mais je ne me fais pas trop de souci. Cette saison me permettra de progresser dans la hiérarchie mondiale et dans ma préparation.
Après, je suis encore là parce que je suis vraiment passionnée par le saut. Mais j’ai déjà 26 ans et vivre avec rien du tout quand je vois mes amis gagner leur vie, ce n’est pas toujours facile à gérer. J’ai une très belle vie dont je suis très heureuse mais ça ne pourra pas être éternel…
2014, engagée à Sotchi, Julia Clair parle d’elle, de ses ambitions et de la langue française…
Raconte-nous un moment fort de ta jeune carrière où tu t’es sentie voler et, à l’inverse, un atterrissage douloureux qui t’a finalement permis de prendre un nouvel envol ?
Ça s’est passé sur un même weekend, il y a cinq ans au Japon, en Coupe du monde en janvier 2016. Dans cette coupe du monde, je me posais beaucoup de questions, j’étais beaucoup trop dans ma tête quand je sautais, tellement qu’il ne se passait rien.
J’étais dans le « bien faire ». Trop. Ce jour-là, je finis quarantième, à savoir dernière de la compétition. J’en discute avec l’assistant, je regarde les autres. Le lendemain matin, il fallait tout refaire, passer les qualifications et les manches.
Arrivée au tremplin, j’ai arrêté de me poser des questions : je me suis mise en position et dépliée au bout du tremplin pour m’envoler.
Et là, je fais cinquième de la première manche. Pour la deuxième, je fais le même procédé, je finis cinquième de la compétition… C’était inespéré parce qu’en plus ça faisait un moment qu’on galérait côté françaises !
Tu as terminé 15e lors de la première épreuve de Coupe du monde de la saison le 18 décembre en Autriche, 12e lors de la deuxième épreuve début février puis tu as marqué de nouveau des points en coupe du Monde en prenant la 25e place du troisième et dernier concours cette semaine à Hinzenbach… Sur quelle lancée es-tu actuellement ?
La Coupe du monde se déroule sur toute une saison, de décembre à mars et, à la fin, tous nos points sont additionnés. Le but est donc d’être la plus régulière possible.
C’est compliqué de se projeter actuellement avec la crise sanitaire car beaucoup de compétitions sont annulées et il est donc difficile de se mesurer à la concurrence et d’avoir des repères sur notre progression.
Alors, en ce qui me concerne, je me dis qu’il faut que je parvienne à battre mon propre record qui est le record de France !
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Difficile de voir plus loin, donc ?
C’est toujours délicat de se donner des objectifs précis pour les compétitions car c’est un sport en extérieur qui pâtit ou bénéficie des conditions climatiques. Le vent, par exemple, a une grande influence sur la performance, tout comme la chute de neige.
C’est aussi un sport très exigeant mentalement car tout se passe très vite. L’objectif est donc, selon moi, de réussir, le jour J, à mettre en place tout ce qu’on a travaillé sur une année.
Il ne faut pas aller chercher une place, mais le top. Le top de son top !
Revivez le 1er saut de 130 mètres de Julia Clair
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