« J’ai créé l’association Famabor il y a deux ans. J’avais alors le projet de participer à la Mini Transat et, pour cela, il me fallait une structure. Je me suis dit que fonder une association avec des amis me permettrait, non seulement, de fédérer plus de monde mais également de faire parler d’un sujet qui me tenait à cœur depuis longtemps : l’égalité femme-hommes dans le sport. Cette idée est le fruit de mon expérience personnelle et professionnelle.
J’ai toujours gravité dans un milieu très masculin, le milieu de la voile, et j’ai toujours trouvé qu’il n’y avait pas assez de filles. J’entendais souvent dire : « C’est fou, une petite nana comme toi qui fait ça ! ». C’est à la fois chouette ces remarques parce que c’est gratifiant mais quand on est une fille, on n’est pas moins légitime qu’un homme lorsque que l’on veut faire de la course au large ou de la voile.
Pour autant, j’ai eu la chance, pour ma part, de me voir confier assez rapidement des responsabilités en bateau, ce qui m’a donné confiance en moi. Ado, quand je faisais de la voile en habitable, on m’a laissé faire des manœuvres de port, on m’a laissé prendre la barre. J’ai compris que j’étais « capable de » même si je voyais très peu de femmes arriver au port en tenant la barre de leur bateau. J’ai eu de la chance.
Il y a aussi le fait que je me sens très très bien en mer. C’est mon élément et je ne me suis jamais sentie incapable de naviguer. Quand on a une passion, qu’on se sent bien dans un milieu, que l’on a l’impression de bien faire, on a envie de continuer et ce, quelque que soit la discipline.
J’ai plus senti que le fait d’être une femme pouvait être un frein dans ma vie professionnelle lorsque j’étais formatrice-monitrice. Dans l’école de croisière où je travaillais, il n’y avait quasiment que des hommes.
En me voyant, certaines personnes étaient réticentes. Je suis une femme et je suis toute petite. Pour quelques-uns, cela signifiait que je ne devais pas être capable de maîtriser un gros voilier. J’avais plus besoin de démontrer mes compétences que certains de mes collègues masculins qui correspondent davantage à l’idée que l’on se fait d’un skipper.
Pourquoi ? Je n’ai pas de théorie arrêtée sur le sujet et c’est pour cela qu’avec Famabor, l’ambition était aussi d’essayer de comprendre les origines de cette situation. Selon moi, les raisons ont à voir avec quelque chose de profondément ancré dans notre culture.
L’image que renvoie la voile est une image assez physique : c’est un sport dur, il faut aller en mer, ce qui peut être assez impressionnant. Tout cela fait que l’on ne va pas forcément orienter les petites filles dans cette voie. Pourtant, tout cela vaut aussi pour les garçons. Beaucoup d’entre eux n’ont pas envie de se faire mal mais ils doivent montrer une image de force, montrer qu’ils ont un mental d’acier, du courage.
Ceci étant, ce qui vaut pour la voile vaut aussi pour beaucoup d’autres disciplines, je pense au rugby par exemple. Mais c’est en train de changer. Je n’étais pas très optimiste à ce sujet mais j’ai l’impression que ça arrive. Pour preuve, il y a de plus en plus de courses mixtes.
Ça reste une sensation, je n’ai pas de chiffres pour étayer mes propos, mais j’ai l’impression que c’est de plus en plus accepté. Je le vois aussi avec ma nouvelle aventure professionnelle. Après avoir travaillé pendant trois mois dans un chantier d’IMOCA avec le skipper Benjamin Ferré, je suis allée travailler dans une voilerie. J’occupe la fonction de technico-commerciale, c’est-à-dire que je vends des voiles et je navigue en même temps pour apporter mon expertise.
Dans cette profession, il y a très peu de femmes, je n’en connais d’ailleurs aucune, que ce soit en Bretagne ou même vers La Rochelle. C’est aussi là où je me dis que ça change.
Lors de mon entretien de recrutement, on m’a dit que le fait d’être une femme n’était pas la raison pour laquelle j’avais été embauchée mais qu’ils n’avaient jamais reçu de candidature avec mon profil et que ça les intéressait.
Durant mon projet Mini, pas mal de filles m’ont contactée via Famabor pour avoir des conseils. Elles m’ont dit qu’elles avaient besoin de s’identifier. Pour ma part, je me suis identifiée autant à des hommes qu’à des femmes mais, comme les femmes sont plus rares, tu t’identifies peut-être plus.
Quoi qu’il en soit, mes actions de communication ont eu un impact. À l’avenir, j’aimerais avoir plus de temps pour développer l’association et, pourquoi pas, créer un évènement. Normalement, je devrais être moins tout le temps en mer et pouvoir y réfléchir.
Pour ce qui est de mes projets de navigation, après la Mini, qui a été assez intense, j’ai envie d’être un peu plus à terre en ce moment et de continuer à naviguer mais sur les bateaux des autres. Je ne ferme pas complètement la porte à un autre projet de course au large. Ça me démange beaucoup.
Ma première sortie sur l’IMOCA sur lequel j’ai bossé pendant trois mois m’a donné envie de m’y remettre. Ça fait rêver mais ce n’est pas pour tout de suite. »