Hélène Clouet : « En tant que fille, on n’est pas moins légitime qu’un homme quand on veut faire de la course au large » Navigatrice, 34 ans, technico-commerciale

Hélène Clouet : « En tant que fille, on n’est pas moins légitime qu’un homme quand on veut faire de la course au large. »
Elle a déjà eu mille vies. Océanographe, éducatrice sportive en voile légère et croisière avant de travailler sur un chantier d’IMOCA pour finalement se lancer dans le commerce de voiles. Hélène Clouet, 34 ans, n’a de cesse, à travers ses aventures, d’assouvir sa passion pour la navigation. Engagée au départ de la Mini Transat en 2021, la Caennaise, Rochelaise d’adoption, a monté une association, « Famabor », afin d’inciter d’autres filles à se lancer !

Propos recueillis par Sophie Danger

Publié le 06 octobre 2023 à 10h58

« Jai créé lassociation Famabor il y a deux ans. Javais alors le projet de participer à la Mini Transat et, pour cela, il me fallait une structure. Je me suis dit que fonder une association avec des amis me permettrait, non seulement, de fédérer plus de monde mais également de faire parler dun sujet qui me tenait à cœur depuis longtemps : l’égalité femme-hommes dans le sport. Cette idée est le fruit de mon expérience personnelle et professionnelle.

Jai toujours gravité dans un milieu très masculin, le milieu de la voile, et jai toujours trouvé quil ny avait pas assez de filles. Jentendais souvent dire : « Cest fou, une petite nana comme toi qui fait ça ! ». Cest à la fois chouette ces remarques parce que cest gratifiant mais quand on est une fille, on nest pas moins légitime quun homme lorsque que lon veut faire de la course au large ou de la voile.

Pour autant, jai eu la chance, pour ma part, de me voir confier assez rapidement des responsabilités en bateau, ce qui ma donné confiance en moi. Ado, quand je faisais de la voile en habitable, on ma laissé faire des manœuvres de port, on ma laissé prendre la barre. Jai compris que j’étais « capable de » même si je voyais très peu de femmes arriver au port en tenant la barre de leur bateau. Jai eu de la chance.

Il y a aussi le fait que je me sens très très bien en mer. Cest mon élément et je ne me suis jamais sentie incapable de naviguer. Quand on a une passion, quon se sent bien dans un milieu, que lon a limpression de bien faire, on a envie de continuer et ce, quelque que soit la discipline.

Jai plus senti que le fait d’être une femme pouvait être un frein dans ma vie professionnelle lorsque j’étais formatrice-monitrice. Dans l’école de croisière je travaillais, il ny avait quasiment que des hommes.

En me voyant, certaines personnes étaient réticentes. Je suis une femme et je suis toute petite. Pour quelques-uns, cela signifiait que je ne devais pas être capable de maîtriser un gros voilier. Javais plus besoin de démontrer mes compétences que certains de mes collègues masculins qui correspondent davantage à lidée que lon se fait dun skipper.

Pourquoi ? Je nai pas de théorie arrêtée sur le sujet et cest pour cela quavec Famabor, lambition était aussi dessayer de comprendre les origines de cette situation. Selon moi, les raisons ont à voir avec quelque chose de profondément ancré dans notre culture.

Limage que renvoie la voile est une image assez physique : cest un sport dur, il faut aller en mer, ce qui peut être assez impressionnant. Tout cela fait que lon ne va pas forcément orienter les petites filles dans cette voie. Pourtant, tout cela vaut aussi pour les garçons. Beaucoup dentre eux nont pas envie de se faire mal mais ils doivent montrer une image de force, montrer quils ont un mental dacier, du courage.

©Distillerie de la Tour

Ceci étant, ce qui vaut pour la voile vaut aussi pour beaucoup dautres disciplines, je pense au rugby par exemple. Mais cest en train de changer. Je n’étais pas très optimiste à ce sujet mais jai limpression que ça arrive. Pour preuve, il y a de plus en plus de courses mixtes.

Ça reste une sensation, je nai pas de chiffres pour étayer mes propos, mais jai limpression que cest de plus en plus accepté. Je le vois aussi avec ma nouvelle aventure professionnelle. Après avoir travaillé pendant trois mois dans un chantier dIMOCA avec le skipper Benjamin Ferré, je suis allée travailler dans une voilerie. J’occupe la fonction de technico-commerciale, cest-à-dire que je vends des voiles et je navigue en même temps pour apporter mon expertise.

Dans cette profession, il y a très peu de femmes, je nen connais dailleurs aucune, que ce soit en Bretagne ou même vers La Rochelle. Cest aussi je me dis que ça change.

Lors de mon entretien de recrutement, on ma dit que le fait d’être une femme n’était pas la raison pour laquelle javais été embauchée mais quils navaient jamais reçu de candidature avec mon profil et que ça les intéressait.

Durant mon projet Mini, pas mal de filles mont contactée via Famabor pour avoir des conseils. Elles mont dit quelles avaient besoin de sidentifier. Pour ma part, je me suis identifiée autant à des hommes qu’à des femmes mais, comme les femmes sont plus rares, tu tidentifies peut-être plus.

Quoi quil en soit, mes actions de communication ont eu un impact. À lavenir, jaimerais avoir plus de temps pour développer lassociation et, pourquoi pas, créer un évènement. Normalement, je devrais être moins tout le temps en mer et pouvoir y réfléchir.

Pour ce qui est de mes projets de navigation, après la Mini, qui a été assez intense, jai envie d’être un peu plus à terre en ce moment et de continuer à naviguer mais sur les bateaux des autres. Je ne ferme pas complètement la porte à un autre projet de course au large. Ça me démange beaucoup.

Ma première sortie sur lIMOCA sur lequel jai bossé pendant trois mois m’a donné envie de my remettre. Ça fait rêver mais ce nest pas pour tout de suite. »  

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