Gertrude EderleL’Américaine qui a mis la Manche à ses pieds
Elle n’aimait pas qu’on lui impose des limites. Et l’a prouvé. Après une tentative avortée, Gertrude Ederle devient, en 1926, la première femme à réussir la traversée de la Manche à la nage. L’Américaine, tout juste 20 ans, va aussitôt devenir la coqueluche de son pays. Avant de sombrer dans l’anonymat le plus total.
Par Sophie Danger
Publié le 05 mars 2021 à 18h21, mis à jour le 03 août 2023 à 15h49
Vendredi 6 août 1926, cap Gris Nez. Il est 7 heures passées de quelques minutes seulement lorsque Gertrude Ederle plonge les pieds dans les eaux fraîches du Pas-de-Calais.
La jeune Américaine, 20 ans, s’apprête à relever un défi complètement fou, celui de rallier les côtes anglaises à la nage.
Au total, ce ne sont pas moins de 34 kilomètres de traversée qui l’attendent. Pas de quoi refroidir les ardeurs de la New Yorkaise qui pourrait devenir, en cas de succès, la première femme à réaliser pareil exploit.
En cette belle journée d’été, Gertrude Ederle le sait, Gertrude Ederle le sent, le succès est à sa portée. Il faut dire que la demoiselle, qui a de nombreuses qualités à faire-valoir, est tout sauf une novice.
Sept ans à peine après ses premières longueurs en bassin, elle domine en effet si outrageusement son sujet – elle a battu pas moins de 29 records du monde – que les journalistes spécialisés n’hésitent pas à la comparer à Johnny Weissmuller, son illustre compatriote, triple médaillé d’or olympique à l’époque.
Pour autant, Trudy, son surnom, peine à se contenter de ces quelques honneurs. Et se met en tête de réussir ce qui, jusqu’alors, s’est toujours refusé aux femmes : la traversée de la Manche.
Son premier essai, le 3 août 1925, s’est malheureusement soldé par un échec. Après 8h45 d’efforts intenses, la native de Manhattan abdique, poussée à l’abandon, avancera-t-elle a posteriori, par son entraîneur Jabez Wolffe. Leur association n’y survivra pas. Le concours financier de l’association américaine de natation féminine non plus.
Pas suffisant néanmoins pour pousser Gertrude Ederle à renoncer. De retour aux États-Unis, l’intrépide nageuse se résigne à faire une croix sur son statut d’amateur hypothéquant, définitivement, une possible deuxième participation aux Jeux Olympiques, pour se mettre en quête de partenaires commerciaux aptes à l’aider à réaliser son rêve.
Le Chicago Tribune et le New York Daily News vont répondre présents et l’accompagner tout au long de l’aventure.
Le 6 août 1926, un an et trois jours après sa tentative avortée, Trudy se sent fin prête. Trois bateaux la suivent.
Les deux premiers transportent son père, sa sœur, son nouvel entraîneur Bill Burgess – deuxième homme à avoir bouclé ce trajet France-Angleterre – mais aussi quelques nageurs parmi lesquels le champion égyptien Ishak Helmy et Mme Sion, la rivale française, dont la mission est de se jeter, épisodiquement, à l’eau afin de lui tenir compagnie.
La troisième embarcation est réservée aux reporters. Ces derniers, nombreux, ont a disposition un appareil de TSF qui leur permet de relayer, en quasi direct, l’avancée de sa progression.
Les conditions, clémentes au début, vont malencontreusement peu à peu se tendre. Ses proches tentent vaille que vaille de la dissuader à poursuivre. En vain.
« Je ne sortirais pas de l’eau avant qu’on vienne me chercher, leur lancera-t-elle, reprise dans les colonnes de l’Auto. Alors si le cœur vous en dit ! ». Elle mettra finalement le pied à terre à 21h40, 14 heures et 31 minutes après avoir quitté les côtes françaises.
Première femme à réussir pareille prouesse, elle améliore, au passage, de presque deux heures le record en vigueur, record détenu, jusqu’alors, par l’Italo-Argentin Sebastian Tiraboschi.
L’Amérique s’embrase d’un coup d’un seul pour sa championne. Et lui réserve un accueil triomphal. Deux millions de personnes vont envahir les rues de New York pour suivre la parade organisée en son honneur.
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Entre une apparition éclair dans Swim Girl, un film de 1927, et une participation à Aquacade, un show aquatique, en 1939, Trudy, qui souffre de problèmes auditifs et s’est grièvement blessée à la colonne vertébrale, vit chichement en donnant des cours de natation à des enfants sourds.
Elle s’éteindra, sans faire de bruit, le 30 novembre 2003 dans une maison de retraite de Wyckoff dans le New Jersey. Elle avait 98 ans.
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