« À l’heure où certaines parties du monde guettent la menace d’une seconde vague de Covid-19, d’autres régions, quant à elles, envisagent sérieusement le déconfinement et la reprise d’une activité en présentiel.
Le monde du sport ne fait pas exception et petit à petit, les calendriers des prochaines rencontres et compétitions cessent d’être reportés ou annulés, mais bel et bien fixés.
Ces 3 mois de pause forcée auront toutefois vu se développer des initiatives, des réflexions sur le « monde d’après », expression d’un nouveau paradigme censé être l’opposé de ce que nous avions connu jusqu’à lors.
Au-delà du concept dont on peut débattre de la pertinence et de l’utilité, ce supposé « monde d’après » n’a octroyé in fine que (trop) peu de place au sport au féminin.
Si l’avenir du sport en général était, à juste titre, questionné, faisant l’objet de débats, de réunions, de concertations, et alors même que des signaux inquiétants concernant la pratique féminine se multipliaient, trop rares ont été les réflexions lancées sur ce sujet.
Bien qu’il soit, à ce jour, impossible – et contre-productif – de dresser un bilan définitif de cette récente période, plusieurs éléments peuvent toutefois être notés.
Esquisser des conclusions n’est jamais chose aisée, surtout quand l’origine de la crise n’est peut-être pas réglée mais également parce qu’il est difficile d’analyser avec précision la séquence passée, émaillée d’annonces inquiétantes comme de signes encourageants.
En effet, difficile de ne pas être inquiet.e.s face à la publication des rapports (FIFPro) mettant par exemple en lumière l’extrême fragilité du secteur professionnel féminin, des communiqués annonçant que les sections féminines ne sont pas « l’essentiel » et qu’elles pourraient devenir des variables d’ajustement, que certains calendriers sont communiqués sans compétitions féminines (communiqué de l’UCI), que des compétitions sont reportées sans plus d’informations, que certains sponsors décident de se retirer (Tyrells avec Premier 15s, championnat de rugby anglais), que certains championnats féminins sont arrêtés alors même que les championnats masculins reprennent (exemple de la Liga Iberdrola en Espagne par exemple), sans parler d’une médiatisation infime.
Un rapport de LTT Sports sur les conséquences de la Covid-19 sur le football professionnel « féminin », mettait précisément en lumière un « soutien artificiel » et un manque d’ « attention sincère » apportée à ce sport.
A croire que les efforts, croissants, réalisés depuis plusieurs années, voire dizaines d’années dans certains sports et certains pays, n’ont été que vains.
Pourtant, parallèlement à cela, et dans ce marasme de mauvaises nouvelles liées à la période, quelques bonnes nouvelles existent. Plusieurs fédérations nationales comme internationales ont réaffirmé leur investissement dans la féminisation (FIFA par exemple), des sportives, de plus en plus nombreuses se sont fait entendre, poussant même certaines fédérations à créer de nouvelles compétitions (création de la course féminine Paris-Roubaix par l’UCI, à la suite de la lettre ouverte de coureuses), la reprise de certains championnats, à l’instar des championnats masculins, ou encore la signature d’un contrat de sponsoring historique entre Nike et Ada Hegerberg.
En revanche et comme cité précédemment, une réelle source d’inquiétude demeure, il est indispensable de revenir sur l’absence quasi-totale d’informations sur le sport au féminin.
À l’exception de quelques magazines spécialisés et de rares articles ou interviews, le sport au féminin, dans sa globalité a été très largement invisible.
Informations laconiques sur les compétitions en cours ou à venir, absence de rediffusion de matchs importants, ou même de réflexion sur les questions qui se posaient pourtant avec la même force que pour leurs homologues masculins : comment gérer les fins de saisons, les relégations, les préparations physiques ?
Comment faire face à cette crise sanitaire qui allait inévitablement avoir des conséquences économiques sur l’écosystème sportif, ainsi potentiellement sur la pratique même du sport, au niveau du sport de masse comme professionnel.
« La médiatisation est une formidable vitrine permettant de promouvoir le sport au féminin. »
De façon sans doute un peu provocante, et afin de mettre un chiffre sur cette absence, la comparaison de la représentation des conséquences de la Covid-19 sur le sport au masculin et sport au féminin pendant 2 mois (14 mars au 18 mai) par la version papier de l’Equipe est sans appel. 2,4%. Soit à peine une quarantaine d’articles sur plus de 1600.
Cette absence de médiatisation est, rappelons-le, extrêmement préoccupante compte tenu de l’importance que l’image, la publicité a en tant que construction de modèle pour la société.
En d’autres termes, la médiatisation est une formidable vitrine permettant de promouvoir le sport au féminin.
C’est en voyant performer des sportives, en lisant des interviews de joueuses, arbitres, entraineuses ou dirigeantes que la féminisation du sport s’impose dans les esprits et, à plus long terme, dans les faits.
« Plus que jamais, une étude attentive des prochains mois et des années sera nécessaire pour évaluer avec précision les conséquences de cette crise. »
En conséquence, si les chiffres de médiatisation des compétitions féminines étaient bien plus faibles que des masculines, force est de constater que ces trois mois d’absence risquent d’avoir des conséquences importantes sur la perception du sport au féminin.
Plus que jamais, une étude attentive des prochains mois et des années sera nécessaire pour évaluer avec précision les conséquences de cette crise.
En conséquence, il est indispensable de suivre avec la plus grande attention les évolutions du sport au féminin au cours des prochains mois et des prochaines années.
En ce sens, la recherche en (sciences et techniques des activités physiques et sportives, sciences économiques, humaines et sociales, physiologiques etc) devra plus que jamais se poursuivre.
*Carole Gomez est directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), suivez ses travaux sur le site de l’IRIS.