Bessie ColemanLa « Queen Bess » des airs au sacré culot

Bessie Coleman
Les obstacles, elle les a toujours survolés. Née en 1892, dans le sud des Etats-Unis, Bessie Coleman a bravé les lois Jim Crow pour devenir la première aviatrice noire de l’Histoire. Portrait d’une voltigeuse audacieuse dont le souvenir perdure à travers les cieux.

Par Sophie Danger

Publié le 15 juin 2021 à 8h17, mis à jour le 27 juillet 2021 à 17h52

Elle était une forte tête. Une personnalité hors norme à qui il était vain de vouloir imposer des règles, qui plus est lorsque ces dernières ne reposent sur d’autres justifications que la seule couleur de peau.

À force de courage et de persévérance, Elizabeth Coleman est parvenue à se jouer du destin tout tracé à laquelle on voulait la contraindre pour devenir, à 29 ans, la première pilote afro-américaine de l’Histoire.

Une épopée extraordinaire qui débute à la toute fin du 19e siècle, en 1892 plus exactement. Cette année-là, les Coleman, un couple mixte résidant à Atlanta, accueillent Elizabeth, leur dixième enfant.

Suzanne, la mère, est noire. Georges, le père, est métis – l’un de ses grands-parents est noir, les trois autres indiens -.

Pour eux, comme pour tous les Afro-américains, la vie est rude. La Géorgie, à l’instar des autres états du sud des États-Unis, est soumise aux lois Jim Crow. Dès sa naissance, la petite Bessie est confrontée à la ségrégation raciale.

Sa seule porte de salut pour échapper à l’avenir peu riant qui lui est promis ? Les études.

Déterminée, elle a 18 ans quand elle met le cap sur l’Oklahoma afin de suivre des cours à la Colored Agricultural and Normal University. Ses maigres économies ne lui permettront pas de suivre le cursus en son entier.

Après un an passé à Langston, Elizabeth Coleman réintègre le foyer familial et trouve un emploi dans une blanchisserie.

La parenthèse durera jusqu’en 1915. La jeune femme entre dans sa 23e année. Elle décide de faire, une nouvelle fois, ses bagages et rejoint deux de ses frères, Walter et John, à Chicago dans l’Illinois.

Elle y exerce comme manucure dans un barber shop. Très vite, le trio va être contraint de se séparer. La guerre fait rage sur le Vieux Continent et les États-Unis ont choisi de s’engager aux côtés de l’Entente.

Walter et John rejoignent les rangs de l’US Army et partent pour l’Europe. C’est à cette époque que Bessie Coleman se prend de passion pour l’aviation.

Fascinée par les récits des exploits des pilotes français et américains – et notamment ceux d’Eugene Bullard, premier pilote de chasse afro-américain – elle trouve, enfin, sa voie : elle sera, elle aussi, aviatrice.

Mais du rêve à la réalité, il y a, hélas, plus qu’un pas. Bessie Coleman est une femme et qui plus est, une femme noire. Autant de raisons pour que les écoles de pilotage lui ferment leurs portes.

Conseillée par l’un de ses clients, Robert Sengstacke Abbott, fondateur et éditeur du Chicago Defender, elle envisage sérieusement de s’exiler pour tenter sa chance ailleurs. Et cet ailleurs, ce sera la France.

Le 20 novembre 1920, Bessie Coleman embarque pour Paris et pose ses valises en Picardie. Sa formation, elle va la suivre dans la célèbre école des frères Caudron, au Crotoy.

Sept mois plus tard, elle décroche sa licence internationale de pilote. Une première pour une femme noire, une première également pour un Afro-américain, hommes et femmes confondus.

L’exploit de Bessie Coleman ne passe pas inaperçu. Le retour au pays est triomphal et la néo-aviatrice a les honneurs de la presse. Sa renommée grandit. Mais une réputation, si bonne soit-elle, ne suffit pas à vivre décemment.

La Chicagoane envisage de se produire en meeting. Il lui faut cependant parfaire ses talents de voltigeuse. Mais, une fois de plus, l’histoire se répète. Bessie est noire et les écoles de Chicago lui barrent la route.

Qu’à cela ne tienne, elle connaît désormais comment faire et s’offre un nouveau billet pour l’Europe.

Durant quelques mois, elle se forme aux côtés de pilotes chevronnés en France, mais aussi aux Pays-Bas et en Allemagne. À son retour aux Etats-Unis, en août 1922, sa popularité est intacte et elle commence à se produire dans des shows aériens.

Son parcours, difficile, lui a donné une idée : ouvrir une école de pilotage pour les jeunes Afro-américains. Elle doit, pour cela, amasser suffisamment d’argent pour s’offrir un appareil et trouver des locaux adéquats.

La situation se débloque en 1926. « Queen Bess », comme on la surnomme désormais, parvient à investir dans un Curtiss JN-4 acheté dans un surplus de l’armée américaine. C’est à son bord qu’elle va trouver la mort.

Engagée dans un spectacle à Jacksonville, elle embarque avec son mécanicien, William D. Wills, pour un vol de reconnaissance. Bessie Coleman, qui doit sauter en parachute le lendemain, veut analyser le terrain et ne prend pas la peine de s’attacher.

Très vite, son avion montre des signes de faiblesses. William D. Wills perd le contrôle. La jeune aviatrice est éjectée du cockpit et s’écrase quelques centaines de mètres plus bas. Elle a 34 ans et meurt sur le coup.

Mais son combat lui survit. En 1920, un peu plus de trois ans après sa disparition tragique, William J. Powell, propriétaire de nombreuses stations services à Chicago et pilote amateur, lui rend hommage en créant le Bessie Coleman Aero Club et la Bessie Coleman Flying School à Los Angeles, dans le but de promouvoir l’aviation auprès de la communauté afro-américaine.

D'autres épisodes de "Aviation : quand les filles s'envolent"

Vous aimerez aussi…

Jackie Joyner-Kersee, la légende du tartan

Jackie Joyner-Kersee, la légende du tartan

Plus de vingt ans après avoir raccroché les crampons, elle continue de régner sur les épreuves combinées. L’Américaine Jackie Joyner-Kersee, meilleure performeuse de tous les temps à l’heptathlon, n’a, en deux décennies passées loin des pistes, toujours pas trouvé rivale à sa hauteur. Portrait d’une athlète toujours à la pointe.

Lire plus »
Anaïs Quemener  : « Ma plus grande victoire a été de revenir au niveau après ma maladie. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une tenniswoman qui avait la tête dans les étoiles, un petit rab enneigé pour les jeunes, une runneuse que rien n’arrête (Anaïs Quemener sur notre photo), une Question qui tue spécial cardio, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK! Enjoy !

Lire plus »
Running

Si on tentait un marathon fractionné ?

Le #42HealthyRunningDays est lancé ! Un top départ donné à l’issue de la journée internationale de la santé, le 7 avril dernier. Késako ? Portés par la motivation, le bien-être et la santé, les coureurs se lancent le défi de réaliser 42 kilomètres en 42 jours. À leur rythme. Ainsi, l’application Running Care propose une toute nouvelle version du marathon pour les plus démotivés. Explications.

Lire plus »
Charlotte Cormouls-Houlès : « Pour aimer la voile, il faut savoir s’émerveiller. »

Charlotte Cormouls-Houlès : « Pour aimer la voile, il faut savoir s’émerveiller. »

Elle a donné un an de sa vie pour la Transat Jacques Vabre qui vient de s’élancer du Havre. Elle, c’est Charlotte Cormouls-Houlès, 27 ans, navigatrice passionnée qui n’aurait jamais imaginé pouvoir s’embarquer dans pareille aventure. Nous l’avons rencontrée deux jours avant son grand départ. Avec sa co-skippeuse Claire-Victoire de Fleurian, la voilà à flot pour voguer vers un rêve devenu réalité.

Lire plus »
Sandrine Alouf : « Mes photos de sportives, c’est une loupe sur une société ultra genrée. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une pionnière qui a le break dans le sang, une asso qui se bouge, des fonds pour donner une chance à mille petites filles, une photographe qui met à terre les préjugés et un nouveau mercredi spécial KIDS, c’est le meilleur d’ÀBLOCK! Bon rattrapage !

Lire plus »
Stéphanie Loeuillette

Stéphanie Loeuillette, la pongiste qui adore se mettre à table

Elle a encore du potentiel. Et elle espère le prouver lors de ces Championnats d’Europe de tennis de table qui débutent à Varsovie, en Pologne. Plus encore, Stéphanie Loeuillette, Championne de France en double dames en 2018 et vice-Championne de France en double mixtes, en 2019, se voit bien en haut de l’affiche aux JO de Tokyo. Portrait express d’une pongiste ultra concentrée sur ses objectifs.

Lire plus »
Angelina Favario : « Le sport automobile est un sport macho, mais ça ne m’atteint pas. »

Angelina Favario : « Le sport automobile est un sport macho, mais ça ne m’atteint pas. »

Elle n’a pas encore 20 ans mais déjà une détermination de fer. Angelina Favario, jeune pilote, n’a qu’une idée en tête : devenir pro et, pourquoi pas, évoluer, à l’avenir, en Formule 1. La Savoyarde, qui a fait ses gammes l’an passé en F4, sait qu’elle devra, pour cela, se battre tout au long du chemin contre adversaires et préjugés. Rencontre avec une demoiselle que rien ne peut freiner.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner