Jeune, tu as été pris comme bouc émissaire par certains de tes camarades de classe. Pour apprendre à te défendre et ne plus subir, ton père a décidé de t’envoyer faire du sport et plus particulièrement du karaté. Le sport, ça a changé la donne ?
Oui, le karaté à 13 ans, ce fut une révélation ! Apprendre une technique de combat m’a permis de répondre à la violence physique que je subissais, mais de façon appropriée.
Lorsqu’on t’agresse, soit tu es tétanisé par la peur soit par la panique, et tu ne répondras pas de la bonne façon. Quand tu maîtrises ta réaction, tu apportes une réponse juste dans le cadre de la légitime défense, et tu as confiance en toi.
Quand l’agresseur sent ta détermination, la plupart du temps, il ne frappe pas. C’est ce qui s’est passé à l’école : ces cours de karaté ont permis que je ne sois plus une victime.
Ensuite, j’ai évolué, appris, et ce sport a commencé à ne plus me convenir. J’étais souvent disqualifié lors des compétitions de karaté car j’aimais aller à la confrontation. J’avais besoin de combattre. Je me suis dirigé vers le full contact, la boxe.
Il y avait des filles lorsque tu as commencé les sports de combat ?
Oui, mais très peu. Je leur demandais pourquoi elles venaient, souvent c’était parce qu’elles avaient été agressées.
J’ai dû combattre avec elles, ce qui a été et est toujours très difficile. C’est profondément implanté dans ma tête qu’un homme qui frappe une femme est un lâche. C’est choquant pour moi de voir une femme à terre et moi debout face à elle.
Je me suis toujours imposé des limites : porter mes coups au maximum, mais jamais à 100 %, juste ce qu’il faut pour qu’elle puisse avoir du répondant, qu’elle sache comment se défendre contre la violence.
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Tu as d’ailleurs donné des cours dans les hôpitaux …
Oui, des cours de self-défense à des infirmières. On commençait par travailler l’attitude, la parole, pour tenter de se sortir de situations à risque sans agir physiquement.
Ensuite, on passait à la technique de combat. Comme je le disais, la détermination qu’on a dans le regard, la confiance en soi, ça permet souvent de déminer une situation sans en venir aux mains.
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Dans l’armée, il y a beaucoup de femmes fortes, mais peu dans les commandos. Pourquoi ?
C’est vrai, des femmes opérationnelles dans ces unités, il y en a très, très peu. Les tests physiques leur sont ouverts, mais pas une femme ne les a encore réussis. Elles sont parfois dans les colonnes d’assaut, comme ce fut le cas dans l’affaire Kouachi, car elles sont formées à l’intervention, et d’ailleurs elles ne sont pas ménagées, l’armée ne fait aucune différence avec les hommes.
Après, même si ça se conçoit qu’elles veuillent entrer dans les forces spéciales, qu’elles aient la même vocation qu’un homme pour défendre le pays, j’ai rencontré des femmes qui ne le souhaitaient pas pour les bonnes raisons. Quand on me dit : « Je veux prouver aux hommes que moi aussi j’ai ma place ici », ce n’est pas une bonne raison. Vouloir prouver, ça veut dire avoir un complexe d’infériorité. Les tests GIGN n’ont pas pour vocation d’être une thérapie, de démontrer qu’une femme est digne d’être à ce poste-là.
J’ai l’impression que la femme qui pense ça se trompe. Je considère qu’elle est bien plus forte que l’homme, son pouvoir va au-delà du nôtre. Ici, je ne parle pas de force physique, mais de force mentale. Et là, c’est la reine. Elle peut faire bouger des montagnes. Les personnes qui m’ont le plus aidé dans la vie sont des femmes.
Dans l’armée, comme dans la vie, mais aussi dans le sport… il faut pourtant souvent prouver qu’on est à la hauteur pour faire évoluer les mentalités…
Je comprends, mais je trouve dommage qu’une femme fasse du sport pour confirmer qu’elle peut être l’égale de l’homme. Elle n’a rien à prouver à l’homme, même si hélas, c’est par son regard qu’elle en vient à ça.
Elle n’a pas besoin de se justifier, et je trouve normal qu’elle s’illustre dans des sports qu’on dit encore à tort « masculins », mais parce que ça lui plaît, pas parce qu’elle veut démontrer qu’elle peut le faire aussi bien qu’un homme.
Ta femme est une ancienne athlète de haut-niveau, tu es à bonne école…
On fait du sport ensemble, on s’apporte beaucoup. J’adore la challenger, je la pousse à se dépasser. Et quand je sens qu’elle est fière, je le suis dix fois plus qu’elle. Mais ce n’est pas à sens unique, elle est très exigeante avec moi et ça me convient. Je m’entraîne pour moi, mais aussi pour elle. On forme une équipe.
Donc l’égalité femme-homme dans le sport, ça te parle ?
Oui, même s’il y a des sports qui physiologiquement favorisent les hommes. La force est souvent notre plus grand atout, mais le sport, c’est autre chose : de la réflexion, du mental ou encore de la technique.
J’ai une copine coach qui soulève plus lourd que moi en haltérophilie car c’est une discipline extrêmement technique, et elle l’aborde avec intelligence. Je ne me sens pas menacé car, pour moi, la force n’a rien à voir avec la valeur de l’homme.
J’ai rencontré des femmes, dans le sport et ailleurs, qui sont des machines de guerre. Je suis très admiratif de ces filles qui ne s’embarrassent pas des clichés et qui avancent.
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Tu viens d’écrire ton deuxième livre, « Féral, cette force qui existe en nous »*, une méthodologie de la réussite qui s’appuie sur ton vécu. Pour autant, tout le monde peut-il devenir une figure du GIGN ?
« Féral » s’appuie sur quarante ans d’expérience, c’est un livre de développement personnel, plus que d’haltérophilie ! Mais, je ne vends pas une recette du « Faites-le, vous serez comme moi ». J’avais des prédispositions dans les sports de combat, j’y suis allé à fond. Mais j’ai énormément travaillé pour arriver là où je voulais être.
Souvent, les gens manquent de curiosité, d’audace, subissent leur vie. Tout le monde a du talent dans différents domaines mais ne va pas le chercher.
Ce livre, c’est mon cheminement physique et psychique, ainsi que les moyens que je me suis donnés pour atteindre mes objectifs, que ce soit pour intégrer une unité d’élite, percer dans le cinéma, ou tout simplement avancer dans la vie. Il s’adresse à tout le monde, les hommes comme les femmes. Et je dis : « Fais mieux que moi, fais ton parcours à toi ! »
Il faut être méthodique pour réussir ?
Si je suis en paix avec moi-même, heureux dans la vie, c’est le résultat d’une méthodologie. J’ai toujours compté sur les expériences pour m’aguerrir, pour évoluer, mais j’avais une image très précise de ce que je voulais être : allier le physique de Schwarzy et la connaissance, le savoir.
Pour ça, il me fallait sortir de ma zone de confort, être au max de mon potentiel physique et alimenter mon esprit avec des lectures, de la culture. On peut être musclé, sportif et avoir aussi un cerveau, parce que ça aussi, “le mec musclé qui n’a rien dans le crâne”, c’est un cliché…
En fait, à l’âge de 16 ans, j’ai eu une idée assez claire de ce que je voulais faire et où je voulais aller. J’ai compris que dans mon entourage, il y avait des gens qui m’étaient favorables et d’autres toxiques. J’ai toujours su qu’il fallait m’entourer des meilleurs. Qu’est-ce que je souhaite faire ? Le but de ma vie, c’est quoi ?
Je veux être fort physiquement ? On va lui donner des muscles, donc je vais faire de la musculation.
Je veux être efficace ? On va lui apprendre différents sports, donc j’apprends à nager, escalader, combattre, courir…
Je veux avoir du bon sens, nourrir mon cerveau ? On va lui faire vivre des choses, apprendre, comprendre. Donc, je multiplie les expériences, les rencontres, je ne juge pas, j’observe, je ne réagis pas à chaud, je suis efficace. Et je me remets régulièrement en question.
C’est une méthode qui a fonctionné pour le GIGN et ça fonctionne aussi pour le cinéma aujourd’hui.
Tu es maintenant acteur. Le guerrier, c’est terminé ?
Pas du tout ! Mais ce n’est pas le même guerrier. Le mec du GIGN, je veux le laisser au GIGN tout en me servant de son bagage émotionnel pour m’imposer dans l’univers du cinéma.
Je suis l’ado de 16 ans que j’étais à l’époque, mais avec l’expérience de la vie évidemment. Ma vision du monde n’a pas changé. J’ai deux vies, en fait.
Donc ce n’est plus Philippe B., c’est Aton. Je me sers du passé, mais je ne vis pas dedans. Cette expérience au GIGN, c’est mon bonus pour le cinéma.
Tu continues l’entraînement, le sport a toujours un rôle majeur dans ta vie ?
Je n’abandonnerai jamais. Plus je suis bon sur un ring, mieux je me sens. J’ai appris que l’entrainement paye. Qu’il peut te permettre de te mesurer aux meilleurs. Et quand on a cette prétention, il faut s’entraîner dur.
Parfois, ça casse, mais il n’y a jamais d’échec définitif : quand t’as un genou à terre, tu apprends de tes erreurs. Et tu prends le recul nécessaire pour accepter cet échec sinon tu stagnes dans ton sport. Tu fais le deuil de cette mauvaise expérience en te posant la question du pourquoi, en menant une réflexion derrière. Et ça, tu peux le transposer dans la vie en général.
Je sais que faire du sport, s’entraîner pour progresser, t’apporte une grande assurance dans la vie. C’est un pouvoir extraordinaire.
* « Féral : cette force qui existe en nous » (édition Nimrod)
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