
Sport : les femmes ne lâchent rien !
Girls, vous êtes plus fortes que vous ne le pensez. Bouger ne vous fait pas peur. Et c’ est l’Insee qui le dit.
Publié le 07 décembre 2020 à 17h25, mis à jour le 27 février 2024 à 9h52
Tu viens de boucler une campagne de crowfunding pour te permettre de financer ta campagne olympique pour Pékin 2022. Qu’est-ce qui t’a poussée à te lancer dans l’aventure ?
C’est une initiative qui est partie du « Collectif des sportives », une association dont je suis ambassadrice glisse et qui a pour but d’améliorer les conditions et les droits des sportives de haut niveau.
Au regard du contexte actuel, le Collectif voulait trouver une alternative au sponsoring. Ils m’ont proposé de faire, ensemble, une campagne de crowfunding dans le but de récolter des fonds et ainsi me permettre de me préparer sereinement pour les Jeux Olympiques.
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Comment expliques-tu qu’il soit si difficile, pour une athlète de haut niveau qui représente la France aux Jeux Olympiques, de trouver un financement privé ?
Je trouve ça dingue ! Je n’arrive pas vraiment à comprendre. Certes c’est mon sport et je ne suis pas vraiment objective mais, dans le short-track, il y a un côté hors norme. C’est de l’extrême, c’est original, c’est spectaculaire mais, malgré cela, ce n’est pas médiatisé en France.
De fait, il est compliqué de se mettre en avant pour trouver des sponsors alors que son sport n’est pas médiatisé. On n’a pas du tout de visibilité. C’est frustrant et aussi un peu contradictoire car, lors des Jeux Olympiques, les places sont prises d’assaut, les gens nous disent tous que notre discipline est super mais, malgré cela, le résultat reste le même, on nous dit : « Rendez-vous dans quatre ans ! » et pendant ces quatre ans, on rame et on galère.
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Le short-track ou patinage de vitesse sur piste courte, est pourtant très populaire dans de nombreux pays, pourquoi ne l’est-il pas en France ?
J’y ai beaucoup réfléchi et j’y pense souvent, mais je ne comprends pas.
Les pays phares en short-track sont le Canada, la Corée du sud et les Pays-Bas. Dans ces pays-là, le short-track est très médiatisé et très populaire. Aux Pays-Bas notamment, il y a des anneaux de longue piste et les gens raffolent du patin.
Chez nous, en France, dans les stations, les gens profitent de leur temps libre pour faire du ski de fond ; là-bas, ils vont patiner. C’est culturel et je pense que c’est à ce niveau-là que ça pêche. Il y a à la fois un manque de visibilité et aussi un problème d’ancrage de notre sport.
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Pour en revenir à cette campagne de crowfunding, tu avais demandé 3 000 euros et tu en as eu plus de 4 000. Malgré tout, cette somme paraît dérisoire pour financer un tel projet…
J’ai besoin de plus, mais c’est déjà énorme ! À part le soutien de Belfort, la ville de mon club, je n’ai quasi pas d’aides. Quelques-unes viennent de la fédération à travers la mise en place de conventions mais, à part ça, je n’ai pas de sponsor pour me financer.
À quoi va te servir ce budget ?
Les Jeux Olympiques sont dans moins d’un an et je vais faire attention à placer l’argent là où il faut, je suis vraiment méticuleuse à ce niveau-là.
Ce budget va me servir à acheter des lames par exemple car notre matériel, en short-track, coûte relativement cher. Je suis membre de l’équipe de France et c’est la Fédération qui prend en charge mes déplacements.
Pour autant, il me faut également financer les déplacements personnels, ceux que j’entreprends pour aller rechercher de la concurrence. Ces stages à l’étranger sont à ma charge. J’en ai fait quelques-uns l’année dernière, notamment un stage de deux-trois mois aux Etats-Unis, et je voulais renouveler l’expérience, si possible cette saison.
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Il n’y a pas de stages à l’étranger avec l’équipe de France de short-track ?
Si, cette année par exemple, nous en avons fait deux, un en Pologne et un en Allemagne, mais l’an passé, en ce qui me concerne, j’ai fait mes propres choix afin de pouvoir être plus performante et c’est pour cela que je suis partie seule aux Etats-Unis.
Qu’est-ce qu’ils t’apportent de plus ces stages hors du cadre fédéral ?
Ça m’a apporté beaucoup d’ouverture sur le monde. Ça peut paraître un peu plan-plan mais je trouve que c’est essentiel de pouvoir voir comment les autres fonctionnent. Le short-track est un petit milieu : on patine toujours avec les mêmes filles, on se connaît toutes par cœur.
C’est bien de voir comment elles s’entraînent à l’étranger, de baigner dans leur milieu. Ça nous ouvre les yeux sur leur vision des choses et je trouve qu’il est important de vivre ça.
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Après les Etats-Unis, tu as déjà une idée de ta prochaine destination pour un stage ?
Je n’ai pas vraiment d’idée. Il y a des lieux dans lesquels j’ai plus d’affinités ce qui est plus simple car il n’est pas toujours facile de se greffer à une équipe nationale.
Tu es entièrement focalisée sur les Jeux Olympiques d’hiver de Pékin, en 2022. Il représente quoi, pour toi, cet événement-là ?
J’ai participé à mes premiers Jeux Olympiques en 2018 à PyeongChang et c’était vraiment une expérience incroyable. J’ai eu la chance de partir en Corée du Sud avec trois de mes collègues, Véronique Pierron, Thibaut Fauconnet et Sébastien Lepape pour qui ce n’était pas une première. Ils m’ont guidée et ça a rendu aussi cette expérience inoubliable.
En 2018 néanmoins, je n’avais clairement pas le niveau que j’ai maintenant. Je n’avais pas non plus la même vision des choses qu’aujourd’hui. Mon objectif ultime, à présent, est de participer aux Jeux en 2022 mais surtout d’y décrocher une médaille.
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Tu parles d’une autre vision des choses, qu’est-ce que tu entends par-là ?
Je pense que j’ai mis du temps à vraiment me construire en tant qu’athlète. Par exemple, la notion de stress, le fait d’être aidée par une préparatrice mentale… je pense que c’est essentiel pour pouvoir performer mais tout ça a mis longtemps à se mettre en place.
Tu dis également que les Jeux Olympiques t’ont fait grandir, sportivement et humainement. Comment décrirais-tu la Tifany d’avant JO et la Tifany d’après ?
Avant mes premiers Jeux, j’étais terriblement contente de pouvoir y participer. C’était comme un rêve qui se réalisait. En Corée du Sud, j’ai couru mes deux courses mais, en toute honnêteté, je n’avais pas vraiment d’attentes, je voulais juste faire le meilleur résultat possible.
Un mois après les Jeux Olympiques, nous avions nos Championnats du monde et j’ai été finaliste. À partir de ce moment-là, je me suis dit je ne voulais plus revivre les Jeux de PyeongChang. Ok, c’était incroyable, ça m’a fait grandir, mais je me suis dit que si je retournais aux JO, ce serait, cette fois, pour y décrocher une médaille.
J’ai commencé, non pas à m’entraîner différemment, mais à regarder, chaque jour, si je cochais bien toutes les cases, celles qui me permettaient de savoir si j’étais une bonne athlète et si je me dirigeais correctement vers mon objectif. C’est comme ça que j’ai commencé à aborder mon olympiade.
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Et tu les coches toutes ?
J’espère. C’est un peu difficile cette année, toutes nos Coupes du monde ont été annulées alors il est un peu compliqué de s’évaluer.
Les Jeux sont une véritable obsession chez toi. Ça date de quand, de ton enfance ?
Pas du tout ! J’aimerais bien dire que c’était un rêve, raconter une belle histoire, mais ça n’a jamais été un rêve d’enfant. J’ai commencé à en rêver quand je suis entrée en équipe de France.
C’est à ce moment-là que le short-track est aussi devenu une affaire sérieuse pour toi ?
J’ai commencé le short-track quand j’avais 9 ans et c’était la première fois que je montais sur la glace ! À l’époque, c’était vraiment juste du fun.
En 2010, avec ma sœur jumelle, nous avons tenté les sélections pour rentrer au pôle France à Font-Romeu et nous avons été prises toutes les deux. Nous étions au lycée, en sport-études, nous nous entraînions déjà deux fois par jour sur la glace.
C’est aussi à cette époque que nous avons débuté les compétitions à l’international. À ce moment-là, j’ai commencé à me dire que ça devenait sérieux. J’ai eu un deuxième déclic après mes premières Coupes du monde. Je me suis alors autorisée à rêver des Jeux Olympiques.
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Tu dis être prête à tout pour participer aux Jeux. Au quotidien, ça se traduit comment en matière d’entraînement ?
Nous sommes un sport amateur, mais c’est comme si nous étions professionnels. On s’entraîne deux fois par jour sur la glace avec des sessions d’environ deux heures. À ça, tu ajoutes le temps de préparation, notamment du matériel parce qu’on s’occupe nous-mêmes de nos patins, et les séances de musculation, d’exercices spécifiques, d’aérobie que ce soit à vélo, en roller, en ski de fond.
Nous avons également des séances de préparation mentale en groupe – nous pratiquons un sport individuel et collectif car nous avons des relais – et, pour ma part, des sessions personnelles de préparation mentale.
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Tu exerces un métier à plein temps sans être payée, en somme. On en revient à la question financière, comment parviens-tu à conjuguer tes aspirations d’athlète de haut niveau et les contraintes, économiques notamment, de la vie quotidienne ?
Toutes les personnes qui font partie de l’équipe de France de short-track sont de vrais passionnés. Notre sport n’est pas du tout médiatisé, mais on vit pour ça, c’est notre passion.
Moi en ce qui me concerne, j’ai un objectif en tête, les Jeux Olympiques, et je ne compte pas le lâcher. Je le garde en ligne de mire, c’est ma ligne directrice. J’ai la chance d’être aidée par la ville de Belfort, sans cela, je n’aurais pas pu continuer à patiner et j’aurais été contrainte d’arrêter.
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Tout cela représente beaucoup de sacrifices, tu ne doutes jamais ?
Je ne parle jamais de sacrifices, mais de choix. J’ai fait le choix de m’embarquer dans cette vie-là. J’ai la chance d’aimer ce que je fais, mon objectif est si ancré en moi que je n’ai pas vraiment de doutes.
Pas de doutes, mais un caractère bien trempé pour pouvoir t’accrocher…
J’ai une sœur jumelle. On est très différentes et c’est elle aussi qui a forgé mon caractère. Je ne me suis jamais laissé faire et elle le sait. Lorsque nous faisions du short-track toutes les deux, nous avons été interviewées par des journalistes. Chacune de nous était dans une pièce différente, on nous a demandé, à toutes les deux, quelle était la qualité la plus marquante de l’autre. Ma sœur a répondu que, quand j’avais une idée en tête, un objectif, je ne lâchais pas tant que je n’avais pas réussi. Je ne savais pas qu’elle me voyait comme ça et sa vision des choses m’a marquée.
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Les Jeux de Pékin sont programmés en février 2022. Quelles vont être tes grandes échéances d’ici-là ?
Notre saison 2019-2020 est lancée, je me trouve actuellement aux Pays-Bas en compétition pour évaluer notre niveau. Ça va faire du bien de courir car on ne l’a pas fait depuis neuf mois. Cette année, toutes nos Coupes du monde ont été annulées.
Il nous reste les Championnats du monde, les Championnats d’Europe et la saison prochaine, on va attaquer directement sur les sélections olympiques qui se dérouleront au mois d’octobre. Une année de challenge et, oui, je ne lâche rien !
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