Lorsque tu as commencé la planche à voile, tu avais 12 ans. Les sports nautiques, ça t’a toujours branché ?
Je suis vendéenne, je viens des Sables-d’Olonne, chez moi tout le monde fait du sport. Quand j’étais petite, mon père, mes frères et sœurs aînés faisaient tous de la planche à voile. J’ai commencé, lorsque j’avais 9 ans, par l’optimiste, un petit dériveur. Puis, à 12 ans, j’ai essayé la planche à voile avec mes frères.
Ça allait plus vite, c’était grisant. J’ai tout de suite aimé les sensations de glisse : il n’y a qu’une planche entre toi et l’eau, tu te sens portée par le vent, suspendue à la voile, t’as l’impression de gérer l’avancement mais avec des appuis fins…
Mon père me disait que j’étais trop jeune pour pratiquer ce sport exigeant, fatiguant, que j’avais le temps de m’y mettre. Mais je voyais mes frères et ma sœur partir en compétition, j’avais envie moi aussi d’en être, ça avait l’air cool !
Petit à petit, j’ai délaissé les autres sports pour faire de plus en plus de planche à voile. Au collège, on pouvait se libérer le vendredi après-midi pour aller s’entraîner. J’ai très vite débuté les compétitions départementales et régionales. Dès la première année, j’ai fait les championnats de France.
Puis, tu es entrée en Sport-études et tu as très vite gagné tes premières médailles…
Au moment du lycée, je suis partie en internat à La Baule, effectivement en Sport-études. J’y ai vécu mes premières grandes émotions. En 2007, j’ai commencé les compétitions internationales, j’ai remporté les championnats du monde des moins de 17 ans. En 2008, je me souviens avoir regardé les JO de Pékin à la télé lorsque Julien Bontemps a décroché la médaille d’argent, c’était fort. Je faisais partie du comité d’accueil à son retour en France, ce sont des moments qui resteront à jamais gravés.
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Ce n’est pas pour autant que tu rêvais de faire les JO…
Non, je ne fais pas partie des sportifs qui regardent la télé et s’imaginent aux Jeux Olympiques. Les JO, c’est la finalité car c’est le titre suprême, forcément ça fait rêver, mais cela n’a jamais été un rêve d’enfant.
Dans mon cas, c’est allé crescendo : à chaque fois que je gagnais, je voulais aller plus loin. Finalement, le titre olympique, est le résultat de cette démarche d’aller toujours au-delà de l’exploit. C’est ce qui rend l’épreuve exceptionnelle.
Tu avais visé les JO de Tokyo, finalement, tu n’es pas qualifiée. Une grosse déception ?
Lorsque j’ai su que je n’étais pas sélectionnée, oui, j’ai été très déçue. Mais, avec le recul, c’est un mal pour un bien. Car le support a changé, on passe sur foil, ce qui n’est pas évident pour ceux qui sont qualifiés et ont peu de temps pour se préparer. De mon côté, j’ai tout le temps de m’entraîner pour 2024…
Ce nouveau support, tu l’as expérimenté aux championnats d’Europe que tu as remportés le mois dernier en Suisse, juste après ta victoire aux championnats du Monde. Un beau doublé !
Surtout qu’on s’entrainait sans trop y croire, avec cette appréhension que tout soit annulé. Pourtant, ce n’était pas moins intense, le nouveau support nous motivait. J’avais tellement de choses à travailler que je n’avais pas besoin d’objectif !
Mais ce fut un soulagement d’y aller car j’avais envie de me confronter aux athlètes internationaux. J’ai finalement été surprise de gagner toutes ces courses ! Les objectifs sont donc atteints, mais les concurrents vont s’entrainer de plus en plus, le niveau de jeu va augmenter.
J’ai pris ce qu’il y avait à prendre sur cette saison, c’est cool de se dire que la saison est accomplie quoiqu’il se passe par la suite.
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Deux grosses compétitions à la suite, les Mondiaux et les Championnats d’Europe, ça a dû être très exigeant physiquement. Comment on gère la pression ?
On faisait parfois cinq courses dans la journée, c’est vrai, qu’il faut tenir ! Mais c’est après qu’on est le plus fatigué. Fatiguée par la tension, la performance, la durée de la compétition. Le foil demande une grande concentration, on peut faire une grosse chute si on fait une erreur. C’est donc très exigeant physiquement et mentalement.
J’ai maintenant besoin de récupérer. Et ça peut prendre du temps, le corps se relâche lentement. Je m’arrête donc une dizaine de jours avant de reprendre l’entraînement. Ce qui va aussi me permettre de savourer ces victoires.
Avec tous ces entraînements, on a encore du plaisir à faire de la planche à voile ?
Oui, on le retrouve même ! On est moins dans la performance, davantage dans le plaisir enfantin. Le plaisir est globalement toujours là, mais le loisir en lui-même, faire du sport avec les amis, sans objectif, profiter de la glisse sur l’eau, de façon ludique, c’est autre chose. C’est la base de ma motivation.
J’aime naviguer et c’est important de retourner aux sources : le partage avec les copains. Pas mal de mes amis se mettent au foil et c’est génial de pouvoir partager ça avec des gens qui découvrent de nouvelles sensations.
Tu as 27 ans, est-ce que, certains jours, tu aimerais en rester là, juste partager des moments ludiques avec des copains ?
Bien sûr, y a des moments de doutes, on ne sait pas pourquoi on fait tout ça, pourquoi ça nous fait vibrer. Je me pose la question parfois. Ma réponse c’est le plaisir qui est ma motivation numéro 1, puis le dépassement de soi : tout mettre en œuvre pour faire au mieux, aller aux compétitions pour gagner. Alors, je continue.
Parfois, je me réveille, j’ai pas envie d’y aller ; quand il fait froid, il m’arrive de souffrir physiquement et mentalement, mais je me booste. Il n’y a pas de flemme dans le sport de haut-niveau, ça ne nous arrive jamais de traîner le dimanche, on a des objectifs et on s’y tient !
Tu sembles ne pas avoir de limites…
On a seulement les limites qu’on se fixe, voilà pourquoi je vais de plus en plus loin : je ne m’en fixe aucune. On me dit parfois que j’ai un talent pour la planche à voile, mais le talent ça se travaille. Si tu as un don et que tu ne t’entraînes pas, ça ne fonctionne pas. Un talent, ça te permet d’aller loin, mais seulement si tu y associes le courage.
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