Florian Grill « Le challenge de la décennie, c'est de voir exploser le rugby féminin ! »

Florian Grill : « Le challenge de la décennie, c'est de voir exploser le rugby féminin ! »
Il est à l'origine d'une (r)évolution dans le rugby féminin. Engagé depuis des années pour le développement de la pratique féminine, qu'elle soit pro ou amateur, Florian Grill, président de la fédé de rugby, compte prouver que les filles en ont sous les crampons, notamment à l’occasion du Six Nations qui se joue en ce moment, mais surtout de la Coupe du Monde de rugby à XV qui aura lieu cet été en Angleterre. À ce stade, on le croit.

Par Valérie Domain

Publié le 17 avril 2025 à 18h27, mis à jour le 18 avril 2025 à 14h23

Vous avez débuté le rugby à l’âge de 11 ans, pourquoi ce sport et pas un autre ?

J’ai tourné dans différents sports avant : du judo, de l’équitation, de l’athlétisme, mais dès que j’ai essayé le rugby, ça a été comme une espèce de révélation, une évidence.

Qu’est-ce qui vous a plu dans le rugby ? Le côté collectif ?

Les copains ! À 11 ans, c’est quand même un peu ce qui compte, ce qui prime. Je l’ai pratiqué pendant douze ans au PUC, le Paris Université Club. À un moment, je me suis posé la question de postuler à sport-études. Mes parents me l’ont déconseillé. Quelque part, je ne regrette pas, je n’étais pas suffisamment bon pour jouer à très, très haut niveau. Le rugby, c’était dans un cadre loisir.

Florian Grill, au centre, n’a jamais fait défaut aux copains de rugby…©FFR

Vous avez donc choisi les études plutôt que le rugby.

Oui, c’est vrai. Quand j’ai intégré HEC, j’ai ralenti, mais je pratiquais quand-même trois fois par semaine. D’ailleurs, mes copains me disaient que j’étais complètement fou de faire du rugby en même temps que la prépa ! Mais en fait, le rugby a toujours fait partie de mon équilibre.

Il y avait des filles à l’époque qui pratiquaient le rugby à HEC ?

Non, il n’y avait pas encore d’équipe féminine à HEC. Il y avait des supportrices, mais il n’y avait pas encore d’équipe. Et je ne me souviens pas qu’il y ait eu des filles qui disaient : « Moi aussi, j’aimerais bien jouer au rugby. » En revanche, en sortant d’HEC, j’ai fait mon service militaire en coopération à New York, j’ai joué au Manhattan Rugby Club. Là, j’ai eu l’occasion d’entraîner une équipe féminine. Et j’avais trouvé ça hyper intéressant.

©HEC

À ce moment-là, vous vous dites qu’on est très en retard déjà à l’époque, par rapport aux États-Unis ?

Incroyablement en retard, oui. Mais est-ce que je me le dis à l’époque ? Non, mais je me dis que c’est formidable. Je me dis, en voyant du rugby féminin à New York, qu’il faudrait développer cette pratique. Quand je suis devenu président de l’ACBB, l’Athletic club de Boulogne-Billancourt, ça a été ma première décision : la création d’une équipe féminine qui n’existait pas au club, et qu’on a tout de suite lancée.

L’ACBB, c’était le club où jouait votre fils.

L’histoire, c’est que ma femme me dit : « Si tu ne fais rien, tu vas t’emmerder. » Et donc, elle me convainc d’emmener mon fils Quentin qui a alors 6 ans, non pas au PUC, ce qui aurait été un réflexe naturel, mais à l’ACBB parce que c’est en bordure de Seine, et qu’elle pensait que j’allais pouvoir faire de l’aviron pendant que mon fils jouait au rugby. Ce qu’il se passe c’est que, lors du premier entraînement de Quentin, il n’y a pas d’entraîneur de dispo. Les gens me disent alors : « Toi, tu as une tête de rugbyman, tu ne veux pas entraîner ? » Je n’ai jamais fait d’aviron !

©Florian Grill

Vous êtes devenu entraîneur puis dirigeant de l’école de rugby, des cadets, des juniors, des seniors, puis enfin président de ce club.

Oui et comme je vous le disais, quand je suis devenu président de club, ce devait être en 2009, ma toute première décision, ça a été de créer l’équipe féminine de rugby à XV. Ce n’est d’ailleurs pas tant le souvenir de cet entraînement que j’avais fait aux États-Unis qui m’y a conduit, mais davantage le rugby à 5, qui s’appelait à l’époque rugby à toucher (sans choc, sans plaquage, Ndlr). Il y avait pas mal de jeunes femmes qui jouaient au rugby à 5 et qui avaient envie d’essayer le jeu à plaquer. Et donc voilà, on a créé la section féminine et ça a tout de suite pris.

Est-ce que ça a transformé le club ?

Oui, parce que dès que vous féminisez l’encadrement d’un club, dès que vous féminisez la pratique, ça change l’état d’esprit d’un club. Il y avait déjà des dirigeantes, mais il y avait peu de pratiquantes.

Votre fils est comme vous, passionné de rugby, mais vous n’avez pas réussi à convaincre votre fille de s’y mettre, si ?

Ma fille s’est passionnée pour l’équitation, la passion de sa mère, donc je ne pouvais pas lutter. On peut proposer à toutes les filles de jouer au rugby, mais elles n’ont pas forcément toute envie d’y jouer.

De joueur, vous êtes passé à encadrant, c’était nouveau pour vous. Qu’est-ce qui change finalement ?

Tout, parce qu’on ne peut pas entraîner les enfants comme on joue, nous les  adultes, c’est une des difficultés des anciens rugbymen lorsqu’ils se retrouvent à encadrer dans les écoles de rugby : ne pas reproduire les modèles des adultes chez les enfants. Ce qu’on apprend à l’école de rugby, c’est un apprentissage, très progressif du contact, on est davantage dans un rugby d’évitement. Quand je suis devenu président de la Ligue Île-de-France en 2017, on a mis en œuvre de nouvelles pratiques qu’on appelle le « toucher deux secondes », qui favorise un rugby d’évitement, un rugby de passe, plutôt qu’un rugby de collision et de contact. Un ancien rugbyman qui va arriver avec ce qu’il a appris quand il est senior, ne va pas forcément appliquer les bonnes règles pour les enfants. C’est pour ça qu’on incite les éducateurs à passer les brevets fédéraux pour apprendre la pédagogie qui sied aux enfants, garçons ou filles, d’autant que c’est mixte.

©Foncia

Il y a une différence entre éduquer les enfants et les adultes au rugby, est-ce qu’il y a également une différence entre entraîner des garçons et entraîner des filles ?

L’école de rugby chez les garçons s’arrête à 14 ans et chez les filles à 15 ans. Donc, les filles jusque-là jouent avec les garçons. Et ce qui est amusant, c’est que dans ces catégories d’âge, elles sont souvent dominantes. Pas celles qui démarrent à 13 ou 14 ans, mais celles qui ont commencé tôt à l’école de rugby. Elles sont souvent dominantes vis-à-vis des garçons parce qu’en fait elles sont plus mûres qu’eux à cet âge-là. Et je trouve que c’est hyper intéressant pour les messages que ça passe. Parce que le rugby est un sport, on va le dire, qui a quand même été inventé pour des hommes blancs bien éduqués. Aujourd’hui, le rugby s’est ouvert à toutes les diversités, s’est considérablement féminisé.

Et du coup, par rapport à l’image d’Épinal – la mauvaise image d’Épinal qu’on peut avoir du rugby, je pense que ça fait beaucoup de bien aux garçons – et pour une forme d’égalité- de voir que les filles deviennent des pièces maîtresses des équipes minimes. Quand vous discutez avec les joueuses de l’équipe de France aujourd’hui, elles gardent un très bon souvenir du jeu en mixité parce que, non seulement elles étaient potentiellement dominantes car plus mûres à cet âge-là, mais probablement elles avaient des capacités techniques et physiques au-dessus de la moyenne. Et je pense que ça les a poussées.

Pour autant, toutes les filles sont-elles dominantes, ont-elles toutes envie de jouer en mixité ?

Non, on a des catégories de filles qui ont envie de jouer entre elles et c’est pour ça qu’on incite les comités départementaux ou les clubs qui en ont la capacité à développer en propre des équipes minimettes, donc les 13/14 ans, afin qu’elles ne soient pas obligées de jouer avec les garçons, que ce ne soit pas la seule option qui s’offre à elle. Mais ça suppose d’avoir l’effectif qui permet de le faire. C’est pour ça qu’il est plus facile parfois de travailler, non pas à l’échelle d’un club, mais à l’échelle d’un département.

Un autre frein existe : la réticence des parents à mettre leur fille au rugby, encore considéré comme un sport violent. Brigitte Jugla, anciennement en charge du rugby féminin à la Fédération Française de Rugby (FFR), nous disait que le problème vient surtout du fait que les gens comparent le rugby qu’ils voient à la télé à ce que fait réellement une petite fille à l’école de rugby.

C’est ça. En fait, c’est le problème majeur. Le rugby dans les écoles de rugby n’a rien à voir avec le rugby qu’on voit à la télé. Bien entendu, le risque zéro n’existe pas, mais, je considère que ma fille qui fait de l’équitation prend plus de risques que mon fils qui fait du rugby. Et c’est la réalité des chiffres.

Si je regarde le sujet des commotions, il y en a bien sûr dans le rugby comme il y en a dans le foot, comme il y en a dans le hand quand un gardien prend un ballon en pleine figure ou même à l’équitation, je le mentionnais. Mais sur les matchs de rugby élite, on peut avoir 12 à 14 commotions pour 1000 heures de jeu, alors que pour les écoles de rugby ou chez les jeunes, on en aura une seule pour 1000 heures de jeu environ.

Sinon, je n’ai jamais considéré que d’avoir le nez cassé était un problème ni pour une fille ni pour un garçon. Ça peut arriver comme ça peut ne pas arriver. Pour moi, c’est vraiment un cliché. Il suffit de regarder les joueuses de l’équipe de France, elles sont magnifiques.

©FFR

Ces stéréotypes de genre liés à l’esthétisme sont en train d’évoluer selon vous ?

Ce que je trouve formidable dans le rugby d’un point de vue de l’esthétisme, c’est que, justement, tous les physiques sont les bienvenus. Dans le rugby, on parle beaucoup de l’obésité qui a un coût de 10,7 milliards pour la collectivité. Il y a une corrélation directe entre obésité et harcèlement scolaire et parfois obésité et pauvreté chez les filles comme chez les garçons. Et parfois encore plus chez les filles, pour le coup. Et chez nous, c’est presque une qualité.

Donc, un gamin ou une gamine qui vient au rugby avec un problème de surpoids va non seulement pouvoir avoir une activité physique, mais va se sentir bien dans sa tête parce que chez nous, ce n’est pas un problème. Moi, je rêverais qu’avec les agences régionales de santé, les ARS, on nous envoie directement les filles ou les garçons en surpoids parce que, franchement, le rugby leur fait un bien fou.

Et c’est vrai qu’au rugby, on a la chance d’avoir de la place pour des grands, des gros, des maigres, des rapides, des pas rapides. Et ça, c’est une force incroyable de ce sport.

Revenons à votre entrée à la fédération de rugby en 2016. À ce moment-là, est-ce qu’il y a déjà un engagement autour des femmes dans le rugby ?

Objectivement, il n’y avait pas beaucoup de moyens pour ça. Il y a, à ce moment-là, Brigitte Jugla qui s’en occupe, une femme formidable, mais qui prêchait peut-être un peu seule pour sa chapelle. Moi, je me suis inscrit dans son sillage, on a très bien travaillé ensemble. On a mis le paquet sur le féminin avec Brigitte, donc, et aujourd’hui on poursuit ce travail avec Ariane Van Ghelue (joueuse de rugby à XV, vice-présidente de la fédé de rugby chargée du haut-niveau féminin, Ndlr) et Pascale Mercier (vice-présidente, chargée notamment des féminines, Ndlr).

©FFR

Avant que vous ne soyez président de la FFR, il n’y a pas eu de tournants majeurs, de moments où ça a commencé à bouger ?

Il y a eu un premier tournant majeur qui date de la gouvernance de Pierre Camou : l’organisation de la Coupe du Monde en 2014 à Marcoussis et sa demi-finale France-Canada au stade Jean-Bouin à Paris. Les Bleues ont perdu, mais il y avait vraiment beaucoup de monde pour assister à ce match.

Puis, sous la mandature de Bernard Laporte, il y a eu un deuxième tournant : un match France-Angleterre organisé à Grenoble en 2018 pour le tournoi des Six Nations qui avait fait stade comble avec 15 000 personnes. Tout le monde avait été bluffé. De nouveau en 2023, à Grenoble, lors d’un match France-Pays de Galles avec un record d’affluence à la clé : plus de 18 000 personnes. Un autre, sous mon mandat, l’année suivante, où on pulvérise ce record : le match du tournoi des Six Nations Angleterre-France : on remplit le stade Chaban-Dalmas de Bordeaux et on fait 3,5 millions de personnes en audience télé, ce qui est énorme. Puis, l’apothéose aux Jeux Olympiques de Paris, lors de la première journée du tournoi féminin de rugby à 7, où on bat le record du monde d’affluence dans un stade avec 67 000 personnes.

Le prochain tournant selon vous ?

Je pense que le prochain tournant – outre le Angleterre-France, le 26 avril prochain pour le tournoi des Six Nations à Twickenham dans un stade qui sera très plein – ça va être la Coupe du Monde en Angleterre cet été. Là, nous, on a trois prime time sur TF1. Les discussions qu’on a eues avec TF1, c’était clairement pour dire que ce n’est pas une Coupe du Monde féminine, c’est une Coupe du Monde. Point. Et je m’attends à des audiences considérables. Il y aura un avant et un après.

Ça devrait vous aider à atteindre votre objectif qui est de passer de 40 000 licenciées féminines à 100 000 en 2033. Vous approchez des 50 000 aujourd’hui, ça va le faire ? 

Oui, j’y crois. Aujourd’hui, on a un problème de seuil : les filles doivent en effet faire des kilomètres pour venir jouer -ce que les garçons ne font pas, parce qu’il y a un manque de densité d’équipes, les 2 000 clubs de rugby en France ne proposant pas encore du féminin. Mais, dès qu’on va passer le seuil des 100 000 licenciées, il y aura plus d’équipes sur l’ensemble du territoire et les filles auront moins de déplacements à faire. En attendant, toutes ces filles qui pratiquent le rugby sont des « warriors » !

Le rugby féminin est donc un de vos chantiers prioritaires encore aujourd’hui ? 

Oui, on monte en puissance et on a accompagné ça d’un changement sur l’Elite 1 (le championnat de France féminin de rugby à XV, Ndlr). L’Elite 1 était compliqué en termes de championnat. On a alors créé une poule unique à 10 pour lui donner beaucoup plus de visibilité et une plus grande médiatisation puisqu’on a obtenu que Canal diffuse quelques matchs qui ont fait -alors, ils sont un peu exceptionnels, mais qui ont fait plus d’audience que des matchs de Pro D2. Donc, c’est très intéressant. Dans le même temps, en lien avec la Ligue Nationale de Rugby, on a fait rentrer les féminines à l’In Extenso Supersevens, qui est le grand tournoi de rugby à 7.

©Jean-Marc Bondeur

Et vous avez créé un label club engagé.

C’est un label qui score les 2000 clubs de France sur des critères d’éducation par le sport et/ou de citoyenneté. Un des critères les plus importants pour que le club ait beaucoup de points dans le classement, c’est le féminin. Par exemple, pour être labellisé trois étoiles à l’école de rugby, il faut un minimum de féminines. Pour avoir beaucoup de points, il faut avoir une équipe cadette.

C’est comme les quotas en gros, il faut respecter des quotas pour avoir des étoiles ?

C’est ça. Ce n’est pas sous la forme de l’obligation, c’est sous la forme de la valorisation. Et vraiment, les critères féminins sont déterminants. Ça vaut pour le ratio de dirigeantes. C’est une corrélation directe entre la féminisation des encadrements, dirigeantes, arbitres et éducatrices, et la féminisation des pratiquantes. C’est directement connecté. On est très attentif à ça.

©Stade Rennais Rugby

Brigitte Jugla explique qu’il n’y a pas assez de femmes en capacité de diriger le rugby féminin, que ce sont les hommes qui s’investissent dans son développement, qu’il faut former des joueuses, des femmes dirigeantes, des femmes arbitres, des femmes entraîneurs, de façon qu’on puisse avoir un panachage homme-femme. Ça évolue ?

Ça évolue du fait de la loi déjà, parce qu’au comité directeur de la fédération, qu’on appelle maintenant le comité d’orientation politique, la mixité est obligatoire. C’est le cas aussi au bureau stratégique et à 50-50. C’est une bonne chose car, autant à un niveau local c’est compliqué de l’obtenir tout de suite par manque de ressources, autant au niveau de la fédération, c’est possible. Si on fait un effort, on trouve les candidates. On est en train de le préparer au niveau des ligues régionales et des comités départementaux en leur disant : « Allez-y, commencez à aller identifier les femmes qui accepteront de porter ces responsabilités, parce qu’on va le rendre obligatoire. » Pour moi, ça accélère la transformation, c’est extrêmement positif.

Il y a toujours peu d’arbitres femmes, quels sont les freins ?

Sincèrement, nous, il n’y en a plus. Hormis leur propre volonté de s’engager. Il y a 8 % d’arbitres femmes et 13 à 14 % de féminines à la fédération sur le total des licenciés. Il y a une corrélation ici. On commence en effet par jouer avant de penser à arbitrer, donc on doit développer la pratique. Et de façon intelligente : aujourd’hui, c’est plus facile de créer une équipe de rugby à 5 pour un club que de créer tout de suite une équipe de rugby à XV. On commence par le 5, avec plus de femmes, ce qui permet d’introduire du féminin, de développer du féminin. Il faut favoriser les pratiques à effectifs réduits, parce que du jour au lendemain, créer une équipe à XV, c’est compliqué.

Aurélie Groizeleau… ©e’rugby

La médiatisation du rugby féminin est également très importante pour attirer des licenciées. Là aussi, il y a corrélation ?

Le taux de croissance est très intéressant, oui, mais on s’est rendu compte qu’après une Coupe du Monde masculine, le taux de croissance est plus fort sur le féminin : après la dernière Coupe du Monde, on a gagné 12 % de licenciés, mais 20% chez les filles.

Ça veut dire que les filles qui veulent jouer au rugby n’ont plus besoin désormais de rôle-models féminins pour avoir envie de pratiquer ?

Je pense que c’est nécessaire de mettre en avant des rôles modèles, mais c’est vrai qu’on le fait depuis un moment. On en a des formidables. Je cite régulièrement Manae Feleu, capitaine de l’équipe de France et en cinquième année de médecine. Elle me bluffe chaque fois qu’on fait des discours post-match. Il y a d’autres filles qui sont en équipe de France, qui ont des masters, qui ont fait de sacrées études. Des exemples à suivre.

Manaé Feleu…©FFR

Entre Annick Hayraud, dans les années 80, qui a contribué à populariser le rugby féminin, et les joueuses d’aujourd’hui, qu’est-ce qui a profondément changé ?

Techniquement, le rugby féminin a énormément progressé parce que les filles se sont mises à commencer le rugby plus jeune. Je pense que de l’époque d’Annick Hayraud, c’était plutôt des joueuses qui venaient au rugby sur le tard, qui n’avaient pas forcément commencé par l’école de rugby. La maîtrise technique, et notamment le jeu au pied, qui suppose d’avoir appris tôt à manier le ballon, etc., était moins bonne. Du coup, les matchs étaient peut-être un peu moins intéressants, parce qu’il y avait trop de défaillances. Il y avait des qualités athlétiques, mais ça manquait un peu d’expertise technique.

Aujourd’hui, la technicité des filles est incroyable. C’est-à-dire qu’elles vous font des chisteras, des passes croisées, des offloads, du jeu au pied. Morgane Bourgeois a un taux de réussite qui est digne de Thomas Ramos, au pied. Le jeu au pied est bluffant aujourd’hui. Et même en puissance. Les gens qui sont plus vieux dans le rugby, ma génération, se retrouvent presque plus dans le rugby féminin parce qu’il est un peu plus aéré. Il correspond presque plus au rugby qu’on a pu pratiquer, nous.

©Annick Hayraud …©FFR

Même si techniquement, cela a évolué, même si elles ont des façons de jouer très différentes, les joueuses d’aujourd’hui sont quand même des héritières de pionnières comme Annick Hayraud donc, mais aussi Wanda Noury ou encore Viviane Bérodier, arrière du XV de France dans les années 80 ?

Oui, bien sûr, il a fallu des défricheuses. Moi, je suis l’héritier de présidents de fédération qui regardaient le rugby féminin en tordant le nez. Donc, c’est sûr que ça a sacrément bougé. Regardez, on a 13 % de filles qui jouent au rugby, mais dans les quartiers prioritaires de la ville, c’est 40 % ! Parce que dans ces quartiers, souvent, le sport roi, c’est le foot. Alors, les filles s’approprient le rugby et se construisent une identité, une indépendance et gagnent le respect grâce au rugby.

Wanda Noury

On parlait de rôles-models, mais qu’en est-il des influenceuses rugby sur les réseaux sociaux ?

Prenez Ambre Mwayembe, pilière de l’équipe de France, c’est une Instagrameuse. Elle a 21 ans, elle a une personnalité incroyable. Donc, elle est en première ligne, avec un physique de première ligne et incroyablement coquette. J’adore, ça bouscule les codes. Il y a une joueuse, j’oublie son nom, une joueuse américaine, de rugby à 7, qui a plus de followers qu’Antoine Dupont, et qui développe, grâce à ses réseaux, la pratique sur son territoire.

Moi, nos joueuses de rugby, j’ai envie qu’on les voie , qu’on les écoute, qu’elles influencent, ce ne sont pas seulement des warriors, ce sont de belles personnes. Elles ont des choses à dire, elles sont passionnantes. Elles font un bien fou à la pratique. Il n’y a pas mieux qu’elles pour communiquer auprès de leur génération, elles le font beaucoup mieux que les institutions, que la fédé.

©Florian Grill Facebook

On est en plein tournoi des Six Nations, c’est une échéance qu’il ne faut pas manquer pour que l’équipe de France féminine s’impose comme l’une des meilleures équipes de rugby aujourd’hui, quelles sont les autres ?

Ce Six Nations qu’on a très bien commencé est effectivement un tournoi phare et, franchement, ce n’est pas impossible qu’on batte le record d’affluence des JO. Ensuite, bien sûr, il y a la Coupe du Monde. Se qualifier, forcément, après les matchs de poules, ces trois matchs en prime time, afin d’avoir d’autres matchs en prime time sur TF1. Si on se qualifie derrière, ça va enchaîner. On est d’accord que plus le rugby féminin va performer, plus il va y avoir de l’appétence pour le rugby féminin, plus on va le visibiliser. En plus, là, on est sur une Coupe du Monde qui se passe en Angleterre, sur le même créneau horaire. Grâce à ces événements, on va voir exploser la pratique féminine. Ça, c’est mon challenge, le challenge de la prochaine décennie.

Pour l’instant, vous vous concentrez sur le Six Nations. Est-ce que vous allez les soutenir dans les stades ?

Non seulement, je vais les soutenir, mais c’est la première fois sur un tournoi des Six Nations qu’un président de fédération ira voir la totalité des matchs des filles. Voilà. Tout est dit.

Le 12 avril, troisième succès des tricolores en dominant le Pays de Galles dans le tournoi des Six Nations 2025.

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