Angèle Hug « Prochaine étape, les Jeux de Los Angeles, mais je vais d'abord redescendre un peu ! »

Angèle Hug : « Prochaine étape, les Jeux de Los Angeles, mais je vais d'abord redescendre un peu ! »
Elle a marqué les esprits sur la rivière olympique. En kayak-cross, aux JO de Paris 2024, Angèle Hug est allée chercher la médaille d'argent. À grands coups de pagaie, elle parvient désormais à gagner sans plus « céder au syndrome de l'imposteur ». Et rêve déjà de l'or en 2028 dans la cité des Anges !

Par Alexandre Hozé

Publié le 22 août 2024 à 11h51

Tu commences le canoë à 6 ans, est-ce que tu te souviens de ce qui t’a attiré dans cette discipline ? 

J’ai toujours un peu baigné dans le kayak, mon grand frère le pratiquait avant moi, donc j’ai voulu faire comme lui. En plus, je viens d’Ardèche, là-bas, c’est un sport très développé, notamment grâce aux belles rivières de la région. J’ai passé toutes mes vacances dans les Gorges de l’Ardèche, au bord de ces rivières, où j‘ai commencé le kayak en eaux vives, pour les sensations surtout. Au départ, c’était surtout un loisir. 

©Angèle Hug/Facebook

La compétition ne t’intéressait pas tant que ça ? 

Si, ça m’a très vite intéressée. Ma première compet‘, j’étais au collège et j’ai tout de suite été dans l’état d’esprit compétitif. Je me suis éprise de la compet‘ à ce moment-là. 

Compétitions départementales et régionales, épreuves nationales… tu finis par te faire repérer. Tu commences par aller en section sportive au lycée, puis tu quittes ta famille pour le Pôle espoir de Pau… Que représentaient pour toi ces étapes dans ta pratique du canoë ? 

Sur le moment, notamment quand je suis partie à Pau en terminale, j’avoue que c’était un peu effrayant. Mais j’ai toujours ressenti l’envie de faire du kayak en compet’, je ne pourrais même pas l’expliquer mais c’est quelque chose que je voulais. Depuis toujours, les Jeux me faisaient rêver par exemple. 

Ça marchait, je me faisais plaisir, donc je passais les échelons sans trop réfléchir. Le fait de partir jeune de chez soi n’est pas simple, mais j’ai suivi ces étapes sans vraiment m’en rendre compte, c’était la suite logique. 

©️Romain Bruneau

Comment ton entourage a-t-il vécu cette période ? 

Mes parents ont toujours été derrière moi, dans l’idée de me laisser faire ce dont j’avais envie. Ils nous ont toujours laissés beaucoup d’autonomie dans nos décisions. Je pense que c’est grâce à ça que mon frère et moi avons su faire de bons choix, et aller vers des choses qui nous plaisaient. 

Après, même s’ils ont essayé de le cacher, quand je suis partie de la maison, que ce soit pour aller à l’internat ou à Pau, ça n’a pas été simple. En plus, ils n’avaient plus d’enfants à la maison après mon départ ! 

À quel moment t’es-tu rendu compte que tu voulais faire de ce sport ta vie, ta carrière professionnelle en tout cas ? 

Les JO m’ont toujours fait rêver, donc je voulais m’accrocher pour ça. Et quand j’ai touché du bout des doigts le quotidien des pros, l’entraînement notamment, ça m’a motivée. Je me souviens que c’est grâce à mon professeur d’EPS du collège, Alexandre Pons, que je me suis rendu compte que j’adorais l’apprentissage, le progrès au fil des entraînements… Il m’a vraiment donné le goût à tout ça. 

©️Angèle Hug/Facebook

Dans les catégories jeunes, quel souvenir de compétition t’a le plus marquée ? 

Je me souviens d’une compet’, c’était la tournée Rhônes-Alpes en slalom. C’était sur trois bassins, donc ça prenait la forme d’un mini-circuit de Coupe du Monde mais au niveau national. C’est à cette occasion que j’ai rencontré pour la première fois des athlètes d’autres régions.

Une année, je me souviens avoir croisé Camille Prigent ! En plus elle venait de Bretagne, ils étaient nos grands concurrents. On était en compétition avec des gens qu’on ne connaissait pas, c’était un peu l’inconnu ! C’est là que je me suis dit que je voulais continuer dans les compet’ de ce genre, mais au plus haut-niveau, à l’international. 

©Angèle Hug/Facebook

Est-ce que tu as tout de même eu des moments de doute sur ton engagement sportif ? 

C’est arrivé une fois oui, et ce n’est pas un bon souvenir ! En kayak, il peut arriver qu’on se fasse un peu peur, notamment quand notre bateau se retourne et qu’on est sous l’eau sans vraiment s’y attendre. Quand on est assez jeune, ça peut vraiment impressionner. Et ça m’est arrivée, en plus à un moment où je ne voyais pas beaucoup mes amis parce que j’étais tous les week-ends en compétition, je me posais déjà quelques questions… 

Donc, après cette petite frayeur, j’ai dit à mes parents que je voulais arrêter le kayak. Je n’arrivais pas à dormir, et un soir à minuit, je suis allée les réveiller pour leur annoncer ça ! Ils ont été très bons, ils m’ont dit que si c’était mon choix, très bien, mais qu’il fallait que je réfléchisse tout de même. Et ils me connaissent bien, parce que le lendemain, il n’était plus question d’arrêter le kayak ! 

Pour toi, quel est ton premier résultat marquant au plus haut-niveau ? 

À une période, je m’entraînais avec Yves Narduzzi, un très bon entraîneur qui m’a beaucoup apporté en canoë slalom notamment. En 2021, lors des qualifications françaises pour les JO de Tokyo, je finis deuxième à seulement un point de Marjorie Delassus. C’est à cette occasion que j’ai fait des courses de vraiment haut-niveau, et ça a continué sur la saison, notamment en Coupe du Monde où j’ai obtenu ma première médaille lors d’une étape. 

©️Romain Bruneau

Pour ces Jeux de Tokyo, tu termines en effet 2e des qualif’, est-ce que tu étais frustrée de louper la qualification olympique pour si peu ou cela te paraissait-il logique que ce soit une athlète plus expérimentée qui obtienne son ticket pour les Jeux ? 

Personne ne m’attendait à ce niveau lors des qualifications, même pas moi ! J’étais vraiment super contente de ce que j’avais accompli. J’ai réussi à me satisfaire de ce que j’avais fait, ce qui est aussi une bonne chose je pense. L’exigence est importante, mais trop d’exigence peut tout de même portée préjudice.

J’étais forcément un peu frustrée de louper la qualif’ pour si peu, mais d’un autre côté, si une semaine auparavant on m’avait annoncé ça, j’aurais signé direct ! 

©Angèle Hug/Facebook

En 2022, tu es vice-championne du Monde en Kayak et également par équipe en Canoë, en U23. En 2023, tu es médaille d’argent à la Coupe du Monde d’Augsbourg en Canoë, catégorie sénior cette fois, et vice-championne du monde par équipe en Canoë et vice-championne du monde en Kayak Cross, en U23… Comment vis-tu cet enchaînement ? 

Le premier résultat fait un peu peur. Je me suis posé des questions, est-ce que j’allais être capable de réitérer ? Avec ces bonnes performances, j’ai aussi appris à accepter la réussite. Avant, j’avais toujours eu plus de facilités à accepter un échec qu’une réussite. J’ai donc fait ce travail aussi, de ne pas céder au syndrome de l’imposteur juste parce que je progressais grâce à mon travail.  

L’entourage est déterminant pour cet apprentissage, c’est d’ailleurs dans des moments comme celui-ci qu’on apprend à s’entourer des bonnes personnes. 

©Angèle Hug/Facebook

Après cette période, la saison olympique commence… Comment abordais-tu cette année 2024 ? Tu avais la pression ? 

J’étais plutôt à la cool au début, je n’avais pas trop de pression. En plus, au début de la saison, les courses ne comptaient pas encore pour la qualification olympique. 

Je vais tout de même chercher un podium en Coupe du Monde en slalom, mais en fin de compte, je pense que je n’étais pas encore vraiment prête à accepter une telle réussite à ce moment-là. Ça m’a plutôt mis la pression pour la suite qu’autre chose. Et sur les courses qualificatives en slalom pour les JO, je ne navigue pas à mon niveau et je ne décroche pas mon billet. 

Après avoir laissé passer ta dernière chance de qualification olympique en slalom, qu’est-ce qui t’es passé par la tête ? 

D’abord, je me suis juste dit que c’était mort. Mais en fin de compte, avec les qualifications en kayak-cross qui approchaient et l’engouement collectif de l’équipe de France, j’ai réussi à me remotiver. J’y ai cru, mais sans me prendre la tête. 

En fin de compte, ma non-qualification en slalom m’a permis de me remettre en question sur la façon d’aborder la compétition, et même l’entraînement. J’ai finalement réussi à lier qui j’étais sur mon bateau et en-dehors. 

©️Angèle Hug/Facebook

Le 9 juin, tu participes au Tournoi de Qualification Olympique (TQO) de Prague en kayak-cross. Quel est ton état d’esprit juste avant la compet‘ ? 

Justement, grâce à ma remise en question, je suis arrivée avec pour simple objectif de me faire plaisir. Ça n’a pas été simple, il y avait beaucoup de concurrence, tout le monde voulait son billet pour les JO ! Et au final, ça s’est très bien passé pour moi… 

C’est le cas de le dire, tu remportes ce TQO, validant donc ta qualification pour les Jeux de Paris 2024. Quel est ton ressenti à ce moment-là  ? 

Je prends une bonne petite pression ! Je n’avais plus qu’un mois pour me préparer. Ce qui était particulièrement difficile à aborder, c’était le public. Entre 12 et 15 000 personnes pour du kayak, on n’avait jamais vu ça, et ça me faisait peur avant d’arriver à Paris ! 

©️Romain Bruneau

Finalement, toi la spécialiste de slalom, c’est finalement en kayak-cross que tu décroches ton billet pour les JO de Paris 2024. C’est quelque chose que tu avais envisagé ? 

C’est vrai qu’à la base, c’est vraiment le slalom que je pratique. Quand j’ai découvert le kayak-cross, je ne pensais pas du tout être faite pour ça, pour des confrontations de la sorte. Mais au final, dès les premières séances, j’ai accroché instantanément et, maintenant, je prends autant de plaisir en slalom qu’en kayak-cross. 

J’ai particulièrement apprécié l’esprit de partage qu’on trouve en kayak-cross. C’est impossible de s’entraîner seul par exemple. Et finalement, j’ai aussi beaucoup aimé la confrontation, la castagne ! 

Quand tu arrives finalement à Paris pour les JO, tu veux toujours prendre du plaisir ou est-ce que tu sens qu’il y a quelque chose à faire ? 

Je sens qu’il y a moyen de faire quelque chose, oui, surtout après ma cinquième place aux Mondiaux de kayak-cross à Londres qui avaient lieu juste avant les Jeux de Paris. Mais le premier objectif reste, tout de même, de kiffer l’événement. 

Quand tu es au départ de ta première course et que 15 000 personnes t’encouragent, qu’est-ce que tu te dis ? 

J’avais trop hâte de voir ce que ça faisait, et justement, le fait de ne pas avoir peur m’a permis de bien accepter toute cette énergie du public, et de m’en servir. J’ai vraiment trouvé de la force dans ça, au point où ça en devient même addictif ! J’avais trop hâte de revenir au départ pour mes courses suivantes pour entendre mon nom crié par tout le public. Franchement, meilleur souvenir de ma vie ! 

©️Angèle Hug/Facebook

Après ta qualification en finale , la pression monte. Tu veux aller chercher une médaille, ça se passe comment dans ta tête ? 

Entre la demi et la finale, il n’y avait que 30 minutes. Et on est quatre pour trois médailles. Forcément j’avais la pression, tout le monde était en tribunes, aussi les gens de la fédération… Ce temps avant la finale, un moment je me disais qu’il fallait que j’aille vraiment chercher le podium, et juste après je me disais qu’il fallait juste que je me concentre sur ce que je savais faire. Et, au départ, je suis plutôt concentrée sur ça…

Malgré tout, alors que d’habitude le départ est un de mes points forts, je me loupe. J’ai tout de même réussi à rester focus, à prendre du plaisir en naviguant, et finalement, j’ai pu lever les bras pour la médaille d’argent. C’était trop cool ! 

Quand tu franchis la ligne d’arrivée à la seconde place, qu’est-ce que tu ressens ? 

C’est un truc de fou ! Surtout qu’en loupant mon départ, je suis dernière au début mais je trouve les ressources pour remonter… C’est juste énorme ! Surtout avec le public qui célèbre… C’est unique. 

Angèle Hug s’est battue jusqu’au bout pour décrocher sa médaille d’argent olympique.

Tu montes sur le podium rapidement après la course, quel souvenir de ce moment-là ? 

Je suis sur Saturne ! Je n’ai absolument pas les pieds sur terre, j’ai juste profité. Mais aussi, à ce moment-là, je me rends compte que je suis deuxième, et qu’une fille a fait mieux que moi. Sur le coup, je me dis que, peut-être, j’aurais pu avoir l’or… Alors qu’avec un peu plus de recul, j’ai donné absolument tout ! Mais c’est vrai qu’en étant deuxième, il y a un peu de frustration sur le podium…

©Angèle Hug/Facebook

Et l’après-podium, comment ça s’est passé ? Tu as eu le temps de redescendre un peu de ton nuage ? 

Non ! Les 24 heures qui suivent, on n’a plus de vie ! On est sur des plateaux TV, on enchaîne les interviews… La nuit après ma médaille, je n’ai dormi qu’une heure, sans même faire la fête ! L’après-course est très fatigant aussi ! Il faut du temps pour réaliser. Quand je vais retrouver mes proches, que je serai au calme, ça m’aidera sûrement à me rendre compte. 

Quelle est la suite pour toi, une fois les vacances post-JO passées ? 

Il y a deux Coupes du Monde en septembre, assez rapidement mine de rien. Une en slalom, et l’autre en kayak-cross. Les deux disciplines sont très complémentaires, j’aime autant les deux donc je n’en lâche aucune. J’espère aussi me qualifier dans les deux pour les JO de Los Angeles dans quatre ans. 

Mais avant tout ça, je vais déjà redescendre un peu ! 

Ouverture ©️Romain Bruneau

Vous aimerez aussi…

Melina Robert Michon Mélina Robert-Michon, la lanceuse de disque qui connaît la chanson

Mélina Robert-Michon, la lanceuse de disque qui connaît la chanson

Elle a été de toutes les campagnes olympiques depuis les Jeux du millénaire à Sydney, en 2000. Mélina Robert-Michon, médaillée d’argent au disque aux Jeux Olympiques de Rio, participe, à 42 ans, aux sixièmes JO de sa carrière et avait pour seule et unique ambition de décrocher le Graal à Tokyo. Elle a échoué, mais nous donne rendez-vous à Paris 2024. Retour sur le parcours d’une athlète inoxydable.

Lire plus »
Julie Pujols-Benoit

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Le lancement de la collection d’ouvrages ÀBLOCK! (où l’on commence par Julie Pujols-Benoit sur notre photo), du tennis en plein Open de Melbourne, une femme de rugby engagée, des pionnières sur neige et glace, un témoignage qui nous dévore et un retour de flamme, l’histoire du golf féminin… Récap’ d’une semaine musclée.

Lire plus »
Sarah Hauser

Sarah Hauser : « Le windsurf, c’est un mélange de peur, de chaos mais aussi de beauté. »

Ce petit bout de femme n’a pas froid aux yeux, même au creux de la vague. La windsurfeuse Sarah Hauser vient de faire une entrée fracassante dans le Guinness Book des Records après avoir dompté une vague de presque 11 mètres, la plus grosse jamais prise par une femme. Une étape plus qu’un aboutissement dans le parcours singulier de cette Néo-Calédonienne dont l’ambition est d’inspirer les filles qui n’osent pas se mouiller.

Lire plus »
Un Bunny Up ? Cékoiça ?

Un Bunny Up ? Cékoiça ?

Le bunny up ou bunny hop, que l’on peut traduire par saut de lapin en français, est l’une des techniques phares de l’univers du VTT. Mais qu’est-ce que c’est ? Et en quoi ça consiste ? Les coachs ont leur langage, selon les disciplines qui, elles aussi, sont régies par des codes. Suite de notre petit lexique pratique, le dico « Coach Vocab ».

Lire plus »
Kids

À la puberté, faut limiter le sport oui ou non ?

Le sport, quand on est parents d’un ado, c’est un peu « Je t’aime, moi non plus ». Qu’il pratique une activité sportive, évidemment… mais pas trop quand même. « Pense aussi à l’école » ! Et puis, il paraît que le sport et la puberté ne font pas bon ménage. Il paraît…

Lire plus »
sport feminin

Le sport féminin ? En pleine lucarne !

L’été dernier, les records d’audience de la Coupe du monde féminine de foot et quelques mois plus tôt du Championnat d’Europe de handball féminin à la télévision ont prouvé que le public se passionnait de plus en plus pour les compétitions féminines. Et les dernières études ne font que réaffirmer cette réelle tendance. Pour autant, les jeux ne sont pas faits. Décryptage.

Lire plus »
Élodie Clouvel : « Avant les Jeux de Paris, j’étais en train de mourir et puis je me suis choisie, ce fut une renaissance »

Élodie Clouvel : « Avant les Jeux de Paris, j’étais en train de mourir et puis j’ai vécu une renaissance. »

Elle a connu l’enfer avant de renaître de ses cendres. Élodie Clouvel, vice-championne olympique de pentathlon à Paris, a décidé, onze mois avant les JO, d’écouter son instinct pour être, enfin, seule maîtresse à bord de sa carrière. Un choix osé, courageux et payant sur le plan sportif et personnel. Rencontre avec un Phoenix qui lorgne désormais sur Los Angeles 2028.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner