Louison Cazaly « C'est grâce à mes profs de sport si je suis championne de pentathlon aujourd'hui. »
Ça n'a pas été Paris, ce sera L.A ! Elle fait partie de cette nouvelle génération qui devrait représenter la France aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028. Louison Cazaly, 21 ans, a longtemps rêvé d’évoluer au plus haut niveau en équitation avant de se tourner vers le triathlon, puis le pentathlon. Rencontre avec une jeune athlète qui a la compétition dans la peau.
Par Sophie Danger
Publié le 13 septembre 2024 à 12h43
Quel rapport entretiens-tu avec le sport ? Est-ce que c’est une activité que tu as partagée très jeune en famille?
Je suis née dans une famille pratiquant le sport, mais pour le plaisir : mon père fait du tennis, il est aussi fan de ski et ma mère pratique la course à pied, elle a notamment fait du 400 mètres lorsqu’elle était plus jeune. Mon grand-père paternel était également super sportif. J‘ai passé beaucoup de temps avec lui et, durant les vacances, les activités étaient souvent tournées vers le sport.
Quelle a été ta première activité sportive ?
Petite, j’aimais beaucoup les animaux et j’ai commencé par l’équitation. J’avais 4 ans. Je montais à cheval dans un petit centre équestre à Morestel, en Isère,où j’ai vécu trois ans. À l’époque, on habitait dans un petit hameau et notre voisine avait un élevage de chevaux. Je la regardais avec des yeux admiratifs.
Un jour, il faisait chaud,elle aamené ses chevaux à la rivièreet m’a dit de venir avec elle. Elle m’a mise à cru sur un cheval et tout est parti de là. À partir de ce moment, dès que je revenais de l’école, j’allais chez elle et elle m’emmenait faire des balades dans la forêt.
Par la suite, nous avons déménagé et nous sommes revenus à Noisy-le-Grand, pas loin de Paris. J‘ai continué l’équitation et j’ai également fait un peu d’athlétisme mais sans plus : j’avais debonnes qualités sans trop m’entraîner, ce qui m’avait permis de gagner le cross des écoles.
Après cela, j’ai été orientée dans la classe sportive du collège en 6e et ce, sans en avoir fait la demande. Je me suis retrouvée à prendre part aux cross UNSS et j’ai été repérée par les profs de la section triathlon. Ils m’ont proposé de faire le cross départemental, j’ai un peu trainé des pieds mais, finalement, j’y suis allée et j’aifait une bonne performance.
Après ça, il y a eu le cross académique avec, de nouveau, unemédaille et, à partir de ce moment-là, ils ont commencé à insister pour que je fasse du triathlon avec eux sauf que moi,j’avais peur du vélo et je ne nageais pas très bien.
Oui.Ils n’arrêtaient pas de me le demander, ils avaient également appelé mes parents pourdire qu’il fallait que je rentre dans la section triathlon. J‘ai fini par les suivre. J’étais en 6e et ce sont eux, ces professeurs, qui m’ont lancée.
Si je n’avais pas croisé leur route, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui. Ils m’ont appris à nager alors que je n’aimais pas ça, ils m’ont appris à faire du vélo alors que je n’aimais pas ça et grâce à eux, je suis devenue plutôt bonne en triathlon.
Par la suite, ce sont eux, une fois encore, qui m’ont parlé du pentathlon. Moi, je rêvais de haut niveau à cheval à cette époque. Je continuais à monter mais je n’avais pas les moyens financiers d’atteindre mes objectifs.
Quand on m’a dit qu’à travers le pentathlon, je pouvais espérer atteindre le haut niveau en continuant, qui plus est, à pratiquer l’équitation, je me suis dit : pourquoi pas !
Comment t’es venue cette idée de pratiquer à haut niveau ?
Je pense que cette envie m’est vraiment venue de mes professeurs. Ce sont eux qui m’ont donné cette appétence pour la compétition. À cette époque, j’évoluais en UNSS, à savoir en sport scolaire, mais chaque fois qu’on partait sur une compétition, ils nous faisaient croire qu’on disputait LErendez-vous de l’année et qu’il fallait qu’on soit présent, qu’on s’arrache pour ramener la médaille au collège sinon, c’était la honte. Ils nous remontaient toujours à bloc et ils me donnaient envie de me transcender rien que pour entendre leur discours.
J’ai très vite adoré la compétition. Quand je n’obtenais pas les résultats que je voulais, ça me frustrait, je voulais gagner. Au fur et à mesure des années, j’ai eu la sensation que je pouvais aller encore plus loin mais que, pour ça, il fallait que je m’entraîne plus.
Tu vas donc prendre la direction de Bordeaux et du CREPS (Centre de Ressources d’Expertise et de Performance Sportive), une démarche que tu vas initier toi-même.
Oui. Je me suis renseignée une première fois lorsque j’étais au collège et ce qui a retenu mon attention, c’est qu’il y avait de la natation cinq fois par semaine ! Là, je me suis dit que je ne pouvais pas faire ça et j’ai abandonné l’idée. J’ai terminé mon collège à Noisy, j’ai fait un an de lycée et, durant mon année de seconde, j’ai pris contact avec Didier Boube qui dirigeait le pôle relève de triathlon au CREPS de Bordeaux.
Normalement, en qualitédesélectionneur national, c’est lui qui repère et qui appelle, mais là, c’était la première fois que quelqu’un prenait les devants pour intégrer le pôle.
Il m’a répondu qu’au CREPS, on pratiquait du sport à haut niveau mais il m’a néanmoins demandé de lui envoyer mes résultats par mail. Un mois plus tard, il me rappelait pour que je vienne faire des tests. Je suis allée à Bordeaux, ça s’est bien passé et, en septembre 2019, je me suis retrouvée en pentathlon au pôle.
Qu’est-ce qui te motivait le plus, l’idée de multiplier les compétitions ou tu ambitionnais déjà une carrière à long terme en pentathlon ?
J’étais surtout motivée par l’amour de la compétition. Pendant longtemps, j’ai traîné un peu des pieds pour aller à l’entraînement mais, malheureusement, pour être forte en compétition, il fallait en passer par là.
Le CREPS, c’est pourtant très exigeant en termes de préparation…
Je pense que je dois avoir un côté maboule. Avant de faire ma rentrée, Didier m’avait demandé de venir une semaine en juin pour apprendre à tirer. Je me suis retrouvée dans la piscine à nager tous les jours avec lui qui me disait : « Non, ça, ça ne va pas ! ». Je galérais en me demandant pourquoi je m’infligeais ça mais j’ai tenu et, pire encore, par la suite, j’ai presque réussi à faire de la natation un de mes points forts !
Comment ont réagi tes parents lorsque tu leur as fait part de ton intention de partir à Bordeaux alors que tu étais encore toute jeune ?
Mon père m’a suivie direct.Ma mère, elle, m’a posé pas mal de questions mais sans me freiner pour autant. Ma mère est quelqu’un qui n’a pas peur du changement et qui nous encourage toujours à voir des choses différentes.
Avec le recul, je pense que mes parents se sont dit que ce serait peut-être dur pour eux de me voir partir mais que c’était une opportunité pour moi. Ils ne m’ont pas trop montré que mon départ leur avait parfois coûté, c’est mon frère qui m’a dit plus tard que ma mère était un peu dégoutée que je parte.
Comment se sont passés tes premiers pas à Bordeaux ? Tu changes de discipline, de cadre de vie, de manière de t’entraîner…
Lorsque je suis arrivée, j’ai appris et l’escrime et le tir, tout en sachant que la natation était toujours un gros point faibleet qu’il fallait aussi que je le travaille. C’est ça qui était le plus horrible pour moi, la natation. J’arrivais toujours après les autres et Didier me disait de tourner autour du bassin pour rattraper mon retard, ce qui jouait sur mon temps de récupération.
Pour autant, mes premières compétitions m’ont permis de progresser très vite dans ce domaine. Je me souviens d’avoir fait un chrono pas mal lors d’une sortie, ce qui avait fait dire à Didier : « Je ne comprends pas, à l’entraînement, tu n’avances pas, comment tu as pu faire ce temps ? ».
L’escrime, c‘est le sport pour lequel j’ai mis le plus de temps à bien comprendre ce que je faisais et à avoir confiance en ce que je faisais.
Quel bilan tires-tu de cette première année ?
Le seul point négatif de cette première année, c’est que je me suis blessée et puis après, il y a eu le Covid et on est tous rentrés chez nous. L’année suivante, Didier est parti à la retraite et c’est Xavier Cugat qui a pris le relais. Didier m’a apporté beaucoup de choses mais Xav, c’était complètement différent. Il était très jeune, il rêvait depuis longtemps de reprendre le pôle.
En tout, nous étions six ce qui fait qu’il pouvait vraiment travailler avec nous de manière individuelle. On a toutes énormément progressé lors de son arrivée, c’est également cette année-là où je décroche ma première sélection en équipe de France.
On est en 2021, tu as 18 ans et tu vas commencer à écrire ton palmarès : tu ramènes 3 médailles des Europe U19 et, la même année, tu termines 4e en individuel des Monde U19, 3e meilleure perf européenne à la clef. Pour quelqu’un qui ne savait pas nager, pas tirer et qui a découvert l’escrime peu de temps avant, c’est une jolie performance !
Oui, c’est pas mal ! Ces compétitions, je m’en souviendrai toute ma vie. Ce sont mes premières sélections en équipe de France, mes premiers paquetages, les premières fois où mon nom de famille est écrit sur mon maillot au-dessus du « FRA » pour France.
Quand on arrivait en compétition, je ne comprenais même pas comment les autres faisaient pour échanger leurs débardeurs avec d’autres athlètes, moi j’y étais trop attachée et jamais de la vie je ne les aurais donnés !
Comment tu as abordé ces deux premiers gros rendez-vous ?
LesEurope, c’est la compétition où j’ai le moins stressé. J’avais tellement envie d’y aller que, quand j’ai reçu le papier qui validait ma sélection, je me suis dit que je n’avais rien à perdre, que c’était du bonus et j’ai tout lâché. C’était une semaine totalement folle.
Lorsque j’ai décroché ma première médaille en relais, Xav m’avait dit qu’il savait que j’avais un truc mais qu’il ne pensait pas que je pourrais prétendre à une récompense si tôt. Quand j’ai gagné une médaille en individuel, je l’ai vu pleurer. C’est aussi à cette occasion que j’ai donné ma première interview en anglais. J’avais essayé d’esquiver mais je n’ai pas réussiet comme je ne parlais pas bien à l’époque, j’ai bien galéré !
Tout cela m’a confortée dans le fait que j’étais sur la bonne voie parce que ça me procurait plein de sensations, du bonheur et j’ai vraiment compris pourquoi je m’entraînais.
2021 c’est aussi l’année du coup dur, tu te blesses au pied, un œdème osseux, tu vas te faire opérer en février 2022 et tu ne pourras reprendre un rythme de travail normal qu’en août. Comment as-tu vécu cet épisode ?
Ça n’a pas été évident d’autant que j’ai fait un burn-out juste avant.
Un burn–out ?
Oui,comme le Covid a tout décalé, cette année-là, on a fait le tour du cadran c’est-à-dire qu’on a commencé la saison en septembre et on a tenu jusqu’aux Monde qui étaient programmés au mois de septembre suivant. Je sais que je n’ai pas assez coupé durant l’été, une semaine seulement.
En octobre, je me blesse une première fois avant les France mais j’y vais quand même en serrant les dents. Jefais le combiné strappée, je suis sacrée championne de France mais, deux jours après, à la reprise de l’entraînement, on fait une grosse séance de natation et il se passe un truc étrange : dès que je me fais du mal, dans ma tête, ça ne répondplus. Pire, je ne me sens pas bien à l’idée de me faire du mal.
Malgré tout, j’ai encore poussé en vue des France juniors qui avaient lieu en décembre mais, entre-temps, j’ai vu une psychologue au Creps.Elle m’a autorisée à y aller à condition, qu’après, je coupe et je rentre un mois chez moi sans faire de pentathlon.
Ton œdème osseux est venu complexifier un peu plus encore ta situation…
Oui, à ce moment-là, il y a eu cette fameuse blessure en plus. Je devais me faireopérerdébut février sauf que le Covid m’est tombé dessus et il a fallu décaler. Après ça, j’ai eu le pied dans le plâtre, ce qui a rendu l’entraînement difficile.
Mon retour a pris beaucoup de temps et je suis passée par quelques expériences assez moyennes : j’ai été sélectionnée pour un relais mixte en junior au championnat d’Europe, ce quin‘était pas une bonne idée. Je n’étais pas bien au niveau de la forme, je n’avais couru qu’une fois avant de partir et j’ai plombé le relais. Je ne suis pas qualifiée pour la finale des Monde non plus.
Finalement, ce n’est qu’en février 2023, lors d’une compétition à Perpignan, que j’ai eu un déclic, mais il m’a fallu, pour cela, faire un super combiné avec, à l’arrivée, un meilleur chrono qu’avant mon opération.
Quelques mois plus tard, en septembre 2023, tu poursuis ton parcours à l’INSEP…
Quand je suis partie de chez moi pour rejoindre le CREPS, je n‘ai pas ressenti de manque, mais quand je suis venue à l’INSEPpar contre, Bordeaux me manquait. Tu quittes des gens avec qui tu as vécu des supers trucs, je lâchais Xav aussi. Je savais que c’était la bonne décision mais il faut oser quand même se dire que tout fonctionnait bien, mais que je partais quand même.
Au début, c’était un peu compliqué parce que, comme nous n’étions pas nombreuses au CREPS, Xav fonctionnait beaucoup de manière individuelle, ce qui n’est pas possible à l’INSEP. Là-bas, je n’étais pas la priorité, il fallait que je serreles dents et que jesuive le rythme, maisj’ai fini par m’adapter.
C’est important lorsque tu rentres à l’INSEP et que tu côtoies un groupe avec des gens très performants et qui ontde gros palmarès d’arriver avec quelques bagages, notamment dans la tête, sinon c’est trop dur. Tu ne rentres pas à l’INSEP juste pour dire que c’est stylé, il faut vraiment être sûr que tu veux que ta vie tourne autour du pentathlon.
C’est à partir de ce moment-là que tu as commencé à formuler des ambitions sportives très élevées, notamment celle de prendre part aux Jeux Olympiques ?
Les Jeux Olympiques me faisaient rêver et pourtant,équitation mise à part, je ne regardais pas trop le sport à la télé quand j’étais petite. En entrant à l’INSEP, je me suis dit qu’il restait un an avant Paris alors, pourquoi pas, on ne sait jamais ! Ceci étant, en année olympique, l’encadrement doit faire des choix et j’ai vite compris que je n’aurais pas de compet’ en sénior. Le souci c’est que, pour savoir si tu es capable de tenir la baraque en sénior, il faut pouvoir participer à ce genre de rendez-vous.
Est-ce que toi qui a souvent avancé très – trop – vite, ce n’est finalement pas un mal pour un bien. Paris aurait peut-être été prématuré ?
On peut le voir comme ça et c’est aussi pour ça que je l’accepte. De toute façon, ça ne dépend pas de moi, je verrai bien comment va se dérouler la suite. L‘année prochaine, je sais que je suis susceptible d’avoir plus de compétitions, il y a également des filles qui ont participé aux Jeux de Paris, qui vont certainement arrêter, et je sais que je fais partie de la génération sur qui on misepour L.A. 2028.
Et comment tu envisages cette olympiade qui se prépare ?
J‘ai hâte de voir ce que ça va donner,comment ça va être organisé. On verra bien, en tout cas j’en ai envie donc, tant que l’envie est là, le travail sera là et il n’y a pas de raison que ça ne fonctionne pas.
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