Annick Hayraud « Le rugby m’a ouvert l’esprit, il m’a construite. »

Annick Hayraud : « Le rugby m’a ouvert l’esprit, il m’a construite. »
Elle fait partie de ces défricheuses qui ont contribué à populariser le rugby féminin. Annick Hayraud, multi-titrée en club et avec l’équipe de France de rugby à XV, n’a jamais cessé de militer. Manager général des Bleues depuis 2016, son mandat s’achève à la fin de l’année et elle espère, à l’avenir, plus de moyens pour développer et pérenniser la pratique. Rencontre éclairante.

Par Sophie Danger

Publié le 06 septembre 2022 à 18h30, mis à jour le 13 avril 2023 à 16h26

Deux sports ont marqué vos jeunes années, le rugby et le football. Vous avez commencé à jouer à la fin des années 70, début des années 80, époque durant laquelle il était peu courant, pour une jeune fille, de s’inviter sur ces terrains. Qu’est-ce qui vous y a menée ? 

J’habitais un village dans lequel il n’y avait pas de sport jusqu’à ce qu’une école de rugby y soit créée. Moi, j’étais toujours avec mes copains et, naturellement, je suis allée jouer avec eux. Ça c’est fait comme ça.

J’ai fait l’école de rugby jusqu’à ce que ça s’arrête et, par la suite, j’ai découvert le football. Au début, c’était compliqué parce que mon père n’était pas d’accord, mais j’y suis allée quand même jusqu’au jour où il s’est rendu compte que, deux fois par semaine, je n’étais pas là.

Le rugby est revenu lorsque je suis allée au collège : la ville dans laquelle il se trouvait a monté une équipe. J’ai fait un match amical contre Romagnat et Romagnat m’a recrutée.

Pendant des années, j’ai fait les deux et il est arrivé un moment où il est devenu compliqué de continuer, alors je me suis consacrée au rugby.     

©Annick Hayraud /Facebook

Votre père semblait plus réticent à ce que vous pratiquiez le football que le rugby… 

C’est surtout que le club de rugby était au village, le club de football non. Moi, j’ai perdu mon père, jeune. Par la suite, ma mère m’a laissée faire et j’ai fait mon petit bout de chemin. 

Comment se passait la pratique de manière concrète ? Trouver un club était difficile, intégrer une équipe féminine rarement possible…  

Même encore maintenant ! Moi, ça faisait loin. Pour rejoindre Romagnat, il fallait que je fasse entre quarante et cinquante kilomètres et ce sont les joueuses qui venaient me chercher. C’était le système D, ça marchait comme ça.

Aujourd’hui encore, il y a plein de filles qui font trois-quart d’heure de route pour jouer au rugby, c’est le cas de Jessy Trémoulière par exemple. Pour venir jouer à Romagnat, elle a pratiquement une heure de route.   

Annick Hayraud avec l’arrière tricolore, Jessy Trémoulière

C’est un sacerdoce de faire du sport d’équipe lorsque l’on est une fille ! 

Oui, il faut en vouloir !  

Outre le manque de structures, il y avait également les a priori à supporter. Vous expliquiez que jouer au rugby, pour une femme, était suspect. On ne pouvait pas être une « vraie femme » en pratiquant un sport considéré comme masculin. Ces clichés n’ont jamais été un frein à votre pratique ?  

Non. J’avais beaucoup de mal à comprendre que l’on puisse dire : « Ça, c’est bien » ou, « Ça, ce n’est pas bien ». Moi, je ne me posais pas la question : si quelqu’un se faisait plaisir dans un sport, que ce soit un garçon ou une fille, je ne voyais pas où était le problème.

Dans mon village, en ce qui concerne ma génération, il y avait plus de garçons que de filles. De fait, je traînais beaucoup plus avec les garçons et ça n’avait jamais été un soucis, je ne comprenais pas pourquoi il en serait autrement si je jouais au rugby, en aucun cas on allait prendre quelque chose aux garçons.  

C’était la même chose concernant le football ?  

Oui, bien sûr, même si je pense que ça passait un petit mieux car il n’y avait pas de contact. Je pense que, pour certains, c’était plus facile à accepter 

À 16 ans, vous allez être contrainte de faire un choix. Entre rugby et foot, votre cœur ne balance plus et vous optez pour le rugby. Par quoi était motivé votre choix ?

J’ai choisi le rugby parce que je m’éclatais dix fois plus et qu’il y avait une ambiance.

Au foot, il n’y avait pas d’échanges avec l’autre équipe. C’est quelque chose qui m’avait refroidie, j’avais trouvé ça fade.

Et puis, au football, avec Riom, nous les filles, nous nous étions maintenues sur le terrain mais pas le club parce que les garçons, eux, étaient descendus. Les responsables avaient alors décidé de nous dégager pour leur donner plus de moyens. Mon choix était très facile à faire. 

Parallèlement à votre parcours en club avec Romagnat, vous allez également être amenée à porter les couleurs de l’équipe de France. La création de cette équipe date de 1982, vous aviez alors 15 ans. Est-ce que ça a été un événement important dans votre parcours, est-ce que ça vous a ouvert des horizons qui n’existaient, jusqu’alors, pas ?  

Je ne sais pas si je le voyais comme ça à cette époque car le rugby féminin n’était pas connu, c’était plutôt une pratique confidentielle.

Quand je suis arrivée en club, on m’a mise à l’aile comme toutes les jeunes. Moi, j’étais une gamine, je voulais toucher du ballon, je ne pensais qu’à jouer et je me suis dit que ça n’allait pas être simple et qu’il allait falloir que je patiente un peu.

Et puis, petit à petit, j’ai vu que je ne me débrouillais pas trop mal. Quand j’ai appris qu’il y avait une équipe de France, que l’on pouvait jouer à un niveau plus élevé, j’ai eu envie de me battre pour en faire partie.    

Votre première sélection remonte à 1986, elle représentait quoi, pour vous, cette invitation à jouer en bleu ?  

C’était comme si j’étais dans la meilleure équipe possible, c’était génial. Même si tout cela était confidentiel, que l’on ne parlait pas de nous, c’était extraordinaire pour moi de jouer avec l’équipe de France, de mettre un maillot bleu-blanc-rouge, d’évoluer avec les meilleures joueuses de France.

Il n’y avait que quelques mini stages à l’époque, mais c’était fabuleux. Se retrouver, c’était ce que l’on aimait le plus.  

Vous vous souvenez de votre premier match ?  

Oui, c’était face aux Pays-Bas et j’avais été nulle, peut-être à cause du stress. J’avais même raté un coup d’envoi, c’est pour dire !

Heureusement qu’il y avait à mes côtés des filles extraordinaires qui m’avaient dit que ce n’était pas grave, qu’il ne fallait pas que je m’inquiète parce que, moi, j’étais au fond de la gamelle.  

L’équipe de France des années 80 n’a rien à voir avec ce qu’elle est aujourd’hui : il n’y avait aucune facilité pour les joueuses, vous deviez payer vous-mêmes votre survêtement, l’équipement, les déplacements se faisaient en auberges de jeunesse, il n’y avait pas de défraiement, encore moins de primes…  

C’est ça. J’avais une R19 et comme on était plusieurs dans le club à être sélectionnées, on montait dans ma voiture et on allait à Paris.

Là-bas, on dormait chez Wanda (Wanda Noury, Ndlr) et, après, on prenait l’avion ou le bus pour se déplacer. Il fallait s’accrocher, mais on était hyper motivées, c’était notre kiff.

Mais, c’est comme tout : au début, il faut se frayer un chemin, bousculer les coutumes, se battre contre des a priori, contre des structures c’est le rôle des femmes dans la vie de tous les jours.

Encore maintenant, il y a encore plein de domaines dans lesquels on doit se battre et dès que quelque chose est remis en cause, ça concerne toujours la cause des femmes.

Il ne faut surtout pas baisser les bras, être vigilantes. Aujourd’hui, on dit que l’équipe de France de rugby, c’est bien, mais je pense qu’on peut aller encore beaucoup plus loin.   

Quel souvenir vous a le plus marquée en ce qui concerne ces débuts pas toujours faciles ? 

C’est lorsqu’un jour, nous avons reçu des survêtements qu’on aurait pu penser arriver de nulle part. C’était immettable et pourtant, on n’était pas difficiles.

Maintenant, il y a des coupes femmes mais, à l’époque, on demandait juste à avoir un survêtement dans lequel on pourrait être bien !   

La professionnalisation du rugby n’était pas encore à l’ordre du jour. Vous deviez, en parallèle, jongler entre votre vie professionnelle – vous étiez animatrice socio-culturelle à Riom – et votre parcours sur les terrains. Vouloir jouer au rugby, c’était finalement se résoudre à une vie de sacrifices  

Ça n’était que ça. Cela fait trois ans maintenant que je suis salariée à la Fédération et, même si ça se termine à la fin de l’année, j’aurais gagné ma vie avec le rugby pendant ces trois ans.

Autrement, le rugby m’a toujours coûté de l’argent parce que, quand je travaillais, je prenais tous mes congés pour pouvoir partir en rassemblement équipe de France.

En ce qui me concerne, j’avais malgré tout de la chance : l’association pour laquelle je travaillais était en lien avec la mairie et les responsables ont joué le jeu, j’arrivais à me libérer.

J’avais des copines qui bossaient dans des usines, par exemple, et ça passait une fois, deux fois mais la troisième ce n’était plus possible. Il y a des filles qui n’ont pas eu de sélection à cause de ça.   

Le rugby a quoi de si particulier que vous acceptiez tout cela ?  

Parce que je me suis construite à travers toutes les rencontres fabuleuses que j’ai pu faire tout au long de ma carrière. C’est tout cela qui m’a construite, qui m’a ouvert l’esprit et c’est juste énorme.

Moi, je venais d’un tout petit village, mes parents étaient ouvriers, on n’était jamais partis en vacances et grâce au rugby, j’ai pu voyager, voir d’autres horizons, avoir une autre ouverture d’esprit et je ne sais pas si je l’aurais eue si je n’avais pas pratiqué.    

Vous avez joué à une période où les rugbywomen étaient des défricheuses. Une période difficile mais marquée néanmoins par de grandes victoires comme la création d’un Championnat d’Europe en 1988, d’une Coupe du monde en 1991, l’intégration de la France aux VI Nations en 99. Vous avez participé à tous ces évènements, lequel vous a le plus marqué ? 

La plus belle victoire, ça a été lorsque Marie-George Buffet a reconnu le rugby féminin comme un sport de haut niveau. Ça, ça a été quelque chose de très important, ça ouvrait des portes et ça a été une belle reconnaissance pour les filles.

Ces dernières années, je crois que la grande évolution ce sont les contrats pros et c’est vraiment un grand pas. Tout a commencé lorsque le rugby à 7 a été aux Jeux Olympiques.

Quelques moyens ont été dégagés, les filles du 7 sont passées sous contrat et on s’est vite rendu compte que, dès l’instant où l’on mettait des joueuses sous contrat, ça bossait, ça progressait très vite et c’était hyper intéressant.

Quelques temps après, il y a eu des contrats pour les filles du XV. Avant, on faisait avec les moyens du bord mais, même avec toute la volonté du monde, que ce soit de la part de lencadrement, des clubs, des joueuses, les journées restent des journées.

Il arrive alors un moment où l’on se dit que l’on ne va jamais pouvoir rivaliser avec les autres nations. À présent, et même si on a pris du retard sur certains pays, ces contrats nous permettent d’avoir des joueuses de très haut niveau.     

Au total, vous allez être sélectionnée soixante-treize fois en équipe de France entre 1986 et 2002 – vous allez même devenir capitaine des Bleues entre 1996 et 1998 – et vous allez façonner le palmarès de cette jeune équipe en rapportant trois titres européens (1996, 1999, 2000), trois bronze mondiaux (1991, 1994, 2002), un VI Nations avec Grand Chelem à la clef en 2002. On ajoute à cela deux titres de championne de France avec Romagnat en 1994 et en 1995. Ce parcours de joueuse, vous auriez pu ne serait-ce que l’imaginer aussi riche ? 

Bien sûr que non ! Quand j’y pense, je me dis que c’était des moments extraordinaires de ma vie et que je le dois surtout à mes coéquipières.

Si j’ai pu durer dans le temps, si j’ai toujours pris du plaisir, c’est qu’autour de moi il y a toujours eu des gens extraordinaires, que ce soit en club ou en équipe de France et ça, c’est juste génial.

Je n’aurais jamais pu faire une carrière en solo dans un sport individuel parce que ce n’est pas mon truc, parce que j’ai besoin des autres et besoin de prendre un coup de pied au derrière de temps en temps.

Même si je déteste perdre, l’entraînement à l’époque, c’était des tours de piste et ce n’était pas ce qui me faisait rêver. Aller à la muscu pareil !

Heureusement qu’en club, j’avais Nathalie Bertrand à mes côtés par exemple ! Elle était là et me disait : « Allez, on y va ! ». Je rechignais et j’y allais ! 

Quelle victoire a le plus compté pour vous ?  

En tant que joueuse, en club, c’est mon premier titre en 1994. En équipe de France, c’est le Grand Chelem de 2002.

C’était la fin de ma carrière et, à l’époque, quand on réclamait des choses, on n’arrêtait pas de nous dire qu’il fallait gagner. Il fallait toujours que l’on prouve de quoi on était capables mais, dès que l’on gagnait, il fallait encore faire ci et ça. Là, on l’avait fait !

Et puis, ce Grand Chelem, on ne savait pas qu’on en avait les capacités, mais on l’a gagné et c’est resté quelque chose d’extraordinaire.    

Après votre retraite sportive, on vous retrouve à la tête de l’AS Romagnat, votre club de toujours. L’histoire va durer de 2003 à 2015, vous allez être entraîneur puis manager. Poursuivre votre chemin dans le rugby avait toujours été une évidence ? 

Oui. Je savais, qu’après, j’entraînerais car j’avais tellement eu d’entraîneurs avec lesquels je m’étais embêtée que j’avais envie de prendre le terrain.  

Entraîneur et femme, c’était peu courant au début des années 2000. Il n’y a jamais des moments de découragement  dans cette deuxième carrière  

Si, c’est sûr. Quand j’ai passé mes diplômes, je l’ai d’ailleurs compris tout de suite.

La première fois, j’ai lâché, ça me gavait. J’étais la seule fille et ça m’avait saoulée. J’ai arrêté et puis je me suis dit que je n’avais pas le choix et j’y suis retournée, j’ai pris un peu plus sur moi.

Mais, de temps en temps, j’ai eu droit à mes petites vengeances, j’ai été capable de prouver que je n’étais pas là par hasard.  

Le XV de France va, par la suite, se rappeler à votre bon souvenir. Vous allez en être nommée manager des Bleues entre 2011 et 2014 puis manager général en 2016. Vous allez également entraîner les filles et vous continuez, jusqu’en janvier, votre parcours à leurs côtés. Vous vous y attendiez ? 

Non, du tout. J’avais été sollicitée par deux listes pour les élections de la FFR et, au départ, j’avais dit non car ce n’est pas la politique qui m’intéresse mais le rugby féminin.

Bernard Laporte m’a dit que c’était un sujet qui l’intéressait et mon entourage m’a dit : « Si tu n’y vas pas, qui va y aller ? ». Je suis partie avec Bernard. J’étais 49e sur la liste et, à la grande surprise de tout le monde, je me suis retrouvée élue à la fédération.

À ce moment-là, Bernard m’a demandé de m’occuper du rugby féminin. Jai démissionné de mon poste délue pour m’occuper du XV féminin.

Pendant deux ans, j’ai gardé mon travail et puis, à un moment, ça n’a plus été possible et je suis passée à temps plein à la FFR.  

Annick Hayraud entourée de Bernard Laporte, président de la FFR et son n°2, Serge Simon

Vous allez vivre, avec vos Bleues, un moment charnière qui va, une fois encore, faire avancer la cause féminine en rugby : la Coupe du monde 2014 organisée en France. Vous racontez que vous vous attendiez à un flop total mais que, au contraire, ça a été une réussite extraordinaire avec des matches joués à guichets fermés à Paris, au stade Jean-Bouin… Est-ce que l’on peut dire de ce rendez-vous qu’il a contribué à changer le visage du rugby féminin en France ?  

Ça a été une fenêtre médiatique très importante. Moi, j’étais sûre que l’on se trompait. J’avais dit au Président que si on organisait cet évènement au mois d’août, à Paris, il n’y aurait personne.

Par la suite, je suis allée le voir pour lui présenter mes excuses car il avait eu entièrement raison. Au CNR, Le Centre national du rugby, nous avons été débordés par l’affluence, c’est une situation que l’on ne connaissait pas et ça a vraiment braqué les projecteurs sur la pratique féminine.

Après ça, je suis retournée chez moi et je suis revenue en fin d’année 2016. Mes objectifs étaient simples : bonne image du XV, augmenter le nombre de licenciées, faire de la promo pour qu’il y ait du public dans les stades et devant les écrans télé, mais aussi gagner la Coupe du monde.  

©FFR

Comment expliquer ce succès ?  

Je pense que cet été, il n’y avait pas de gros évènements sportifs. Les gens ont alors commencé à regarder la Coupe du monde et ils se sont dit que c’était pas mal car ils ont retrouvé le jeu pratiqué par les garçons quinze-vingt ans auparavant : un jeu d’évitements, un jeu dans lequel le ballon vit beaucoup, un jeu beaucoup moins physique, beaucoup moins rentrededans.

C’était spectaculaire, ça jouait au ballon. Les gens s’y sont retrouvés et, même s’il y avait encore beaucoup de critiques, notamment en ce qui concerne notre jeu au pied qui n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, ils ont vu que les filles tenaient la distance et la mayonnaise a pris.

Ils prenaient du plaisir à voir les filles jouer.    

©FFR

Cet événement a mis le rugby féminin en lumière mais, malgré cela, la situation est toujours compliquée pour les clubs. Il faut, encore et toujours, se battre pour avoir des structures, un suivi médical… Qu’est-ce qui explique ce rugby à deux vitesses ?  

Il manque clairement des moyens. Je crois, qu’aujourd’hui, tous les clubs essaient d’en mettre, mais c’est compliqué et tous n’avancent pas à la même vitesse : certaines formations ont des structures pros à côté, d’autres non, certains clubs ont des soutiens, d’autres non…

Tout le monde s’accorde à dire que ce que font les filles est fantastique. C’est beau mais, pour investir, il y a peu de monde. Nous avons intérêt à être vigilants sinon, nous allons avoir un rugby à deux vitesses.

Aujourd’hui, il y a des clubs qui bénéficient de moyens qui commencent à être conséquents et d’autres qui ont beaucoup plus de mal et ça, ça va très vite se voir au niveau du jeu.

Je crois qu’il faut que des investisseurs misent sur la pratique féminine, ça passe par là, c’est une question de moyens, de structures.

L’idée, c’est que le championnat ait de la gueule. Pour cela, il faut des joueuses qui s’entraînent comme les joueuses du XV, à savoir tous les jours !

Or, s’entraîner tous les jours, ça a ses limites : une fille ne peut pas suivre ses études, aller bosser un peu le soir pour gagner quelques sous afin de remplir le frigo et, en plus, aller s’entraîner au rugby.

Il y a en beaucoup qui le font mais on sait que ça ne peut pas tenir très longtemps. À un moment, certaines disent stop, elles ne peuvent plus.  

La Coupe du monde qui débute au mois d’octobre pourrait, en cas de bon résultat, faire bouger les choses ? 

Oui, même si ça fait quatre ans que l’on a des résultats ! Les filles ont fait le Grand Chelem en 2018, elles ont battu les championnes du monde

Aujourd’hui, il y a effectivement l’Angleterre qui nous résiste, on n’arrive pas à la battre mais c’est aussi parce que les joueuses ont de l’avance sur nous, elles ont un championnat financé par un partenaire…

On travaille sur ces sujets avec la Fédération, il y a eu un cahier des charges pour les clubs mais, encore une fois, c’est une question de moyens car tous les clubs ont envie de progresser. 

Cet investissement pour le rugby féminin, vous allez le poursuivre une fois votre aventure en bleue arrivée à terme ?  

Je ne sais pas comment je vais m’investir ni ce que je ferai à partir du 1er janvier 2023 mais il reste que ça me tient à cœur, ça fait tellement longtemps que je milite !

Quoi qu’il en soit, ce qui est hyper important, et c’est ce que je dis à mes joueuses, c’est qu’elles continuent à s’investir que ce soit en tant qu’entraîneur, dirigeante…

On vit dans un monde masculin, beaucoup d’hommes parlent à la place des filles et si elles veulent faire évoluer leur sport, il faut qu’elles prennent leur part de responsabilités. Ceci étant, ce n’est pas simple : plus il y a de caméras rivées sur vous, plus il y a de résultats et de monde dans les stades, plus on vous envie et plus on a envie de prendre votre place.

Vous trouverez toujours des gens plus compétents ou plus « je ne sais quoi » que vous, mais il faut que les filles aient confiance en elles et qu’elles n’hésitent pas.

Elles ont un parcours exceptionnel et ça, il y en a un paquet qui peuvent parler, ils n’ont ni leur parcours, ni leur vécu. Et la base, c’est celle-là.   

Ouverture ©Annick Hayraud /FFR

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