Marie Houdré La rugbywoman qui a transformé l’essai
Elle n’imaginait pas sa vie sans sport. Non contente d’avoir participé à la naissance du mouvement sportif féminin en France, Marie Houdré s’est attachée à le développer et le promouvoir à travers la barette, une version revue et corrigée du rugby dans les années 20. Portrait d’une avant-gardiste qui s’est toujours refusée à botter en touche.
Par Sophie Danger
Publié le 30 avril 2021 à 20h50, mis à jour le 14 octobre 2021 à 16h27
Rester au foyer ? Très peu pour elle, merci ! Toute sa vie, Marie Houdré s’est battue contre les conventions. Femme de tempérament, libre et avant-gardiste, elle n’a eu de cesse de militer pour que ses semblables puissent s’épanouir en dehors du mariage et de la maternité.
Son credo ? Le sport et notamment le rugby dont elle a été l’une des pionnières.
Née en 1883, c’est à son père, Jean Baptiste Houdré qu’elle doit, très tôt, le goût d’apprendre. À cette époque où seules deux tiers des jeunes filles sont scolarisées, il lui sert de précepteur jusqu’à ce qu’elle intègre l’Ecole Primaire Supérieure (EPS) d’Orléans. Sa disparation en 1902 va pourtant contraindre la jeune Marie à renoncer à ses études. Du moins provisoirement.
Marie Houdré a 19 ans et devient institutrice. L’aventure durera un an. Après avoir exercé dans une école maternelle et un collège, l’Orléanaise retourne sur les bancs de l’école pour suivre une formation de médecin. Elle en ressortira diplômée onze ans plus tard, en 1914.
En parallèle, la doctoresse Houdré s’intéresse au mouvement sportif féminin naissant. Très vite, elle intègre les rangs de la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF) pour en diriger la commission médicale.
Dans le même temps, elle rejoint Femina Sport, la première société sportive féminine du pays, dont elle prendra, par la suite, la direction. Dans ce club, les femmes pratiquent, comme bon leur semble, l’aviron, le football-association, le hockey, le basket, la natation… Marie Houdré va très vite ajouter le rugby à cette longue liste.
L’initiative est osée. À l’époque, le sport féminin n’a pas toujours bonne presse. Certains le jugent immoral, d’autres l’estiment dangereux. Les médecins, notamment, n’ont de cesse d’alerter contre ses dangers supposés : la constitution féminine est trop frêle pour supporter une activité physique intense et les aspirantes sportives s’exposent, de fait, à de nombreux risques.
On reproche également à ces dernières leurs tenues indécentes et on craint, en les laissant s’ébattre dans les stades, qu’elles ne se détournent du devoir qui est celui de toute femme qui se respecte : procréer.
L’heure est donc à la défiance et Marie Houdré le sait. Elle fait appel à André Theuriet, ancien capitaine du Sporting Club Universitaire de France (SCUF) et membre cinq fois capé de l’équipe de France pour l’aider à revisiter les règles du rugby.
Le fruit de leur collaboration est baptisé barette et se joue à 12 – et non 15 – sur une durée non pas de 80 mais de 60 minutes. La longueur du terrain est également raccourcie et les gestes jugés violents sont prohibés. Le « dribbling » est ainsi banni, tout comme les arrêts à la tête et aux jambes.
Le premier match officiel de barette est disputé fin mars 1922 à Paris, au Stade Élisabeth. Le public est au rendez-vous mais les journalistes sont mitigés. Si une partie d’entre eux trouvent l’exercice plaisant, une grande majorité crie au scandale.
Le rugby féminin, même revu et corrigé, reste, selon eux, un sport violent et le spectacle donné par ces femmes est jugé dégradant voire ridicule. Quelques représentants politiques s’élèvent contre et la Fédération Française de Rugby (FFR) ira jusqu’à interdire un match d’exhibition, programmé en levé de rideau d’une rencontre masculine.
Tout ce remue-ménage, Marie Houdré n’en a cependant cure. À la fois capitaine et entraîneur, elle s’emploie vaille que vaille à promouvoir la discipline. Des équipes de barette naissent à Paris, Lille, Bordeaux et à Toulouse. Un Championnat national voit également le jour. Des débuts encourageants mais pas suffisants.
Malgré tous les efforts déployés par Marie Houdré, le rugby féminin peine à soulever les foules. L’engouement de la part des principales intéressées reste faible et la barette va peu à peu disparaître des radars faute de pratiquantes.
Il faudra attendre le milieu des années 60 pour que les femmes nourrissent, de nouveau, de l’intérêt pour le ballon ovale. Marie Houdré, alors octogénaire, assistera à ce retour en grâce en spectatrice. Sa contribution ne sera cependant pas oubliée.
En 2019, trente-sept ans après sa disparition, son nom sera le premier à inaugurer le Mur des Légendes, une initiative de la Fédération Française de Rugby pour honorer les personnalités qui ont contribué au rayonnement du rugby français.
Marie Houdré, histoire d’une des pionnières du rugby, par France Rugby.
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