Stéphanie Frappart Une main de fer, mais un sifflet de velours...

Stéphanie Frappart : Une main de fer, mais un sifflet de velours...
Première femme à arbitrer un match de Ligue des champions masculine, le 2 décembre dernier, la voilà désormais entrée dans les annales du foot. À 36 ans, la Frappart frappe les esprits et poursuit sur sa lancée, celle d’une pionnière dans le monde de l’arbitrage. Décryptage d'une carrière sans faute.

Par Claire Bonnot

Publié le 04 décembre 2020 à 19h21, mis à jour le 29 juillet 2021 à 14h38

« Arbitrage plein de bon sens, sans aucune hésitation », « Quelle personnalité ! », « Débuts parfaits », « Elle a fait tomber un mur », « Un match qui restera dans l’Histoire »… La presse et le ministère des Sports italiens étaient pour le moins dithyrambiques suite à l’arbitrage de la Française en Ligue des champions masculine, mercredi à Turin, lors du match Juventus-Dynamo Kiev (3-0).

Un baptême du feu réussi haut-la-main, le sifflet calme – seulement vingt fautes sifflées, offrant au jeu toute sa latitude -, mais la posture ferme – un carton jaune et un penalty non accordé. « Elle parle peu, mais elle sait se faire entendre et respecter », signe le Corriere della Serra. Une main de fer, mais un sifflet de velours…

©LaPoste

Stéphanie Frappart est bel et bien tombée dans la marmite du football étant petite… À 6 ans, elle tâtait du ballon dans la cour de récré avant de devenir licenciée, quatre ans plus tard, et de gravir les échelons en compétition. Maligne, elle se tourne vers l’arbitrage dès l’âge de treize ans : « Avec l’arbitrage, je me suis dit qu’il y avait peut-être plus d’opportunités d’évoluer au haut niveau. A l’époque, le foot féminin était un peu moins développé. Peut-être qu’aujourd’hui le choix aurait été un peu plus compliqué », expliquera-t-elle, des années plus tard, en 2018, dans un reportage de beIn Sports.

À 19 ans, elle débute comme arbitre en division d’honneur régional en Île-de-France. Cumulant des études de STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), elle délaisse alors le ballon pour le sifflet. Et se prend au jeu…

©FFF

Bien lui en a pris puisqu’elle entre dans l’Histoire en 2014 en devenant la première femme arbitre d’un match professionnel masculin, en Ligue 2. La tout juste trentenaire faisait alors (déjà) la une des médias et gardait (toujours) la tête froide : « C’est un honneur d’arriver à ce niveau-là et d’être un peu une pionnière puisque c’est une première en France ».

Trois femmes avant elle avaient atteint la Ligue 1, Nelly Viennot, Corinne Lagrange et Ghislaine Perron-Labbé, mais en tant qu’arbitres-assistantes.

©DR

La suite ? Stéphanie Frappart ne cesse de marquer des points dans son camp… Le 28 avril 2019, elle arbitre pour la première fois un match de Ligue 1, obtient ainsi son passeport pour être arbitre lors de la saison 2019-2020 : le 5 juillet, elle arbitre la finale de la Coupe du monde féminine de football et termine en beauté, le 14 août, comme arbitre centrale de la Supercoupe d’Europe de l’UEFA 2019.

« J’ai accompli deux de mes objectifs en deux mois », confiera-t-elle à l’AFP. Un rêve devenu réalité et couronné : Stéphanie Frappart est désignée meilleure arbitre féminine du monde en 2019 par l’IFFHS (la Fédération internationale de l’histoire du football et de la statistique).

©FFF

En 2020, elle arbitre son premier choc en Ligue 1, l’Olympico entre l’OL et l’OM, puis sa première Ligue Europa, et, enfin, sa première Ligue des Champions, le 2 décembre dernier. Un triplé gagnant !

Résumé de son ascension éclair

Si son métier lui demande de ne rien laisser passer, il l’oblige aussi à avoir une bonne foulée… Ses années en tant que joueuse ont fait leur boulot car Stéphanie Frappart s’avère, sur ce plan là, tout aussi exceptionnelle : « Physiquement, elle dépassait de loin tout le monde, y compris les garçons… On sentait un vrai potentiel chez elle », se souvient l’un de ses premiers arbitres formateurs, Jean-Claude Le Page.

Une supposition confirmée lors de la Surpercoupe d’Europe : l’arbitre Française parcourt alors 16,1 km en 120 minutes, soit la plus grande distance jamais enregistrée en Coupe d’Europe en plus de quatre cents matchs analysés. « Je suis dans les 40 meilleurs arbitres français et dans les 27 arbitres mondiales chez les filles », résumait-elle en 2019. Juste la réalité.

©LaPoste

« Monsieur ou Madame l’arbitre » – comme se le demandent certains footballeurs – a un charisme naturel. Stéphanie Frappart, tout petit gabarit – 1,64 m pour 54 kg – sait se faire respecter au milieu d’un terrain trusté par des footballeurs aguerris. Son atout ? « Son objectif, c’est vraiment le jeu. Elle ne cherche pas à se mettre en avant », expliquait dans Le Monde, en 2019, le joueur de l’US Orléans, Pierre Bouby. Une vraie passionnée !

Son style ? « Elle a une petite voix, mais elle a du charisme, de la personnalité. Elle utilise des mots justes, elle explique, elle est diplomate et on peut discuter avec elle », poursuivait le footballeur. « Je ne suis jamais dans le cri », confirmait-elle à L’Équipe, en novembre dernier.

Confiant au magazine sa « forte timidité » qu’elle n’a jamais réussi à soigner, Stéphanie Frappart en a fait une force et quelle force ! Celle de l’humilité et du professionnalisme : « Contrairement à ce que l’on peut imaginer, cette timidité m’a aidée à ne pas occuper trop de place sur le terrain. Elle m’a poussée à ne pas prendre le leadership sur les joueurs, qui doivent rester les stars du jeu. On peut dire que ma timidité a défini ma ligne d’arbitre, entre calme et sérénité. »

©DR

Si son flegme et son ascension éclair laissent croire à une carrière en forme de long fleuve tranquille, Stéphanie Frappart n’a pas toujours été célébrée dans les stades… « Il faut être passionnée pour rester dans l’arbitrage quand on se fait insulter chaque week-end au niveau amateur. J’étais un peu une tête de mule. J’ai toujours été dans un monde de garçons », confiait-elle au Monde en 2019.

N’oubliant pas que sa carrière fait encore presque figure d’exception – la Fédération Française de Football ne dénombre actuellement que 1000 arbitres féminines, tous niveaux confondus, contre plus de 30 000 chez les hommes et elle est la seule arbitre en France à pouvoir vivre, en partie, des revenus générés par ses fonctions -, la jeune arbitre de trente-six ans milite pour la féminisation de sa profession : « L’un de mes rôles, c’est aussi de susciter des vocations en donnant envie aux filles de commencer l’arbitrage. Je le prends à cœur parce que je me dis que j’ai entrouvert des portes », confiait-elle à l’AFP en 2019.

©Anders Henrikson

Déterminée, bosseuse, passionnée, elle rappelait en marge de la Supercoupe d’Europe que les femmes sont tout aussi capables que les hommes : « Nous devons prouver physiquement, techniquement et tactiquement que nous sommes les mêmes que les hommes. ».

À une question du Parisien, en 2019, « Cherchez-vous à gommer le fait d’être une femme ou à affirmer votre différence ? », elle répondait avec autant d’égards pour l’égalité homme-femme : « Chacun de nous, qu’il soit un homme ou une femme, a une approche et une personnalité différentes. Chacun a un esprit et manie les joueurs de sa propre manière. Pour moi, il n’y a pas de différence entre un homme et une femme. L’arbitre a seulement une personnalité qu’il adapte en fonction des joueurs. »

©El Loko Foto

Une sportive ÀBLOCK! pour qui la place des femmes dans le sport est un engagement de tous les instants. En 2020, elle a été marraine de l’opération « Sport féminin toujours » qui vise à inciter les médias audiovisuels à diffuser du sport féminin sur leurs chaînes. On peut être calme et timide et avoir envie de faire la révolution.

L’arbitre de terrain était une femme… Retour en 2014 quand Stéphanie Frappart, 31 ans, commençait à faire bouger les lignes…

Vous aimerez aussi…

Isabelle : « La danse, c’est une pulsion de vie ! »

Isabelle : « La danse, c’est une pulsion de vie ! »

Avec la danse dans le sang et dans la peau, Isabelle Boileau ne pouvait que traverser sa vie en entrechats. C’est ce qu’elle a fait en pratiquant, très jeune, en semi-pro, avant d’opérer un petit saut de ballerine pour aller enseigner la danse. La danse comme une douce thérapie entre sport et création. En piste !

Lire plus »
Sandrine Alouf : « Mes photos de sportives, c’est une loupe sur une société ultra genré

Sandrine Alouf : « Mes photos de sportives, c’est une loupe sur une société ultra genrée. »

Elles s’appellent Edith, Marie, Catherine ou encore Myriam (sur notre photo), elles ont pour points communs d’avoir plus de 50 ans et de bouffer la vie comme jamais. L’artiste touche-à-tout Sandrine Alouf les met en lumière à travers des photos qui dépotent, pour mieux balayer les idées préconçues et les représentations clichés sur ces femmes pétillantes pour qui « C’est pas demain la vieille » !

Lire plus »
Ons Jabeur, l'histoire est en marche...

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Des joueuses sur les courts à Roland-Garros, le nouveau podcast ÀBLOCK! qui accueille une femme qui n’a pas sa langue dans sa poche ou encore un championnat où tenir bon la barre, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Bonne lecture !

Lire plus »
Oriane Bertone, la femme araignée qui a trouvé sa voie

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Le ballon rond qui ne s’arrête pas de tourner, un retour sur les Mondiaux d’athlétisme, une lettre sur un avenir ÀBLOCK! pour le sport de haut niveau, une demoiselle araignée (Oriane Bertone sur notre photo), un show toulousain avec les meilleures triathlètes et une navigatrice on ne peut plus ÀBLOCK!, c’est le meilleur de la semaine.

Lire plus »
Joanna : « Le sport c’est comme une drogue qui procure du bien-être en doses d’endorphines sécrétées en cours »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

L’histoire du lacrosse féminin, future discipline olympique, une championne qui bouscule le hand tricolore, un décryptage juridique et deux témoignages passionnés (dont celui de Joanna sur notre photo), c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Bon rattrapage !

Lire plus »
Running

Si on tentait un marathon fractionné ?

Le #42HealthyRunningDays est lancé ! Un top départ donné à l’issue de la journée internationale de la santé, le 7 avril dernier. Késako ? Portés par la motivation, le bien-être et la santé, les coureurs se lancent le défi de réaliser 42 kilomètres en 42 jours. À leur rythme. Ainsi, l’application Running Care propose une toute nouvelle version du marathon pour les plus démotivés. Explications.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner