Pierre Le Roux et Yannick Jacob « On nous a dit que la natation artistique n’était pas un truc de mecs. On a voulu prendre le contre-pied. »
Ils font partie de ces rares hommes à pratiquer la natation artistique. Pour Pierre, Yannick, Fabrice et Mathieu (rejoints par Julien, le petit nouveau), l'histoire a commencé comme un défi puis ces « homards étincelants » sont devenus, à l'été 2024, les premiers champions de France master de l’histoire de la discipline, catégorie qui, jusqu’alors, n’existait pas. Rencontre avec des poissons qui nagent en eaux troubles.
Par Sophie Danger
Publié le 23 décembre 2024 à 11h59
Avec Yannick Jacob, Fabrice Manac’h et Mathieu Hamon, vous formez les « Homards Étincelants », une équipe de natation artistique 100 % masculine (depuis cet entretien, ils ont été rejoints par Julien, Ndlr).Pierre, vous assistez au gala du cercle des nageurs de Brest à laquelle votrefemme et votre fille participent et on vous propose de vous lancez à votre tour.Vous relevez le défi…
Pierre – À l’époque, ça faisait deux ans que ma fille faisait de la natation artistique et un an pour ma femme. Avant ce gala, j’avais déjà assisté à des représentations de danse et de gym mais je ne pouvais pas dire que ça m’avait particulièrement passionné. Avec la natation artistique en revanche, c’était différent, il y avait un côté assez impressionnant avec toutes ces participantes qui jaillissaient de l’eau.
Quand l’invitation a été formulée, je me suis dit que ça pouvait être un beau défi, un défi à la fois physique et qui me permettrait de sortir de ma zone de confort. Dans la soirée qui a suivi, j’ai envoyé des messages et c’est Fabrice qui, le premier, a rejoint l’aventure. Un mois et demi plus tard, Mathieu et Yannick se sont joints à nous.
Yannick – Il faut préciser que Pierre est revenuà la charge plusieurs fois avant que l‘on accepte. Il a fini par décrocher un entraînement test en nous disant que normalement, ça n’arrivait jamais et on lui a dit qu’on allait venir pour lui faire plaisir. À la fin de l’entraînement, on était rincés etça nous a motivés. On s’est dit qu’on ne savait pas trop où tout cela allait nous mener mais que, sportivement, ça ne pouvait nous faire que du bien.
En ce qui me concerne, il y a une autre chose qui m’a motivé, à savoir le fait que certaines personnes à qui nous avons proposé de nous rejoindre ont décliné en disant que la natation artistique n’était pas un truc de mecs. L’idée de prendre le contre-pied m’a pas mal amusé.
Vous n’avez pas eu peur que votre engagement porte atteinte à l’image virile que doit renvoyer un homme, qui plus est un sportif ?
Yannick – Non, même si, au départ, je pensais malgré tout que nous allionsfaire des choses un peu plus masculines en ce qui concerne les mouvements notamment. Or, il se trouve que la natation artistique est une discipline assez stricte et nous avons été obligés de nous y plier.
Vous entendez quoi par figures plus masculines ?
Yannick - Je ne saurais dire, je pensais simplement qu’on pourrait sortir du cadre des règles établies, mais non. Et puis, finalement, on s’est rendu compte que, malgré ça, on se prenait au jeu.
Pierre – Tout vient crescendo parce qu’on a quand même fini l’année avec des paillettes et de la gélatine dans les cheveux. On n’aurait peut-être pas été prêts au début, mais finalement, quitte à y aller à fond…
Pierre, vous qui étiez plus familier avec la discipline, qu’en ont pensé votre femme et votre fille ?
Pierre - Elles ont trouvé ça rigolo et elles m’ont encouragé dès le début à essayer de monter une équipe. Moi qui, de manière générale, aime bien raconter des histoires, je trouvais que là, il y en avait une sympa à raconter, ça m’amusait pas mal.Je n’avais jamais fait de danse, jamais fait de chorégraphie et j’ai un niveau de souplesse nul parce que j’ai plutôt pratiqué des sports qui avaient tendance à raidir, la seule chose que je savais à peu près faire, c’était nager.
Pendant l’été, j’ai essayé de faire quelques petits mouvements et ma femme et ma fille m’ont rapidement ramené à une certaine lucidité, je dirais même à une certaine humilité, il était temps que les entraînements commencent. Je dois admettre que, même aujourd’hui, il y a plein de choses que j’ai encore du mal à faire.
Il vous a fallu combien de temps pour convaincre et réunir tout le monde ?
Pierre -Quand on a commencé à pouvoir faire des séances d’essai, on a réussi à avoir quatre ou cinqcandidats qui ont essayé, mais il n’y a que Mathieu et Yannick qui ont accepté.Parmi ces candidats, certains avaientdes problèmes d’emploi du temps, d’autres se sont rendu compte que la disciplineétait quand même bien plus compliquée que ce qu’ils avaient imaginé. Il y a aussieu le fait que certains ne se considéraient pas suffisamment gracieux ou souples,même si je n‘ai pas la sensation que l‘on mettait la pression concernant cet aspect-là, la barre n’était pas très haute.
Hormis la fatigue physique, quels souvenirs gardez-vous de votre premier entraînement?
Yannick - On s’est entraîné en même temps que les filles et on a été super bien accueillis. Parmi elles, certaines pratiquent depuis pas mal d’années, je pense que le fait de nous voir débarquer les a fait un peu sourire mais on s’est senti bienvenus tout de suite. Le degré de difficulté m’a également bluffé. Avant d’aller dans l’eau, on fait des étirements et un peu de musculation, ensuite, on nage de façon assez classique et après ça, dès, qu’on a commencé à faire les exercices techniques, on nous a demandé des trucs qui nous paraissaient complètement impossibles et là, on voit les filles qui, à côté de nous, parviennent à faire une longueur avec une jambe en l’air, ce que nous n’arrivons toujours pas à faire soit dit en passant.
Pierre - Moi, pour mon premier entraînement, Fabrice n’avait pas pu venir et je crois que j’étais le seul garçon. J’ai fait pas mal de sports Co mais, au moment de la douche, quand je me suis retrouvé seul avec que des femmes autour… il y avait quelque chose d’assez intimidant et je me suis demandé ce que je foutais là. C’était la première fois que j’évoluais dans un sport collectif féminin. C’est drôle parce que, dans les premiers temps, le vocabulaire était féminin et nous nous sommes retrouvés dans des situations ubuesques où les filles s’excusaient pour s’être adressées à nous en disant « les filles » ou « les nageuses ». Nous, ça nous plaisait que tout cela reste au féminin et on sentait qu’elles étaient presque plus préoccupées que nous par ça.
Les femmes qui s’aventurent dans un domaine sportif dominé par les hommes, comme la boxe par exemple, évoquent souvent une mise à l’épreuve en guise d’entrée en matière. Pour vous, l’intégration a été immédiate et sans condition.
Yannick - Je me souviens, au tout début, que nous avons fait deux ou trois exercices et puis après, il a fallu se mettre en grand écart… Bon, et bien, on a tenté d’écarter les jambes et ça les a fait un peu rigoler mais,mis à part ça, on n’a pas senti de défiance ou de compétition. Pierre - On parle beaucoup de bienveillance de façon un peu démesurée mais là, on était vraiment là-dedans. Les filles venaient assez naturellement pour nous donner quelques conseils ou pour nous encourager.Même quand le résultatn’était pas terrible, elles nous disaient que c’était vachement mieux que la fois d’avant. C’est pour ça que, quand on nous demande si on revendique quelque chose pour les hommes dans ce milieu-làet bien non, on ne revendique pas grand-chose parce qu’on a plutôt l’impression qu’on nous a déjà donné beaucoup par rapport à ce qu’on méritait.
Pourtant, la natation artistique n’est pas ouverte aux hommes aux Jeux Olympiques par exemple, du moins en individuel. N’avez-vous pas le sentiment que votre exemple peut permettre, si ce n’est de faire avancer les choses, du moins de participer à la discussion ?
Pierre - On s’est posé la question de savoir pourquoi ce sport n’était pas aux Jeux Olympiquespour les hommes et je pense que c’est parce que ça manque cruellement de participants. Il y en a quelques-uns, notamment Quentin Rakotomalala, mais on se rend compte que tous ceux qui pratiquent la natation artistique sont isolés à l’intérieur de leur club. On a pu constater, lorsque nous sommes allés au Championnat de France master qu’il y avait une autre équipe qui venait de Marcq-en-Barœul,maisune équipe mixte avec six garçons plus deux filles.
Je pense que tout cela est un travail de longue haleine. Peut-être parce que notre démarche met un peu en lumière le sujet et quecela peut ouvrir les esprits et permettre à des plus jeunes que nous de s’y mettre alors qu’ils n’y auraient pas pensé. Je pense que dans l’esprit des parents de manière générale, quand on a un fils, on ne pense pas à l’inscrire à la natation artistique et l’enfant, lui, va avoir du mal à le proposer même s’il a envie d’essayer.
Peut-être qu’une histoire comme la nôtrepeut changer les choses et contribuer à démocratiser la discipline. Ceci étant, en ce qui nous concerne, s’il y a moyen de monter une équipe pour les Jeux Olympiques de 2028 à Los Angeles, on est partants.
Vous avez eu pas mal de presse avec des journalistes qui ont raconté votre histoire avec le sérieux qu’elle mérite. Est-ce que vous vous attendiez à cela et quel effet cela fait de se voir en maillot de bain dans le journal ?
Yannick - On ne s’attendait pas à ce qu’il y ait autant de réactions. En ce qui me concerne, j’ai pas mal rigolé avec ça. J’ai partagé sur mes réseaux et ça me faisait rire de dire : « Ça y est, je suis enfin dans le journal, mais c’est en slip ! ». Pierre - On est effectivement en slip, mais dans une position où il n’y a aucune ambiguïté sur le fait qu’on est en pleine autodérision.Quand Yannick fait son demi grand écart et que moi,j’ai les jambes croisées, on sent qu’il y a un petit côté « on ne se prend pas trop sérieux ». Nous n’avons eu que des retours positifs, mais c’est parfois plus compliqué pour nos femmes.
Parce qu’il y a sexualisation?
Pierre - Je ne sais passi c’est une sexualisation, c’est plus le sentiment, parfois, que son bonhomme est dans une posture un peu ridicule.
Tous ceux qui vous ont découvert ont été sympathiques avec vous…
Pierre – Oui, les retours que nous avons eus ont été hyper positifs. Sur les réseaux sociaux d’habitude, il y a un clivage avecdes gens très très ancrés et parfoistrès durs. Là, je ne sais pas si c’est parce qu’on n’a pas voulu voir mais on n’a pas eu l’impression de recevoir un seul message négatif, agressif ou un message qui viendrait dénigrer notre démarche.
Pas même un message sexiste ?
Yannick - On s’attendait à ça, mais comme le dit Pierre, soit on n’a pas vu, soit on n’a pas voulu voir. Je me souviens juste d’un message d’une femme qui disait que, ça y était, les hommes faisaient un truc de fille et on les glorifiaitalors qu’une fille qui faisait un truc de mec, elle se faisait taper dessus. Et on est plutôt d’accord avec ce message-là.
Vous vous êtes rendu compte, après quelques mois de pratique que, finalement, la catégorisation sport féminin/sport masculin ne tenait pas et qu’aucune pratique n’était conscrite à un sexe donné. Vous évoquezmalgré toutdes difficultés en ce qui concerne la souplesse et la grâce, des qualités que l’on associe d’ordinaire au féminin.
Pierre – On ne cherche pas à se comparer aux filles,d’abordparce que ça nous ferait du mal et puis, on se rend bien compte qu’elles assurent vachement mieux que nous. Il n’y a aucune volonté de notre part de nous revendiquer, un jour, aussi forts qu’elles, ni d’atteindre leur niveau. Je me dis que la natation artistique femme et la natation artistique homme pourraient être deux disciplines différentes. Yannick évoquait tout à l’heure des mouvements masculins, la discipline pourrait évoluer peut-être dans ce sens, ce qui nous permettrait de pratiquersans forcément copier afin qu’il y ait une singularité chez les unes et chez les autres qui fasse que ce soit agréable à regarder et à pratiquer.
Pierre - Lorsqu’on regarde des vidéos de nageurs qui font de la natation artistique, on voit toujours des mouvements très féminins, très gracieux. Alors je ne dis pas que ça va bloquer le macho de base, mais ça peut être un frein.
Quoi qu’il se passe, vous aurez malgré tout contribué à marquer l’histoire de votre sport puisque que vous êtes devenus champions de France master, une catégorie qui, avant vous, n’existait pas.
Pierre - Nous sommes même sur Wikipédia maintenant ! C’est vrai qu’on a été champions de France dans une catégorie qui n’existait pas et qui n’était absolument pas prévue par le règlement car la seule façon de pouvoir intégrer une équipe,c’était soit en mixtesoit en purement féminin. Depuis, le règlement des Championnats de France a été modifié et cette catégorie sera représentée l’année prochaine !
La Fédération a fait preuve d’une certaine souplesse car, comme on aime bien voir un peu grand, on aapprisqu’il y avait les Championnats du monde à Singapour l’été prochain. C‘est sympa Singapour, on n’y est jamais allés, mais notre catégorie n’existe pas au niveau mondial.
Vous allez tenter de bousculer le règlement mondial…
Pierre - Si on peut bousculer le règlement deux jours avant les Championnats et qu’on soit les seuls comme au Championnat de France, ça peut nous permettre de devenir champions du monde !
Vous avez lancé une campagne de recrutement pour la saison, est-ce que vous avez fait des émules ?
Pierre– C‘est drôle parce que beaucoup de gens réagissent sur les réseaux sociaux mais, sur les recrutements, c’est beaucoup plus difficile. On a eu beaucoup de retombées et notamment de la part de femmes qui incitent leur mari à s’y mettre. Pour le moment, on a d’avantage réussi à recruter dans nos réseaux d’amis. Il y a trois personnes qui ont fait des essais mais, pour l’instant, rien n’est encore signé, ceci dit, on espère être entre six et huit l’année prochaine, ce serait bien.
Rendez-vous est donc pris pour Singapour et Los Angeles…
Pierre - Avant Singapour, il y a les championnats de France de Bourg-en-Bresse l’année prochaine. Nous avons également été contactés aussi par une équipe de Bruxelles qui s’appelle les « FabulousWhales »qui nous a proposé de venir pour faire une compétition avec eux. C’est une équipe de mecs mais qui, je crois, est devenue mixte.
Si Mathieu était là, il dirait que cette histoire va beaucoup trop loin parce qu’à chaque fois qu’on fait quelque chose, on va toujours un peu plus loin !
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