« Je ne viens pas d’une famille de sportifs, on ne regardait pas de compétitions à la télé, personne ne m’a jamais incitée à faire du sport. J’habitais une cité HLM, à côté de Tours, où les filles ne sortaient pas beaucoup, restaient jouer chez elles avec leurs poupées.
Mais moi, j’étais une gamine énergétique et je regardais les garçons s’amuser dehors avec envie. J’ai fini par descendre taper dans le ballon avec eux en bas de l’immeuble.
Mon frère n’aimait pas trop m’avoir dans les pattes, mais ses copains me toléraient plutôt bien, parce que j’étais compétitrice, volontaire, je n’étais pas un boulet.
« Je n’ai jamais été un garçon manqué, je jouais au foot en robe ! »
A l’école, c’était pareil, j’étais la seule fille au milieu des garçons, à jouer aux billes, au foot…
Ça posait d’ailleurs plus de problèmes aux filles qu’aux gars car j’étais privilégiée : les copines convoitaient les beaux garçons et moi j’étais pote avec eux ; on partageait les images Panini, les posters de footballeurs, j’avais avec eux un sujet de conversation qu’elles n’avaient pas. Pour autant, je n’ai jamais été un garçon manqué, je jouais au foot en robe !

Malgré tout ça, moi, le petit gabarit, la fille fluette, on me jugeait constamment sur mon apparence. Je devais toujours faire mes preuves avant qu’on me choisisse dans une équipe.
Nous les filles, pour être respectées, il faut sans cesse prouver ce qu’on a dans le ventre.
La première impression, c’est : « Qu’est-ce qu’elle fait là ? » On est rarement légitimes tout de suite. Pour qu’on te fasse confiance, il faut que tu oses.
Gamine, ça me décevait, je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Mais j’avais un caractère fort, j’y allais, je ne me décourageais pas, je me disais : « Tu penses que je n’en suis pas capable ? Tu vas voir ce que tu vas voir ! »
« Je voulais faire du foot, mais il n’y avait pas d’équipe féminine. On me disait : « Attends qu’une équipe de filles se crée ! » Ça n’a jamais été le cas ! »
Mes idoles, c’était Michael Chang, Bruce Lee, Jonathan Edwards, Colin Jackson, Bixente Lizarazu. Tous des hommes. Je ne me suis jamais posé la question de savoir pourquoi je n’avais pas de sportives pour rôles-modeles.
En même temps, les femmes étaient moins médiatisées, on ne leur donnait pas la parole. Mais celles que je connaissais ne m’inspiraient pas.
Ce n’est pas une question de genre, je pense. J’aime avant tout les belles histoires de vie et ces hommes-là avaient tous un parcours particulier.

Je suis arrivée assez tard dans un club, à 14 ans. J’avais peur de quitter la maison, et j’étais assez timide finalement, pas grande gueule, pas leader, juste contente qu’on m’accepte comme je suis : sportive mais néanmoins féminine.
Je voulais faire du foot, mais il n’y avait pas d’équipe féminine. Et on ne m’a jamais proposé de jouer avec les garçons. On me disait : « Attends qu’une équipe de filles se crée ! » Ça n’a jamais été le cas.
J’ai alors commencé le tennis. Là, on était en groupe mixte, selon les niveaux. Ça m’a plu, j’ai atteint un classement bien plus haut que ce qu’on m’avait prédit. Encore une fois, personne ne s’y attendait. Je pratique toujours le tennis aujourd’hui.
« La course c’est la liberté mentale, ça lave la tête. C’est véritablement une quête de toi-même. »
La course à pied, c’est venu plus tard. Il y a 8 ans, j’ai décidé de courir, c’était cool, je n’avais pas besoin de trouver un partenaire, j’en faisais quand je voulais, à n’importe quel moment. Et comme je suis toujours motivée pour faire du sport, je cours seule, à l’envie.
La course c’est la liberté mentale, ça lave la tête. Contrairement aux autres sports où tu dois davantage réfléchir à la coordination ou la technique, tu peux te défouler sans penser à rien, sans pour autant faire un chrono. Et si tu performes, ta performance, elle est pour toi toute seule, c’est toi face au chrono. Ce n’est pas lié à quelqu’un d’autre, à l’adversaire ou au reste de l’équipe.
Tu sais que tu as donné le meilleur de toi ou pas, à toi d’analyser ta course, c’est une victoire ou un échec perso par rapport à tes propres objectifs. Lors d’un run, t’es face à toi-même.

Je me suis inscrite à mon premier 20 km en 2013. Je sortais d’une histoire amoureuse difficile, j’ai voulu relever un challenge. Personne n’y croyait autour de moi, même s’ils étaient tous là pour me soutenir !
Ensuite, j’ai tenté et réussi mon premier marathon. Mon but : finir et si possible en moins de 4 heures. Finalement, j’ai passé la ligne d’arrivée après 3h42 de course.
Puis, je me suis lancée dans le trail. Le trail, ça me plait, t’es dans la nature et face à la dureté de l’épreuve, tu vas au bout, c’est véritablement une quête de toi-même. Je suis une pile électrique, je suis contente d’aller souffrir, parce que je me sens tellement bien après ! Mettre à l’épreuve ses capacités physiques, ça prouve que l’on est vivant.
« Quand je vois des femmes en surpoids qui réussissent leur pari en finissant la course avec des supers chronos, j’ai les larmes aux yeux. »
Je ne suis pas dans la recherche d’un beau corps ; être tonique, musclée, c’est la cerise sur le gâteau. Je recherche surtout les émotions et la liberté. Aux gens qui ne bougent pas et qui n’ont pas de gros problèmes de santé, je dis : « Vous avez la chance de pouvoir courir, de pouvoir faire du sport, allez-y ! » Ça soigne les maux physiques et psychologiques.
Ce n’est pas une question d’avoir ou non un profil de sportif, on peut tous l’avoir.
Quand je vois des femmes en surpoids qui réussissent leur pari en finissant la course avec des supers chronos, ou celles qui parviennent à faire du sport dans des pays où c’est interdit, j’ai les larmes aux yeux.

Parfois, je croise des filles qui commencent le running, ça se voit car c’est dur, elles n’ont pas la technique, je meurs d’envie d’aller courir à côté d’elles et de les booster, c’est magique !
D’ailleurs, je me suis toujours demandé pourquoi je n’étais pas devenu coach sportive. J’ai la motivation pour 10 000 personnes ! »