Quand Meriam Amara s’élance sur un parcours, elle ne voit pas les paysages, mais elle ressent chaque vibration de la route, chaque souffle partagé avec sa guide. Atteinte d’une maladie dégénérative de la rétine, elle découvre le sport sur le tard, il y a une quinzaine d’années alors que, native de Dunkerque, elle s’installe à Paris. Cette responsable marketing est alors en quête de bien-être face à une vie professionnelle intense : « Je travaillais beaucoup, Paris n’est pas une ville facile quand on n’y est pas habituée. J’avais besoin de trouver un équilibre entre le travail et la vie quotidienne, et le sport est devenu cet espace », confie-t-elle. Cet équilibre, elle va le trouver. Et ce sera bien au-delà de ce qu’elle aurait pu imaginer.
Meriam Amara et Céline Bousrez, tandem de choc à Kona
Son premier allié ? Le tandem cycliste. « Ça avait du sens pour quelqu’un qui ne voit pas », explique Meriam Amara. Puis viennent le roller, la course à pied, la danse, le ski… et enfin le triathlon. Une passion dévorante qui va changer sa vision du monde. Son monde à elle. De fil en aiguille, Meriam Amara se forge une endurance hors norme. Six heures sur le circuit Carole, 24 heures du Mans de roller, un Raid Amazones puis le titre de vice-championne de France de paratriathlon en 2017. Mais, ce sont les Ironman qui vont la forger, l’emmener loin.
Son premier Ironman, elle le tente en octobre 2021, à Barcelone. Bien tenté et même relevé, elle se qualifie pour les championnats du monde à Hawaï, en octobre 2022. La course sera (trop) difficile, mais cela ne l’arrêtera pas.
Sa rencontre avec Céline Bousrez, triathlète aguerrie, triple championne de France de duathlon longue distance entre 2015 et 2018 et championne de France de triathlon longue distance en 2018, mais aussi médaillée de bronze aux Jeux Paralympiques de Tokyo en tant que guide d’aveugle, en 2021, marque un tournant : « Meriam et moi partageons les mêmes valeurs. Que l’on gagne ou que l’on lutte, tout repose sur la confiance et le respect », souligne Céline. Ensemble, elles remportent une course dès leur première collaboration. Depuis, leur duo incarne la puissance de la solidarité sportive.
À Kona, sous la chaleur écrasante en ce mois d’octobre 2025, elles ont affronté 226 km de natation, vélo et course à pied. « Avant de revenir à Kona, les doutes m’ont assaillie, confie-t-elle sur les réseaux sociaux. Je me suis souvent demandé si je ne courais pas après un graal inaccessible. Si je n’étais pas en train de poursuivre un idéal trop exigeant, prêt à se retourner contre moi. Je connaissais la brutalité de cette course, je l’avais goûtée à mes dépens en 2022. Je savais qu’à la moindre faille, elle pouvait nous mettre à terre. »
Pour Meriam, chaque foulée dépend des indications de Céline : relief, virage, rythme. « Il n’y a pas de place pour l’ego quand ta sécurité dépend d’une autre personne », affirme Meriam. Pour Céline Bousrez, chaque respiration de Meriam est un signal : « On a appris à être totalement honnêtes l’une avec l’autre. Si ça ne va pas, on le dit. »
« Le jour de la course, avec Céline, nous étions prêtes, impatientes, excitées, avec juste ce qu’il faut de stress pour nous propulser, raconte encore Meriam Amara. L’ambiance était indescriptible. La présentation des favorites, l’hymne national américain, la bénédiction maorie des athlètes… puis le coup de canon des professionnelles, qui résonne comme une vague d’adrénaline à travers nos corps. »
Et la délivrance, le soulagement, la ligne d’arrivée : « On se prend la main. On lâche la cordelette. On ne court plus en duo, on finit unies, portées, complices. Une rampe pour monter sur la ligne d’arrivée. Et là… la libération. La joie. L’émotion. On se jette dans les bras l’une de l’autre. On suffoque, on rit, on pleure. Les mots ne servent plus à rien. On se comprend sans parler. »
Meriam Amara et Céline Bousrez, le plaisir de franchir la ligne d’arrivée ensemble en octobre 2025, à Hawaï
Aujourd’hui, elles savourent toutes les deux cette victoire -Meriam Amara est 1ere de sa catégorie -, victoire des plus symboliques : « Chaque ligne d’arrivée est un rappel de tout ce qu’on a accompli, pas seulement comme athlètes mais comme amies. Ce que nous avons vécu à Kona, c’est une histoire de cœur, de corps, de courage. C’est une histoire de partage, de folie douce, de lumière intérieure. Le prochain défi viendra quand il devra venir », lance Meriam Amara, le sourire toujours scotché aux lèvres.
Mais, c’est certain, il y aura un nouveau défi tant se challenger est devenu, pour elle, un art de vivre : « Je relèverai tous les obstacles à venir, dit-elle, il n’y a pas de raison que je ne réussisse pas. Ce n’est pas parce que ça ne s’est jamais fait que ça ne peut pas se faire. »
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