En novembre 2019, la gardienne du Brest Bretagne Handball, Cléopatre Darleux, a mis au monde une petite-fille. Jusqu’ici rien de particulier dans cet heureux évènement dont l’aventure singulière est une affaire de stricte intimité. Sauf que lorsqu’une sportive de haut niveau tombe enceinte, le périmètre de l’intimité se réduit et son corps devient plus que jamais, un sujet collectif.
Que faire de ces neuf mois dans une carrière ? Comment dissiper les craintes du retour ? De quelle façon accompagner les transformations avec confiance ? Comment appréhender les questions financières autour du maintien du salaire ? Et surtout, est-il possible de revenir au plus haut niveau ?
Ce sont ces problématiques que Cléopatre Darleux a affrontées et disséquées une à une, ce sont celles qu’elle évoque dans un livre passionnant qui vient de paraître, « Vivre selon ses valeurs comme Cléopatre Darleux », où elle s’engage sur le droit à la maternité des championnes de haut niveau.
Mais au-delà de son parcours fascinant, il y a quelque chose dans son vécu qui questionne la maternité en général et met en relief les ambivalences qu’elle suppose. Car, dès l’annonce de sa grossesse, Cléopâtre se retrouve confrontée à un double sentiment : la joie et la peur.
La beauté de fabriquer un petit être vient flirter avec la crainte vertigineuse de voir son cadre de vie s’écrouler, de constater que tout ce qui avait été construit en tant que femme, devient précaire au regard de ce nouveau statut de mère. Comment faire cohabiter toutes les sphères de nos existences ? L’interrogation est aussi pragmatique que métaphysique.
Pour les sportives, l’angoisse repose également sur la réaction des dirigeants et du staff : comment vont-ils appréhender ce chapitre ? Là où un employeur classique se doit de rester neutre face à une question privée, un club se sent directement impacté. Soudain, c’est toute l’équipe qu’il faut repenser, remanier, rééquilibrer, comme si le corps des championnes ne leur appartenait pas complètement.
Si Cléopâtre Darleux a pu bénéficier d’un réel soutien, ce n’est pas le cas dans tous les clubs, ni dans tous les sports, comme si la grossesse était parfois plus préjudiciable qu’une blessure.
Mais le plus captivant dans son récit est sans doute la manière dont Cléopatre a été suivie durant ces neuf mois jusqu’à son retour après le post-partum. Si, dans son cas, elle a pu questionner les médecins de l’équipe de France et ceux de Brest, s’entourant ainsi de préparateurs physiques de qualité, elle s’est aperçue du manque considérable d’informations sur ce thème.
Que faire ? Quel programme ? À quelle intensité ? Commet gérer la nutrition ? En arrière-plan, ce fil conducteur qui nous concerne tous : un corps qui se transforme n’est pas un corps fragile, mais un corps que l’on doit accompagner de manière adéquate.
Si deux ans après la naissance de sa fille, Cléopatre Darleux est revenue au plus haut niveau, devenant championne olympique en 2021 à Tokyo, elle est l’exemple, comme d’autres, d’une réalité qu’il est impératif de mettre en avant : une femme enceinte n’est pas vulnérable, elle construit au contraire une autre forme de puissance.
Notre société a besoin plus que jamais de ces figures fortes qui montrent l’étendue des possibles, et qui, par leur détermination et leur engagement, font de la maternité la source d’un équilibre physique et psychique, et non, un frein dans une carrière.
Voir la maternité triomphante de ces sportives est une source d’inspiration infinie pour toutes les femmes qui décident de faire de leur grossesse un tremplin vers encore plus de vie, de courage, de force et de cohérence.