Magalie Pottier « En BMX, l'inégalité des primes, ça me rend dingue ! »

Magalie Pottier
Rideuse philosophe, plus artiste que casse-cou, cette multi-championne du monde et de France de BMX Race, 31 ans au compteur, s’éclate aujourd’hui en Freestyle. Première Championne de France de la discipline, Magalie Pottier excelle dans la maîtrise de son vélo, mais aussi de son mental. Favorite, elle prenait le départ ce week-end pour les Championnats de France. Et d’ouvrir la voie pour les futures rideuses dans une discipline en pleine envolée.

Par Claire Bonnot

Publié le 06 décembre 2020 à 15h27, mis à jour le 29 juillet 2021 à 14h37

Tu cumules une carrière de championne dans le BMX racing et un début fulgurant dans le BMX Freestyle avec ton titre de Championne de France en 2019, c’est quoi ton histoire avec le vélo ?

C’est assez simple, en fait. J’ai commencé à pédaler pour jouer avec mes deux grands frères qui faisaient du BMX. C’était un vrai bonheur pour moi de partager, en famille, ce sport qui me plaisait tant.

J’ai donc commencé par le BMX racing à haut niveau pendant dix ans. Mon parcours m’a amenée à être double championne du monde juniors en racing et Cruiser puis Championne du monde Cruiser chez les élites. J’ai connu une belle année, en 2012, avec mes titres de Championne du monde, Championne de France et ma deuxième place en Coupe du monde. Trois ans plus tard, j’étais médaillée d’argent aux Premiers Jeux Européens de BMX, VTT et cyclisme sur route.

J’ai aussi participé aux Jeux Olympiques, j’y étais finaliste ,à Londres en 2012, mais, hélas, pas qualifiée pour les JO de Rio en 2016…

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Et t’as eu envie de prendre du recul ?

En parallèle, j’ai fait des études de kiné que j’ai terminées en 2017. Je me suis alors demandé si j’allais continuer le BMX à haut niveau. Je pense que j’avais envie d’autre chose. Et c’est à ce moment là que j’ai découvert le BMX Freestyle. C’était lors d’une compétition, ça m’a tout de suite plu !

Le fait de pouvoir avoir son propre style, étant donné que je viens de la race où les choses sont plus codifiées, ça m’a libérée, en quelque sorte. Il y a un côté presque artistique dans le monde du freestyle. On est jugées sur les figures qu’on réalise, leur hauteur, leur originalité et le niveau de difficulté. L’idée, c’est vraiment d’apporter quelque chose de différent des autres compétiteurs.

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Ce qui a été parfait pour ma « reconversion », c’est qu’avec mon passé de bikeuse en race, je savais ce que je pouvais donner en freestyle : j’avais les aptitudes en sauts et en gestion des compétitions de haut niveau.

Mais aussi, j’ai pu apprendre de manière très « secure », avec un bac à mousse qui te permet de tomber sans craindre de te faire mal ou une bosse en résille pour une réception souple. Ensuite, tu passes sur le dur, sur le park en modules de bois ou en béton.

Le BMX Freestyle est une discipline qui existe depuis les années 1970-1980 et qui a démarré aux États-Unis avant d’arriver en France une dizaine d’années plus tard. Ce sport n’a pas vraiment été reconnu au niveau des Fédérations en France jusqu’au moment où la discipline a accédé à l’olympisme, en 2017 pour les JO de 2020.

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Qu’est-ce qui t’a plu dans ce sport extrême et presque artistique qu’est le BMX Freestyle ?

La première chose qui m’a enthousiasmée, ça a été l’ambiance. Chaque année, à Montpellier, se déroule le Festival International des Sports Extrêmes (FISE) pendant toute une semaine. Il se termine par le BMX qui est la discipline phare, c’est un événement au cœur de la ville, le dimanche soir, et l’ambiance est géniale.

C’est en 2017 que j’y ai découvert la discipline freestyle. Puis, je me suis laissée tenter, au mois d’août, lors des Journées Olympiques. J’y découvrais une démonstration complètement dingue de freestyle entre le Petit et le Grand Palais et qui m’a permis de rencontrer l’équipe de France. Un des athlètes m’a proposé d’essayer. Et je me suis lancée !

J’étais à des années lumières de penser que je me tournerais un jour vers le BMX Freestyle mais ça a muri en moi. J’avais pris une année sabbatique en 2017 et je me suis mise au Freestyle un an plus tard.

Je crois, qu’en race, j’avais fait le tour, que j’avais envie de m’amuser et de me mettre au défi de savoir ce que je pouvais donner en freestyle. Le fait que la discipline devienne un sport olympique me tentait aussi beaucoup. Ça pouvait être un bonus dans ma carrière.

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Ce qui m’a plu, c’est d’avoir un nouvel espace autour de mon vélo, de me sentir libre et de faire ce que je souhaite. Au contraire du BMX race, tu es seule sur le park et tu peux vraiment créer ton style via les figures qui sont libres.

C’est un peu un sport spectacle, il y a une vraie proximité avec le public qui regarde une seule personne évoluer à la fois. En race, huit rideurs s’affrontent sur un terrain.

Et puis, en free, il y a un style vestimentaire particulier, très sympa, en mode urbain : jean classique avec t-shirt manches longues ou un pull quand il fait froid sans jamais oublier le casque intégral.

©DR

En 2019, tu remportes le premier titre de championne de France de l’histoire de la discipline, qu’est-ce que tu as ressenti ?

Ça a été une vraie surprise parce que je venais presque de débuter dans la discipline et, en même temps, c’était une suite logique, j’étais vraiment dans un pic de progression !

Le BMX est un sport extrême qui peut être vu comme plutôt réservé aux hommes. Est-ce un milieu ouvert aux femmes ?

J’ai deux grands frères qui m’ont toujours aidée et soutenue dans ma pratique. Donc je me suis toujours sentie à l’aise dans une discipline qui n’est pas forcément peuplée de pratiquantes. Mais le fait que la race soit discipline olympique depuis 2008 a fait son petit effet auprès des filles.

Sinon, je n’ai jamais vraiment senti de grosses différences entre les garçons et les filles. Je n’ai, de plus, jamais eu à faire à des commentaires au sujet de ma pratique féminine peut-être parce que j’avais la protection de mes frères… ou tout simplement parce que je dégageais une confiance en moi et une légitimité !

Je trouve qu’évoluer dans un milieu « de mecs » tire vers le haut. La plupart du temps, les garçons encouragent les filles et peuvent devenir des modèles, des exemples. Moi, je suis totalement pour ce partage d’expériences et de vie en fait. Le respect est primordial dans le sport, ça permet de profiter à fond de la vie et d’avancer !

©DR

Après, dans le haut niveau, le plus dur sur le plan des différences hommes-femmes, c’est l’inégalité des primes, ça me rend dingue ! L’UCI (Union Cycliste Internationale) équilibre désormais en race, mais ce n’est pas le cas dans les compétitions nationales et, en Free, on est à des années lumières de l’équité.

Ça me rend folle parce qu’on s’investit tout autant à l’entraînement et lors des compétitions à haut-niveau ! Cette totale implication des rideuses n’est pas assez mise en avant. J’aimerais vraiment avoir un impact sur cette nécessité d’instaurer l’égalité salariale entre les athlètes !

©DR

Enfin, oui, c’est une discipline extrême, mais aujourd’hui, on a tout pour apprendre progressivement au niveau des infrastructures (on apprend dans la mousse, par exemple) et via des clubs qui se montent de plus en plus.

Avec les Jeux Olympiques 2021 en ligne de mire, l’impact médiatique attirera de plus en plus de rideuses. À l’heure actuelle, nous ne sommes pas très nombreuses à avoir un niveau international – cinq Françaises seulement -, par contre il y a beaucoup de filles très fortes qui pratiquent sans vouloir forcément faire de la compétition.

Aujourd’hui, la filière du haut niveau côté féminin se développe nettement, grâce aux fédérations. Au Pôle France, on est deux filles actuellement et plus la discipline va se développer, plus la présence féminine va augmenter.

On n’hésite pas non plus à jouer sur la transversalité dans ce sport : moi, par exemple, je viens de la race, je sers ainsi d’exemple pour toutes les filles qui font d’autres sports qui se rapprochent de la pratique du Freestyle, comme la trottinette ou le roller. L’un des meilleurs en BMX aujourd’hui, par exemple, est Anthony Jeanjean qui vient du break dance…

©DR

Tu n’as jamais eu peur en BMX ?

Je n’ai jamais eu de grosses blessures en réalité, je n’ai jamais été opérée. J’ai seulement eu quelques fractures lors des Championnats du monde l’an dernier. J’avais appris le backflip, je le passais aux entraînements mais, la deuxième fois, je me suis cassé la main et ouvert le genou. J’ai quand même sept points de sutures à la suite de ça…

Je me suis demandée si j’allais arrêter la compét’, mais comme il était encore possible de se qualifier lors d’un deuxième tour, je me suis motivée. Aussi parce que je ne voulais pas rester sur une chute. J’ai fait comme j’ai pu pour reprendre le guidon quelques temps après pour cette nouvelle qualification. Mentalement, c’était encourageant de passer ce cap.

Dans tous les cas, dès que je me blesse, je prends le temps de me soigner. C’est rare que je force. Sauf si je sens que je peux poursuivre la saison de compétitions et que je récupère derrière.

©Mickael Bedos

Comment vis-tu le sport de haut niveau sur le plan du mental ?

J’ai déjà eu un préparateur mental de 2008 à 2012 quand je faisais du BMX racing et l’an dernier, pour le Freestyle, je suis allée voir un psychologue au CREPS. Chacun a ses outils, tu apprends des uns et des autres en voyant ce qui est le mieux adapté pour toi, c’est hyper intéressant.

Je crois que c’est aussi l’expérience qui forge le mental du compétiteur de haut niveau, notamment lors des compétitions. En tout cas, il est essentiel d’avoir un équilibre. Surtout pour les JO où tu peux vite te perdre… Et même si tu gagnes, il faut être prudent car ça suscite forcément des émotions fortes et uniques, tu peux partir en live…

Moi, je me pose toujours beaucoup de questions, j’oscille, mais j’essaye de faire la part des choses. Aujourd’hui, j’ai des outils que je sais utiliser au bon moment, quand j’en ai besoin. Dans ce cadre, le collectif m’aide énormément. C’est dans mon éducation, je ne pourrais pas faire du sport sans le partager ! Quand je vais moins bien, je sais que le groupe ou les entraîneurs pourront me remonter.

©DR

Quel est ton point fort en BMX Freestyle ?

Au niveau du mental, je dirais que c’est vraiment la gestion des compétitions, Sur un événement, logiquement, je saurai toujours me débrouiller à être à mon meilleur niveau et à réussir à le maintenir tout au long du contest.

Côté atouts physiques, j’ai l’expérience – je suis trentenaire – et donc tout un schéma intégré de préparations physiques et un physique déjà développé en ce sens. Le seul point faible à mon âge, c’est que j’ai beaucoup plus conscience du risque qu’auparavant et que si j’ai tendance à trop m’écouter, je vais avoir peur du risque.

Côté technique, j’ai une aptitude à rouler dans les gros parks de format olympique, j’arrive à tenir les runs, à bien manier mon vélo dans les gros modules et à faire les walls. Actuellement, je travaille encore ma pratique des figures comme le backflip mais sinon je fais des tours de guidon, des lâchers d’appui et des rotations

©DR

Quels sont les moments sportifs de ta carrière qui t’ont propulsée bien haut et ceux qui ont entraîné une gamelle qui t’a finalement fait raccrocher le guidon ?

Je crois vraiment que les événements internationaux tels que les Championnats du monde ou les Jeux Olympiques ont été un tremplin. Ça fait voyager en dehors de son cadre, tu découvres d’autres gens, d’autres coutumes, tu développes des liens nouveaux.

En dehors de la performance pure, le sport offre ces superbes opportunités de rencontres qui peuvent changer une vie. Ce sont de grands moments à part qui font grandir. Il faut aussi pouvoir encaisser la pression et gérer ses émotions. Mais c’est une bonne école !

©DR

Les JO de 2012 ont été un moment inoubliable pour moi. Tous les sports sont réunis en même temps, les sportifs sont au top de leur top, il y a une vraie magie parce que c’est un événement sportif rare. Je me sentais perchée sur une autre planète. Même si je n’ai pas eu de médailles alors que nous avions des chances, l’équipe et moi, j’en ai tiré beaucoup de positif même si j’ai été forcément déçue.

Les moments que j’ai moins bien vécus, c’est dur à dire, parce que j’apprécie tout en soi, même si je gagne, même si je perds. Quand tu perds et que tu prends du recul, tu vas t’en servir après dans ta vie de tous les jours. Dans le sport, il y aura toujours de bons et de mauvais moments, qui te tireront toujours vers le haut si tu parviens à les digérer. Ça te forge un caractère, ça te solidifie !

©DR

Avec une saison sacrifiée par la Covid, comment as-tu vécu les confinements ?

Ça m’a vraiment permis de voir ce dont j’avais besoin. La solitude m’a permis de me recentrer, je me suis vraiment rendu compte que j’avais besoin de partager le sport. J’ai beau aimer préserver mon espace personnel, mon équilibre passe aussi par les autres.

Sinon, j’ai essayé d’optimiser cette période, je me suis adaptée un peu comme on doit toujours le faire avec les aléas qui surgissent en compétition.

Tu ressens quoi lorsque tu t’engages dans une démonstration de freestyle ?

En fait, ce qui est génial avec le freestyle, c’est que je redécouvre le vélo… comme si j’avais dix ans ! Même si mes deux disciplines sont différentes, elles se complètent : en trouvant un nouveau riding avec le freestyle, j’ai trouvé de quoi m’amuser avec tous ces sauts en l’air, en race, je le vis comme un bonus, j’ai tout à y gagner !

Je me sens vraiment bien parce que je ne me mets pas de grosse pression par rapport à une carrière. Je ride, je m’amuse. Mais je le fais sérieusement car je m’engage dans ce sport.

Si j’ai toujours du stress aujourd’hui, même avec ce versant plus fun et plus libre du freestyle, j’arrive à identifier le bon stress et à activer ou à désactiver en fonction. Je vais jouer sur la respiration, par exemple, ou me faire un dialogue interne positif. Si je suis carrément dans le mou, mais c’est plus rare, je fais tout pour me motiver !

©FISE Mag

Pourrais-tu devenir pilote professionnelle ?

Pour moi, le freestyle, c’est vraiment un bonus dans ma carrière, je n’ai pas envie d’aller chercher des sponsors… En race déjà, je gagnais pas trop bien ma vie, la meilleure rétribution que j’ai eue, c’est 500 euros par mois. Aujourd’hui, c’est la Fédération qui nous soutient avec des aides individualisées en fonction de notre potentiel. On est classés sur liste.

Pour la suite de mon avenir professionnel, je me pose un peu la question… Comme j’ai un diplôme de kiné, je pratique actuellement en tant que remplaçante. Je suis quelques athlètes au CREPS dans des disciplines différentes de la mienne : nage en eau libre, break dance et VTT cross-country. Je passe actuellement un diplôme pour pouvoir encadrer les sportifs aussi. J’aurai ainsi plusieurs cordes à mon arc. L’idée est de transmettre, tant dans la race que dans le freestyle.

©DR

Le BMX Freestyle est une toute nouvelle discipline olympique depuis 2020 et sera donc aux JO de Tokyo en 2021. Tu y seras ?

On en est au stade de qualifications chez les filles – les garçons y vont – et on attend actuellement le calendrier. On devrait avoir deux Coupes du monde qui nous permettraient de nous qualifier. Si ça passe pas, on aura toujours avancé et on se préparera pour 2024. En tout cas, si on part aux JO en 2021, on donnera tout ! Moi, j’ai déjà l’expérience d’avoir vécu les Jeux donc, c’est un avantage et une force.

Quel est ton plus grand rêve sportif ?

Le rêve absolu, c’est une médaille olympique… Outre ce Graal, je veux surtout réussir à donner le meilleur de moi-même sur un vélo, faire le maximum de ce que je peux faire et, surtout dans cette discipline, continuer de m’amuser !

©DR

Que dirais-tu à des jeunes femmes qui n’osent pas se lancer dans le sport ou dans un sport qui peut les effrayer comme le BMX ?

Si elles en ont envie et même si elles ont peur, il faut essayer ! Et puis ne pas hésiter à aller voir d’autres filles qui pratiquent et discuter avec elles pour voir si ça les tente vraiment. Il y a beaucoup de mecs encourageants dans ce sport, il ne faut pas s’arrêter à cette peur du jugement. Moi je n’aurais jamais pensé faire du Freestyle dans ma vie, mais je sais que si je n’avais pas essayé, j’aurais regretté. Pour ne rien regretter, il faut oser !

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