Kellie Harrington La boxe comme uppercut vital

Kellie Harrington, la boxe comme uppercut vital
Elle pulvérise tous les records. Championne du monde amateure en 2018, médaillée d’or européenne 2022 et 2023, championne olympique à Tokyo et prête à squatter les rings des JO de Paris, l’Irlandaise Kellie Harrington est une bête de scène sportive. Portrait d'une ex-sale gosse devenue rôle-model.

Par Claire Bonnot

Publié le 05 décembre 2023 à 17h00, mis à jour le 14 décembre 2023 à 12h21

She’s literally a fighter. Kellie Harrington est une boxeuse sur le ring et dans la vie. Elle naît en 1989 dans les quartiers défavorisés de Dublin et n’a de cesse de se heurter à des murs avant de connaître la victoire sur les rings qu’elle pratique dès l’âge de 15 ans. Renvoyée de l’école, elle dira qu’elle était « le pire enfant qui soit », elle traînait, elle buvait. La boxe l’a relevée et révélée.

« À l’époque, dans le centre-ville, il n’y avait pas beaucoup de clubs sportifs, confie-t-elle dans la presse irlandaise. Il y avait du football, mais ce n’était pas ma tasse de thé. La boxe n’était pas un sport trop cher et c’était un lieu joyeux. Mes parents n’ont pas eu besoin de contracter un prêt pour m’acheter du matériel d’entraînement. Tout le monde venait du même milieu, on ne nous refusait pas ». Son premier combat ? Parvenir à monter sur un ring.  

Le club de boxe local l’interdit aux filles. Mais rien n’arrête l’ado déterminée. Kellie Harrington débute donc la boxe. « Dès mon plus jeune âge, tout le monde me disait « Tu vas être douée ! », j’avais un truc naturel pour la boxe, les gens l’avaient remarqué. Moi, je n’y ai jamais vraiment cru jusqu’à il y a quelques années. » C’est en effet douze ans plus tard, à 27 ans, que le « poids plume » se fait un nom, en 2016, au Kazakhstan, lors des Championnats du monde de boxe féminine.

©Kellie Harrington/Facebook

Là-bas, Kellie Harrington remporte la médaille d’argent dans la catégorie des poids légers. Sous le coup de l’émotion et de l’exaltation du combat, elle annonce haut et fort « Je reviendrai l’année prochaine et je remporterai la médaille d’or ».

Une fois rentrée à l’hôtel, elle s’en mord un peu les… gants : « C’est bien d’avoir confiance en soi, mais cela ajoute de la pression ». Pourtant, celle qui dit construire seule son destin a eu le nez fin. En 2018, la star montante des rings remporte la médaille d’or aux Championnats du monde de boxe féminine. « Je vous avais dit que je le ferais ! » dit-elle, hilare, dans une interview, comme si elle n’en revenait pas elle-même.  

Et c’est le début de la grande ascension vers le graal sportif : les Jeux Olympiques. Pourtant, en 2019, patatras, Kellie Harrington se casse le pouce à deux reprises lors de deux compétitions d’envergure. C’est la dégringolade, la désillusion. « J’étais absolument dévastée », dira-t-elle. « Quand cela s’est produit, je pensais que je ne serai jamais prête pour les qualifications. Pour moi, c’était the end of the game. Mais le Covid a frappé. Tout était sur pause et cela m’a donné beaucoup de temps pour reconstruire ma main. »

©Kellie Harrington/Facebook

Un signe, sans aucun doute. La battante est protégée par sa bonne étoile. Rétablie au sortir du confinement, elle se qualifie pour les JO de Tokyo et haut la main : elle remporte la médaille d’or. « Ça a envoyé un message à tous les concurrents de ma catégorie de poids. J’étais bel et bien de retour, prête à envoyer du lourd ! ».  

Après avoir été l’un des porte-drapeaux de l’Irlande lors de la cérémonie d’ouverture du 23 juillet, la voilà devenir l’étendard ultime de la victoire irlandaise lors de la finale du 8 août : elle bat la brésilienne Beatriz Ferreira 5-0 dans un match très serré, montant ainsi sur la plus haute marche du podium. Kellie Harrington décroche sa première médaille olympique et devient le troisième champion olympique de boxe irlandais. « Je ne pouvais pas y croire. Je n’arrive toujours pas à croire que j’ai boxé en finale et que je suis une championne olympique.  Ce que je sais, c’est que je suis entré sur le ring en sachant que j’étais au sommet de mon art et que mon adversaire aussi. Elle a été championne du monde en 2019, moi en 2018. Deux femmes au sommet se battaient pour l’or olympique. Il n’y avait aucune pression car je sentais que, peu importe le résultat, je serais fière, ma famille serait fière, mon peuple irlandais serait fier. »  

©Kellie Harrington/Facebook

Le retour à Portland Row a été incroyable, la Dublinoise a été fêtée comme un trésor national. « Le simple fait d’être ici, aux JO, et de mettre notre petite nation sur la carte, c’est un rêve », avait-elle joliment dit. Le destin de Kellie Harrington fait corps avec celui de sa ville désormais. Tout le pays est derrière elle. N’a-t-elle pas été honorée du Prix de la liberté de la ville de Dublin, un honneur seulement accordé à une poignée de femmes depuis le XIXe siècle ? 

Unique boxeuse à recevoir ce prix, elle a été désignée comme « ambassadeur et modèle inspirant » dont l’exemple rappelle « l’importance de la gentillesse envers les autres ». En 2022, elle a même eu droit à un timbre irlandais à son effigie à l’occasion de la Journée internationale de la femme. 

« Je suis plus qu’une simple boxeuse. Je suis une personne généreuse. J’ai une famille fantastique et un excellent travail à la maison. C’est ce que je suis, (la boxe et les médailles) ce n’est qu’une partie du voyage que je fais dans la vie. Ce n’est pas la destination. » Ce petit bout de femme semble soulever des montagnes tout en gardant la tête-froide. « Qui suis-je ? Je suis Kellie Harrington. Je suis toujours la même. Je m’entraîne. Je boxe. Je travaille le week-end. Je suis une ambassadrice des quartiers défavorisés du nord-est. Et j’en suis fière ».

Celle qui travaille à temps-partiel comme femme de ménage dans un hôpital de Dublin -une façon de garder les pieds sur terre, est une inspiration, un rôle-modèle pour les femmes et les enfants nourrissant des rêves sportifs. Très engagée auprès de sa communauté irlandaise, elle aide les enfants à croire en eux, notamment par le sport.

Couronnée « Femme de l’année » en 2021 – mais aussi en 2019 – lors de la cérémonie du Irish Tatler Women of the Year Awards, Kellie Harrington démontre aussi à quel point la sororité – qu’elle pratique et qu’elle loue – est un précieux boost sur les rings et dans la vie : « Je suis incroyablement fière d’avoir reçu ce prix hier soir, au milieu de tant de femmes extraordinaires venant de tous les horizons. Une salle pleine de femmes qui encouragent d’autres femmes, qui les supportent, qui aident à réparer les couronnes des autres si elles tombent. Les femmes fortes ne se détruisent pas les unes les autres, elles s’élèvent les unes les autres, elles s’aident à s’épanouir et à grandir. Nous sommes toutes tout simplement incroyables. 2021 est définitivement l’année de la femme ». Une déclaration pour laquelle on est ÀBLOCK ! 

©Kellie Harrington/Facebook

Résiliente, posée, travailleuse acharnée, Kellie Harrington est un sacré beau modèle de championne. « Je n’ai jamais d’attentes avant les tournois. J’y vais et j’espère performer. Je me concentre juste sur moi et c’est comme ça que de bonnes choses arrivent. Quand vous pouvez faire toutes les petites choses, de bonnes choses viennent après. J’adore avoir décroché cette médaille (l’or à Tokyo, Ndlr), mais il faut y aller étape par étape pour y arriver et la performance est la clé. »

Sacrifices, moments de solitude, larmes ont aussi fait partie du lot. Kellie Harrington relate toute son expérience dans son autobiographie Kellie, écrite avec Roddy Doyle, parue en 2022 et nommée « Livre sportif de l’année ». « J’espère vraiment qu’elle pourra inspirer d’autres personnes à se battre pour ce qu’elles veulent dans la vie », partage-t-elle sur son compte Instagram. L’ouvrage explore son enfance troublée, son ascension improbable vers la grandeur et son engagement chevillé au corps à vivre une vie normale en restant boxeuse amateure et femme de ménage dans un hôpital psychiatrique. 

©Kellie Harrington/Facebook

On imagine presque une « Billy Elliot » au féminin. La suite du feuilleton ? Les Jeux Olympiques 2024 à Paris qui seront historiques pour la boxeuse irlandaise. Elle a pleuré de joie lors de sa victoire en qualifications. Si elle remporte l’or, elle fera un doublé jamais réalisé en Irlande et s’offrira un très bel aurevoir puisqu’à 34 ans, elle concourra pour la toute dernière fois aux JO. « Je sais que la boxe irlandaise sera entre de bonnes mains, car il y a des gens très talentueux qui arrivent », a-t-elle confié à The Irish Times.

En attendant, Kellie Harrington se prépare à faire des étincelles ! 

Ouverture Facebook Kellie Harrington

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