Karine : « Rejouer au football après 50 ans a changé ma vie. » Adepte de football, 60 ans, retraitée

Karine : « Rejouer au football après 50 ans a changé ma vie. »
Le foot, pour elle, c'est une longue histoire. Elle s’appelle Karine Van den Eynde et a quitté sa Belgique natale il y a quinze ans pour s’installer en France. Ex-joueuse de football, elle a monté une équipe destinée aux femmes de plus de 50 ans en Dordogne. Dans le but de renouer avec le ballon rond, celui qui lui donne des ailes.

Propos recueillis par Sophie Danger

Publié le 19 novembre 2023 à 12h17

« J’ai joué au football entre mes 14 et mes 30 ans et puis j’ai arrêté. Je ne saurais dire si ça m’a manqué parce que, pendant toutes ces années, j’ai été très occupée avec l’éducation de mes enfants – j’en ai eu 5 – et je n’ai pas eu beaucoup de temps pour penser à moi.

Je suis parvenue, malgré tout, à garder un lien avec le sport en les accompagnant dans leurs activités, ou en pratiquant, avec eux, un peu de foot, de ping-pong, de badmintonC’est en lisant un livre intitulé « vieillir ensemble » qui évoquait les « Soccer Grannies » d’Afrique du Sud – terme que l’on pourrait traduire par « mamies foot » que j’ai découvert qu’il était possible de jouer au football à plus de 50 ans. 

Je savais que, passé cet âge, on pouvait continuer à avoir une activité sportive, je faisais d’ailleurs des randonnées, des circuits en vélo par exemple, mais je ne pensais pas que le football était possible. Je me suis dit : « Mais c’est génial, il faut que j’essaie de créer ça ici, en Dordogne. »

Personnellement, je n’ai gardé que de bons souvenirs de la période où j’ai joué au football et j’avais envie de retrouver ces sensations de ma jeunesse, moi qui ai du mal à accepter le vieillissement. La perspective de reprendre m’a littéralement boostée, m’a donné de l’énergie.

J’ai commencé à faire de la gym pour devenir plus souple et je me suis inscrite au café village, le café associatif de Trémolat, j’ai rencontré des femmes magnifiques, dynamiques, drôles et surtout très ouvertes d’esprit à qui j’ai commencé timidement à parler de mon idée.

Au début, la plupart d’entre elles m’ont objecté qu’elles n’avaient jamais joué au foot. Je leur ai alors proposé de prendre une photo de nous déguisées en footballeuses pour inciter d’autres femmes à me rejoindre. C’était un moment extrêmement convivial durant lequel on s’est amusées à s’inventer un nom, « les reines du foot », un clin d’œil rigolo, plein d’auto-dérision et plus flatteur que mamies foot.

Finalement, à la fin de cette session, certaines de ces femmes m’ont dit qu’elles se laisseraient bien tenter et dix d’entre elles m’ont immédiatement suivie. Après cela, j’ai contacté la mairie pour avoir une salle de sport à notre disposition. Le président du club de Calès nous a reçues à bras ouverts et prêté terrain et matériel. « Les reines du foot » est la toute première équipe locale féminine de 50 ans et plus !

Le but de notre initiative est à la fois d’inviter les clubs de football à ouvrir leurs portes aux femmes de plus de 50 ans et, dans le même temps, d’inciter des femmes à chausser les crampons, s’ouvrir à de nouvelles activités physiques sans se laisser impressionner ou freiner par l’âge qui peut être une barrière.

Pourquoi ? Il est difficile de répondre car tout le monde a ses raisons mais je pense que, sur ce sujet-là, la société nous influence sans que l’on ne s’en rende compte. L’isolement joue aussi probablement. Moi, par exemple, je vis seule, je n’ai pas d’homme dans ma vie, et parfois, l’image que l’on me renvoie de moi me fait me sentir vieille.

Depuis que j’ai monté cette équipe, mes enfants me regardent autrement, me parlent autrement, tout ça change le regard que l’on porte sur nous et, dans mon cas personnel, ça a changé ma vie.

Nous nous retrouvons aux entraînements deux fois par semaine, le mardi soir et le jeudi matin, et nous disputons également un petit match sans contact pour éviter les blessures, c’est le meilleur moment ! C’est moi qui coache notre équipe.

J’ai un peu d’expérience en la matière, mais je me suis quand même renseignée sur le sport pour seniors et je vais bientôt faire une formation auprès de la fédération de foot pour développer mes compétences, devenir formatrice et pourquoi pas, par la suite, éducatrice de football féminin.

Au début, je pensais que notre aventure serait avant tout une aventure sportive mais le côté humain a très vite pris le pas. Nous avons toutes une histoire de vie différente, nous venons toutes de classes sociales différentes, il y a des PDG à la retraite, des caissières… mais ça n’a aucune importance, nous sommes là pour jouer ensemble et nous sommes toutes devenues copines en très peu de temps.

Notre groupe a suscité l’attention de la presse, notamment de France 3 et, depuis, nous avons régulièrement de nouvelles recrues. Hier, à l’entraînement, trois femmes que je ne connaissais pas se sont présentées. Pour le moment, nous sommes 27 dont 13 déjà licenciées et le reste en attente de licence. 

À aucun moment je ne me suis attendue à de telles répercutions. Dernièrement, ma fille m’a dit : « Maman, tu ne te rends pas compte mais ton initiative est quand même assez unique » mais, moi, je n’avais pas envisagé tout ça. 

En l’espace de quatre mois, je me suis fait vingt-sept copines alors que je vis en France depuis quinze ans et qu’il n’est pas forcément facile de nouer des amitiés quand tu viens d’un autre pays. Certaines joueuses disent que, grâce à notre équipe, elles se sentent comme des jeunes filles de 14 ans, pour d’autres ça représente un challenge que d’oser apprendre ce sport, d’autres encore viennent pour rencontrer des femmes de leur âge, créer des liens sociaux, des amitiés et/ou pour l’ambiance : on rigole, on a des fou-rires, on est très bienveillantes les unes envers les autres.

On sait que beaucoup d’entre nous n’ont pas d’expérience du football, l’idée est de les encourager et il y a déjà beaucoup de progrès même si, le plus important, c’est le plaisir.

Tout cela ne nous n’empêche cependant pas de rêver que notre initiative prenne de l’ampleur pour organiser des rencontres amicales, sans compétition. Ça nous ouvrirait encore plus de portes, on pourrait se voir en déplacement, dans un minibus, en chantant des chansons !

On verra, ce qui est certain c’est que nous avons reçu beaucoup de soutien. Les maires sont venus nous voir et nous encouragent tout comme Éric Lacour, le Président du District Football Dordogne-Périgord, qui est venu à notre rencontre début octobre pour faire connaissance et nous féliciter. Nous avons également eu des articles dans les gazettes locales. Grâce à tout cela, Joëlle, une de nos joueuses, a été reconnue par un vendeur lorsqu’elle est allée s’acheter des chaussures de football !

C’est génial, mais il ne faut surtout pas oublier pourquoi j’ai voulu faire ça : pour pratiquer une activité physique. Grâce au football, on améliore notre coordination, notre équilibre, notre endurance, notre adresse et on partage cette expérience toutes ensemble.

Le futur ? Nous commençons à réfléchir à la création d’un logo, nous envisageons de trouver des survêtements si jamais nous sommes amenées à nous déplacer, je réfléchis à diversifier les entraînement avec du futsal et du fit foot pour continuer à motiver les « reines » et apprendre de nouvelles choses

Nous avons plein d’idées alors, pourquoi ne pas aller plus loin, toujours modestement, pour prolonger cette aventure. » 

Elles aussi sont inspirantes...

Maureen : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Maureen Marchaudon : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Suite à une anorexie mentale, Maureen Marchaudon découvre la pratique du street workout, un sport encore jusque-là réservé aux gros bras masculins. Piquée de ces figures qui allient force, agilité et technique, elle devient vite insatiable jusqu’à décrocher le titre de vice-championne de France 2024 de street workout freestyle et à l’enseigner aux femmes qui veulent r(re)trouver la confiance en elles. Who run the world ? Girls !

Lire plus »
Noëlie : « Quand je roule, c’est un sentiment de liberté et de joie qui m’anime. »

Noëlie : « Quand je roule, c’est un sentiment de liberté et de joie qui m’anime. »

Maman d’un enfant en bas âge, la trentenaire Noëlie n’a pourtant jamais lâché le guidon et s’est fait une place de choix dans le monde du vélo. Son prochain défi ? La course reine de l’ultra-cyclisme, la RAF 2500km, sans assistance et en totale autonomie. Avec sa coéquipière Elsa, elles seront le premier duo féminin de toute l’histoire de la RAF. De vraies Indiana Jones au féminin !

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Les « Cholas » et le skate, une affaire qui roule

Les « Cholas » et le skate, une affaire qui roule

Sur leur planche, elles sillonnent le pays en tenue traditionnelle. Ces jeunes skateuses boliviennes ont ainsi trouvé comment revaloriser leur héritage indigène et lutter contre les discriminations. Rencontre avec Estefanny Morales et Suzan Meza, deux membres du groupe ImillaSkate.

Lire plus »
Jessica Vetter

Le Tuto de Jess : Routine abdos chrono

En 8 mn, 4 exercices, 40 sec de travail, 20 sec de récup’ et 2 tours ? On muscle notre sangle abdominale en un rien de temps et c’est tout benef’. Je me présente, je suis Jess Vetter, athlète et coach. Je partagerai, une fois par mois sur ÀBLOCK!, des exercices simples mais efficaces pour les débutants et/ou les pratiquantes plus aguerries (les gars, vous êtes conviés aussi !). On commence avec une routine d’abdos fastoche. Ready ?

Lire plus »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une femme oiseau qui prend son envol, deux basketteuses prêtent pour un rêve américain, une actrice nouvelle star du fitness (Kate Hudson sur notre photo), une combattante bientôt aux JO, le sport en question ou deux initiatives qui prennent leur pied, c’est le programme de la semaine sur ÀBLOCK!

Lire plus »
Djelika Diallo, le diamant brut du para-taekwondo français

Djelika Diallo, le diamant brut du para-taekwondo français

En à peine cinq ans, cette fusée du para-taekwondo made in France, porteuse d’un handicap de naissance, est devenue une incontournable de la discipline. Double vice-championne d’Europe en 2023 et 2024, elle squatte les tatamis d’entraînement sans relâche pour réaliser son vœu le plus cher : décrocher une médaille olympique !

Lire plus »
Manon Genest

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une athlète d’exception et maman épanouie qui se confie sans langue de bois (Manon Genest sur notre photo), une cycliste qui se lance dans un défi fou, notre marathonienne préférée qui se frotte à la piste et notre rubrique Kids, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Bon rattrapage !

Lire plus »
Une georgette ? Cékoiça ?

Une Georgette ? Cékoiça ?

En selle, cavaliers ! Notre petit lexique pratique pour mieux comprendre le langage des coachs s’offre une échappée dans l’univers de l’équitation. Et je demande le G…comme Georgette.

Lire plus »
Griedge Mbock, le cadenas tricolore

Griedge Mbock, le cadenas tricolore

C’est toujours le même refrain : en football, la défense française est un casse-tête pour les attaquantes. Et quand ce n’est pas Wendie Renard que l’on craint, c’est Griedge Mbock ! La jeune défenseure brille depuis belle lurette sur les pelouses et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Lire plus »
Alexia Cerenys : « Origine, sexualité, identité… en rugby on s’en fout ! »

Alexia Cerenys : « Origine, sexualité, identité… en rugby, on s’en fout ! »

Elle est née dans un corps d’homme et s’est longtemps servie du rugby comme d’un exutoire. Alexia Cerenys, 35 ans, est la première joueuse transgenre à évoluer dans l’élite féminine. La troisième ligne de Lons, dans les Pyrénées-Atlantiques, est une femme engagée qui veut désormais montrer à tous et toutes que sport et transexualité peuvent naturellement fonctionner de pair. Rencontre avec une militante qui a brillamment transformé l’essai.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner