JO 1964 Quand la nageuse Dawn Fraser a voulu chiper le drapeau olympique

JO 1964 : quand la nageuse Dawn Fraser a voulu chiper le drapeau olympique
À Tokyo, en octobre 1964, l'Australienne Dawn Fraser confirme son statut de légende de la natation. Son conflit avec les autorités sportives de son pays va lui aussi atteindre des sommets, jusqu'à la rupture. Pour Miss Fraser, la Fédération australienne de natation est plus impérialiste que l’Empereur du Japon.

Par Quentin Haton

Publié le 18 juin 2024 à 16h21

Les règles pour Dawn Fraser, ça n’a jamais été son dada. Et les Jeux Olympiques d’été qui eurent lieu entre le 10 et le 24 octobre 1964 au Japon vont être pour elle un formidable terrain de rébellion. C’est la première fois que le continent asiatique accueille l’événement et le succès est au rendez-vous : deux millions de billets sont vendus sur les différents sites olympiques.

C’est dès la cérémonie d’ouverture que Dawn Fraser déjà auréolée de nombreux titres fait des siennes. Elle ne devait pas y assister étant en compétition le lendemain, mais la nageuse n’en fait qu’à sa tête et se place en première ligne, affront au Comité olympique australien qui n’apprécie guère l’ingérence.

Pendant les qualifications du 100 mètres, Dawn Fraser aggrave la situation en arrivant à la piscine vêtue d’un vieux survêtement qu’elle juge plus confortable que celui, tout neuf, de l’équipe australienne. De quoi contrarier la fédération, les sponsors, mais aussi la presse qui en fait ses choux gras.

Mais le mieux (le pire ?) est à venir.

©Olympics

Née le 4 septembre 1937 à Balmain, près de Sydney, en Nouvelle-Galles du Sud, Dawn Fraser est la première nageuse à remporter un titre olympique lors de trois éditions consécutives des Jeux. Elle obtient la médaille d’or sur le 100 mètres nage libre en 1956, 1960 et 1964, devenant également la première à « casser » le mur de la minute sur cette distance.

Lors de ces JO de Tokyo 1964, après avoir remporté l’or dans l’épreuve du 100 mètres nage libre et l’argent en relais 4 x 100 mètres nage libre, la championne de natation, avide de souvenirs supplémentaires, décide de viser quelque chose de plus grand que les médailles.

À la veille de la cérémonie de clôture, elle s’embarque dans une expédition nocturne accompagnée de Desmond Piper, un hockeyeur sur gazon australien, et Charlie Morris, médecin de la délégation. Leur mission est simple : trouver un, voire plusieurs drapeaux olympiques, en guise de souvenir d’un moment de gloire.

Contrairement à la légende, ce n’est pas Dawn Fraser, mais Desmond Piper, qui a réalisé le vol du drapeau. Fraser et Morris l’ont hissé le plus haut possible et Piper a arraché deux drapeaux situés sur le parvis du Palais impérial, juste sous les fenêtres de l’Empereur Hiro Hito. Sauf que des gardes les repèrent et se lancent à leur poursuite. Dans l’obscurité, Dawn Fraser, sans doute plus agile dans l’eau que sur terre, saute par-dessus un muret et se blesse à la cheville.

Les autorités retrouvent la championne et l’arrêtent sur-le-champ. La police explique à Dawn Fraser que l’accusation de vol, qui plus est devant le Palais impérial, est passible d’une peine de prison. Elle doit donc rester à disposition des autorités. Après avoir présenté ses excuses, la nageuse retourne se reposer à l’hôtel.

Quelques heures plus tard, alors qu’elle se prépare pour se rendre au Stade olympique, on toque à la porte de sa chambre. C’est la police. Miss Fraser craint d’être arrêtée. Au lieu de ça, les agents lui déposent une grande boîte remplie de fleurs sous lesquelles se trouve soigneusement plié un drapeau. Selon la légende, l’empereur Hiro Hito, après avoir été informé de l’incident et s’en être amusé, aurait demandé expressément que le drapeau olympique soit offert à Dawn Fraser. Et, soulagement, les poursuites contre la nageuse sont abandonnées.

©Wikipedia

Pour autant, l’incident provoque un scandale au sein du village olympique. La Fédération australienne de natation se sent humiliée par le comportement de son athlète vedette. Elle décide de prendre des mesures drastiques. Entre le vol de drapeau, l’infraction inaugurale et le refus de porter la tenue officielle, la nageuse risque cher. Fraser est suspendue pour une période de dix ans, une sanction qui secoue le monde du sport et choque l’opinion publique.

Quelques mois plus tard, la Fédération australienne revoit sa sanction et réduit la suspension de Dawn Fraser à quatre ans. Malgré ça, l’athlète reste amère envers les dirigeants. Elle estime qu’ils ont été plus impérialistes que l’Empereur lui-même.

Finalement, animée d’un sentiment de déception et de frustration, Dawn Fraser se retire des compétitions officielles. Pour elle, l’incident a mis en lumière les tensions et les conflits au sein de la Fédération. Cette histoire inhabituelle qui aura fait couler une icône laisse une marque indélébile dans les annales des Jeux Olympiques.

Ouverture ©IOC

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