Rares sont les sports qui peuvent se targuer d’avoir davantage de licenciés féminins que masculins. Le premier d’entre eux, en France, c’est l’équitation. La fédération compte en effet 585 000 femmes pour un total de près de 690 000 licenciés. Autant dire que c’est écrasant.
Mais qu’en est-il des courses hippiques ? Car oui, attention à ne pas confondre équitation et courses, vous risquez de vous prendre un coup de cravache ! Les secondes ont leur propre organigramme, indépendamment de la fédération d’équitation, composé de la Fédération Nationale des Courses Hippiques qui œuvre notamment avec France Galop et la Société du Trotteur Français, entités en charge chacune de leur discipline.
Et si l’on zoome sur la place des jeunes filles dans cet univers, on citera également l’Association de Formation et d’Action Sociale des Ecuries de Courses, l’AFASEC. Cet organisme s’occupe de la formation des futurs aspirants salariés dans le milieu des courses hippiques. Bac Pro, CAP, BTS… Les jeunes inscrits à l’AFASEC sont plongés dans le bain dès leur arrivée dans cette école.
Mais alors, est-ce que cette tendance « féminine » chez les licenciés de la Fédération Française d’Equitation se retrouve également sur les bancs de l’AFASEC ?
« Nous sommes à 71 % de filles, rapporte Charlotte Camps*, responsable communication de l’AFASEC. » Le tout sur plus de 700 inscrits dans les cinq campus présents en France.
Florence Pierret, cheffe d’établissement de l’AFASEC de Boissy-Saint-Léger, confirme : « Sur 105 apprentis, nous avons près de 80 % de jeunes filles. Cela fait environ dix ans que nous en sommes à ces chiffres, ça n’évolue plus. Ce serait pourtant bien de se rapprocher davantage d’un équilibre filles-garçons. » Là aussi, c’est donc écrasant.
Avec 85 % d’insertion professionnelle, l’AFASEC est le vivier en salariés d’un milieu qui en perd petit à petit. D’après les chiffres de l’Observatoire Social de l’Activité d’Entraînements de Chevaux de course, la population totale de salariés dans le milieu des courses hippiques a diminué de 3,8 % en dix ans.
Mais la bonne nouvelle, c’est que les femmes n’ont jamais autant tenu les rênes ! Leur proportion a augmenté de 22 % en dix ans dans ce même milieu, représentant donc 41,5 %. En 2023, 62,5 % des salariés de moins de 30 ans des mondes du trot et du galop confondus étaient des femmes, un chiffre qui a augmenté de près de plus de 10 % par rapport à 2022.
Dans les classes de l’AFASEC, les filles sont en très grande majorité.
Une augmentation que l’on retrouve particulièrement chez les jeunes filles de moins de 21 ans. Toujours par rapport à l’année 2022, le galop a vu une augmentation de 39,8 % de son nombre de salariées de cette catégorie d’âge. Le trot n’est pas en reste, avec une hausse de 29,9 %.
Mais à quels postes retrouve-t-on ces jeunes salariées ?
« En fonction de leur niveau et de leur choix de formation, les étudiants de l’AFASEC en apprentissage occupent majoritairement les postes de cavalières d’entrainement ou encore de soins des chevaux de l’écurie, explique Charlotte Camps. À leur sortie de l’école, la plupart sont cavalières d’entrainement et les meilleures deviennent jockeys. Celles qui préfèrent travailler à côté du cheval s’orientent vers les soins ou parfois vers le transport des chevaux de courses. »
« Nos étudiantes n’aspirent pas toutes à devenir jockey ou driver, complète Florence Pierret. Une majorité nous dit préférer s’occuper des chevaux dans l’écurie et ne pas être attirées plus que ça par la compétition, contrairement aux garçons. »
Un manque d’intérêt pour la compétition que reflète le déséquilibre entre cavalières et cavaliers dans cet univers exigeant. L’une des raisons ? Les critères de poids stricte qui rend le passage vers le haut-niveau en tant que jockey plus complexe pour les femmes. Mais le changement semble être en marche : « Si l’on retrouve moins de jeunes femmes jockeys, elles accèdent néanmoins à cette profession plus tardivement, explique Charlotte Camps. Aujourd’hui, on compte environ 100 femmes jockeys contre 550 hommes jockeys dans la discipline du galop. L’équilibre n’est pas encore atteint, mais la tendance évolue en ce sens. Le Code des courses leur accorde désormais une décharge de poids de 1,5 kg, un avantage qui encourage les entraîneurs à leur confier davantage de montes en compétition. » Cette évolution est plus lente dans la discipline du trot, mais cela n’empêche pas certaines de rêver très grand…
Malgré les difficultés pour les femmes de s’imposer au haut-niveau, Amel compte bien briller dans sa discipline du trot monté.
Une autre des raisons qui freine les jeunes filles lorsqu’il s’agit de concourir est à chercher du côté de la vie privée : « Travailler dans les courses hippiques, peu importe son emploi précis, est très exigeant et chronophage, reconnaît Florence Pierret. Je pense que les femmes s’éloignent de ce milieu au moment de fonder une famille. »
« Elles sont en moyenne plus diplômées que les hommes -BAC Pro contre CAPA pour ces derniers-, ce qui leur offre davantage d’opportunités de transition professionnelle, explique Charlotte Camps. Elles peuvent ainsi évoluer vers des métiers connexes aux courses hippiques, tels que la communication, la vente ou encore la gestion administrative, tout en restant dans cet univers. Les trajectoires professionnelles montrent également qu’elles réintègrent souvent le secteur des courses hippiques avant la quarantaine, avant de s’en éloigner définitivement par la suite et le conserver, parfois, comme loisir. »
Les chiffres de l’Observatoire Social de l’Activité d’Entraînements de Chevaux de course témoignent tout de même de la forte baisse du nombre de femmes salariées dans le milieu des courses hippiques une fois la trentaine passée (voir le graphique ci-dessous).
Avec le temps, les femmes semblent se tourner vers d’autres horizons professionnels que celui des courses hippiques.
Quoi qu’il en soit, les jeunes filles représentent le (premier) pilier dans ces univers du trot et du galop. Pas toujours sur le devant de la scène, elles prennent leur place et de belle manière dans des fonctions de l’ombre, mais essentielles. Avec le travail engagé pour qu’elles aient davantage de chances de pouvoir participer à des compétitions, on peut espérer en voir plus d’une briller sur sa monture. En selle !
Amel, apprentie lad-jockey à l’école de Grosbois, dans le Val-de-Marne, nous embarque dans son monde du trot.
* Les réponses apportées par Charlotte Camps ont été compilées avec le concours de la Directrice de l’Emploi de l’AFASEC, Elise David, et de la Directrice nationale de la Formation de l’AFASEC, Corinne Rougeau-Mauger.
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