« J’ai toujours pratiqué le sport : j’ai commencé par un peu de gymnastique mais c’est ensuite la natation qui l’a emporté ! Et j’en fait toujours, mais moins côté compétitions. J’ai appris à nager dans la piscine municipale. Et, après, j’ai vite repéré le club qui s’entraînait à côté. À 10 ans, je m’y suis inscrite. Le coach m’a faite nager directement avec les grands. Après ça, mon rythme, c’était une compet’ toutes les deux semaines. Je suis allée jusqu’en National 3, les multinationaux. J’aimais bien la natation, je trouve que ce n’est pas un sport comme les autres. Et puis le fait d’être dans l’eau, c’est un bonheur, ça permet de se vider la tête ou, a contrario, de penser aux choses auxquelles on n’a pas le temps de penser quand on est dans la vie de tous les jours. C’est aussi un sport qui utilise relativement tous les muscles du corps, donc ça me permettait -et ça me permet encore aujourd’hui- d’être complète au niveau physique. L’ambiance entre les nageurs est extra aussi : on est très solidaires les uns des autres, on s’encourage.
Et puis, il y a deux ans, alors que j’étais en classe de seconde, je décide de m’inscrire dans une salle de sport. Je continuais la natation mais j’avais envie d’autre chose. Avec tout ce qui se passait sur les réseaux, les fitness girls tout ça, j’avais toujours eu envie d’essayer la salle. C’était un moment où je n’étais pas forcément bien dans ma tête, donc je me disais qu’il fallait que je fasse un sport en plus pour pouvoir évacuer. C’est là que j’ai commencé la musculation. Je suis devenue vraiment accro à ça, c’était presque une maladie, une mauvaise addiction pour le coup.
J’ai fait ça pendant un an et demi, mais tout a changé quand j’ai rencontré Jean-Claude, celui que j’appelle désormais « papy ». Il est dans les Masters en powerlifting, il a engrangé beaucoup de titres de champion de France, a fait vice-champion d’Europe dernièrement et troisième aux championnats du monde en 2024. Il m’a très vite dit que j’avais les capacités pour aller plus loin et faire de la force athlétique, mais je voulais décider seule. Et puis, un jour, je me suis lancée : j’ai fait mes max dans les trois mouvements, en squat, en développé couché et en soulevé de terre. C’était parti ! Un de mes potes de la salle, Axel, voulait se lancer en coaching, il m’a dit qu’il me prendrait sous son aile avec grand plaisir. Axel et Papy, c’est un peu mon équipe, ma garde rapprochée pour performer. J’ai donc su réguler tout ça grâce aux entraînements préparés de mes coachs.
J’ai commencé en décembre 2024. Et c’est la première fois que je ressentais quelque chose d’aussi fort pour un sport. On pourrait penser que c’est un sport individuel, mais c’est tout le contraire. On est encore plus solidaires qu’en natation. On est tous là à s’encourager, à se motiver. Ce bon esprit, ça me plaît vraiment. Et j’adore aussi ce sport parce que je suis très bien accompagnée : je passe de super moments à l’entraînement. Et oui, il faut le dire, j’aime sûrement ça parce que j’ai été bonne dès le début ! Je me sens forte, entre guillemets, mais en même temps, je ne veux pas me dire que je suis forte pour ne pas prendre la grosse tête… Et puis, je crois que je ne me rends pas compte de ce que je fais, de mes performances, de ce que je soulève. Je ne sais pas si, un jour, je m’en rendrai compte. Alors, certes, j’ai eu un titre de championne de France il n’y a pas longtemps, mais pour moi, je ne suis pas la championne de France, je suis Ambre.
J’ai une histoire d’amour avec le squat. C’est mon mouvement de prédilection. Je suis un peu une spécialiste dans ce mouvement. Je sais que je donne tout pour le squat. C’est une flexion de genoux, en gros : on vient se baisser et puis on remonte avec la barre. Quand il faut que je remonte, moi, je me dis : « T’as juste à pousser, pousse, parce que sinon, la barre t’écrase ». Peut-être que cette force me vient du fait que je ne veux pas laisser tomber, comme dans la vie. Il y a des moments où ça fait mal de faire ça, mais je pars du principe que si ça fait mal c’est parce qu’il faut s’améliorer. Donc je ne considère pas ça comme de la souffrance. Pour moi, ce n’est pas une souffrance physique, c’est une lutte mentale.
Après une compétition, je sais que j’ai des petites baisses de morale et de confiance en moi. Je crois que c’est le fait qu’il y ait eu beaucoup d’adrénaline et que tout retombe d’un seul coup. Mais justement, grâce à Papy et Axel, je retrouve le bon chemin : ils me disent que je suis jeune et que j’ai encore plein de choses à accomplir. Papy me dit souvent que je suis sa « championne », ça me booste.
À côté de mes deux « coachs » – qui, je le sais, ont une totale confiance en moi et seraient prêts à tout mettre sur la table pour moi – je vois un préparateur mental pour essayer de canaliser mes pensées et arriver à réguler ce que je ressens. Parce que j’ai un souci : je garde tout pour moi. Et du coup, forcément, à un moment, ça explose… Je travaille donc sur l’estime de soi, la confiance en soi et ce que ça engendre sur mes performances. Étonnamment, quand je suis en compétition, je ne doute plus du tout. J’y vais, je ne réfléchis pas, et je pousse.
Deux semaines avant une compétition, je sais que je commence à être un petit peu stressée, sur les nerfs, énervante, quoi. … Et j’ai du mal à dormir, je suis entre l’excitation et l’appréhension. Du coup, j’écoute de la musique – généralement, Linkin Park, ça me donne littéralement de la force ! – avant de monter sur le plateau, là où on effectue les mouvements. Puis, je stoppe pour écouter les derniers conseils de mon coach, Axel. Et après, j’y vais et je donne tout.
J’ai été sacrée championne de France de Powerlifting en avril 2025. Ça m’a vraiment permis de débloquer une étape dans ma tête car je me suis dit que j’avais des capacités pour aller loin. Forcément, ça me motive encore plus. À aller plus loin, plus haut. Je suis donc championne de France sub-junior des -76 kg, c’est-à-dire des moins de 18 ans, avec des records sur le squat. J’ai commencé le powerlifting en décembre 2024, donc tout ça s’est fait assez rapidement. J’ai eu la chance d’être tout de suite prise en charge par des personnes compétentes et qui avaient les capacités pour me faire progresser, je sais aussi que quand j’aime quelque chose, je me donne à 100 %. Donc ça a forcément joué dans ma progression !
Ce qui est bien avec la force athlétique, c’est qu’il y a de plus en plus de femmes qui pratiquent. Il n’y a pas de misogynie, je trouve. Et moi, je ne me suis pas du tout sentie à l’écart parce que j’étais une fille. Mes copains de la salle de sport m’ont tout de suite intégrée dans le groupe de la force. En fait, c’est un milieu très bienveillant même pour ceux qui débutent, qui font des perf’ relativement basses. À aucun moment, quelqu’un viendra les critiquer. C’est très familial comme milieu.
Après, j’ai plutôt eu des freins de l’extérieur. Une partie de ma famille n’est pas du tout pour. Je ne vais pas dire que ça ne me fait rien, mais ça me passe au-dessus, c’est mon sport, c’est moi qui décide, c’est mon corps. Mais il y a aussi une autre partie de ma famille qui est à fond derrière moi et qui me supporte. C’est-à-dire qu’ils ne comprennent pas forcément le principe de la FA, ils n’aiment pas vraiment ça, mais ils sont contents pour moi. Après, je peux comprendre, c’est un sport qui est, je ne vais pas dire « spécial », mais le fait de lever des poids, je comprends que ça ne puisse pas plaire à tout le monde.
Au départ, je voulais aller à la salle pour me muscler et m’affiner. J’étais dans l’optique « fitness girl », justement. Quand j’ai commencé la force, forcément, j’ai développé des muscles qui ne l’étaient pas et ça a changé mon corps : j’ai pris des cuisses, j’ai développé un tronc plus solide par rapport à avant. Mon objectif est d’être perfomante désormais même si mon objectif n’est pas non plus de ressembler à une bodybuildeuse. Je suis bien dans mon corps et dans ma tête actuellement, bien plus qu’avant.
Je partage de plus en plus sur les réseaux sociaux car je pense que c’est important de valoriser l’image de la femme dans ce sport qui est relativement masculin. En tant que femme, tu peux soulever aussi lourd qu’un homme ou quasi, même si on sait que, après, c’est l’anatomie qui nous différencie. Ça, on n’y peut rien. Mais on est sacrément fortes ! Et puis, on se suit tous sur les réseaux sociaux en force athlétique, de près ou de loin. Ça nous motive ! Moi, j’ai une idole féminine en FA, c’est Laura Mautalen. Une athlète très, très forte, qui a réussi à s’imposer dans ce milieu. En -76kg, elle est deux fois championne du monde et trois fois championne de France. Il y a aussi Clara Peyraud, championne d’Europe Open 2025, en -76kg. Il y a pas mal de femmes qui performent en fait !
Grâce à la force athlétique, j’ai développé des traits de mon caractère comme ceux d’avoir de la détermination et de la motivation aussi. Et aussi, je me bats plus, je suis beaucoup plus dans la compétition quand quelque chose me tient à cœur. J’ai acquis un vrai mental de battante ! Avant, en natation, je donnais ce que j’avais : si je gagnais, tant mieux, sinon, tant pis. Là, en FA, dans ma tête, si j’y vais, c’est pour les bouffer, pour être sur la première place. Il n’y a pas de place pour moi sur la deuxième marche du podium.
Mon rêve serait d’intégrer l’équipe de France. Je pense que je vais réussir à combiner études et sport. L’année prochaine, normalement, je pars en école de sous-officiers dans l’Armée de l’air pour devenir mécanicienne sur les avions. Le sport a toujours été très important dans ma vie, c’est un pilier, ça fait partie de mon équilibre de vie. Il n’y a pas un jour où je ne pense pas au sport ou ne passe pas un moment à en faire. J’aurais beaucoup de mal à arrêter si je le devais. Au début, ça peut paraître repoussant une salle de sport pour une fille, on se dit que c’est un endroit rempli de testostérone, mais il faut oser franchir le pas parce qu’en vrai personne ne va te regarder, tout le monde est concentré sur sa séance. Et ça va te permettre de faire des rencontres de folie – amicales ou amoureuses. Si t’aimes, fonce, continue, si t’aimes pas, au moins tu n’auras pas de regrets, t’auras essayé ! »
- Le palmarès d’Ambre en Powerlifting : Championne de France 2025 Sub-Junior en catégorie -76 kg / Record de France de squat 172.5 kg (ancien record 157.5) / Première compétition : première au total, troisième à l’indice.
- Pour soulever du lourd avec Ambre, on la suit sur son compte Instagram @ambre.pwr
Ouverture ©White Lights Media
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