Lisa : « Grâce au Wu Dao, je suis moins vulnérable. Avant, on m’effleurait la joue et j’étais pétrifiée… »Pratiquante de Wu Dao, 37 ans, illustratrice

Lisa Lugrin
Telles ses héroïnes badass en BD, les Jujitsuffragettes, qui ont profité de cet art martial pour se défendre par le passé, Lisa Lugrin, illustratrice, a fait de sa pratique du Wu Dao un chemin vers l’affirmation de sa puissance. Un témoignage de zénitude qui passe par des coups bien placés !

Propos recueillis par Claire Bonnot

Publié le 24 novembre 2020 à 17h08, mis à jour le 29 juillet 2021 à 14h41

« Je ne suis pas spécialement sportive, mais je suis tombée amoureuse du Wu Dao dès que j’ai découvert cet art martial. J’allais dans une salle faire du yoga, mais le cours n’était pas super et il y avait du Wu Dao juste à côté. J’ai trouvé le nom bizarre, ça m’a intriguée… Et j’ai accroché dès les premiers cours.

C’est un art martial assez diversifié qui ressemble au Kung-fu et au Karaté. Le directeur de mon école intègre aussi d’autres disciplines telles que le Yoga, le Chi-gong et le Tai-chi à sa pratique martiale et c’est ce qui m’a plu, car c’est une discipline sportive très complète qui offre aussi de travailler sur soi, en profondeur.

On apprend à se contrôler via la respiration et l’afflux énergétique par exemple, une maîtrise que l’on utilise ensuite en pratique dans l’art martial. Si quelqu’un est agressif, il va apprendre à se maîtriser et si quelqu’un est trop introverti, il va apprendre à aller davantage vers les autres. C’est vraiment la recherche d’un équilibre.

Lisa Lugrin
©Lisa Lugrin pour ÀBLOCK!/DR

Les cours débutent par un temps de méditation assez court pour couper avec le monde extérieur, oublier notre vie autour et se concentrer sur ce qu’on va faire.

Ensuite, vient un échauffement assez long où l’on part de la tête et l’on descend jusqu’aux pieds via des étirements, du gainage, des mouvements pour les articulations et du cardio. Le travail des abdominaux est très important aussi car on tape dans le ventre à chaque séance. Il faut le gainer pour le protéger.

Enfin, on s’attaque aux enseignements codifiés – l’équivalent des Katas en judo – des techniques de combat à mémoriser. On donne des coups de pieds, des coups de poing, on tape dans les abdos et dans les jambes.

Ce n’est pas un combat très réaliste dans le sens où on n’a pas le droit de frapper à la tête, par exemple, et qu’on doit faire très attention aux articulations de son adversaire. Le but n’est pas de se faire mal, mais il arrive qu’on ait des bleus, oui !

Il y a une mise en pratique des jolis gestes et enchaînements que l’on doit apprendre. Même si on fait très attention, il y a toujours un peu de peur, un peu de douleur. Et je trouve que ça fait du bien car ça nous apprend à réagir et à se connaître face à des situations que l’on vit rarement, mais ça pourrait arriver.

Lisa Lugrin
©Lisa Lugrin/DR

Ce qui est génial dans ce sport, c’est qu’il n’y a pas de culte de la performance, tous types de pratiquants peuvent s’y mettre. Là où je pratique, il y a des gens un peu ronds, un peu âgés, pas forcément dans le moule du sportif. La bienveillance est le maître-mot et le but est que chaque personne progresse vis-à-vis d’elle-même.

Sur le plan physique, ça me fait un bien fou de faire travailler des parties de mon corps auxquelles je ne pensais plus et dont je ne me servais plus. Quand on donne un coup de poing, on ne pense qu’au poing, mais, en fait, ça part de la hanche et donc on doit s’ancrer dans le sol avec les jambes. Tout simplement aussi, je me sens plus costaud, par exemple, pour porter les enfants ! Je suis ceinture noire aujourd’hui.

Au tout début, je l’ai vécu comme une psychanalyse qui passait par le corps. Lors du premier cours, j’ai appris à ne plus avoir le réflexe de reculer ou fuir quand j’allais me prendre un coup, mais plutôt d’aller sur le côté, par exemple.

Dans les combats, on m’a vite fait comprendre qu’il fallait être moins stressée et moins tendue et c’est impressionnant comme on devient plus alerte !

Dans la vie, c’est pareil, quand on arrive à être plus zen, on est bien plus efficace, ce sport s’applique à la vie réelle.

Lisa Lugrin
©Lisa Lugrin/DR

Moi, je suis petite – je fais 1,60 mètre – et je ne suis pas très lourde. Je n’ai jamais eu l’impression d’être passée du stade d’enfant vulnérable à celui de personne adulte parce que je suis toujours restée dans la catégorie du gabarit « vulnérable ».

Là, ça a changé énormément de choses pour moi, je me sens beaucoup moins en danger. Je ne pourrais absolument pas me battre, mais je perds beaucoup moins mes moyens parce que j’ai l’habitude de prendre des petits coups. Avant, on m’effleurait la joue et j’étais pétrifiée.

Aujourd’hui, je sais que mon corps est puissant et qu’il peut supporter plus que je ne pensais ! Ça m’a beaucoup apporté dans ma vie de femme, ça me permet de m’affirmer dans le travail et dans ma vie de couple, de ne plus avoir peur dans la rue aussi. Je suis un peu plus combative !

En pratiquant un art martial, on se rend compte qu’on n’est pas moins forte que les autres et que tout se passe beaucoup dans la tête. Je crois que, psychologiquement, ça permet de franchir une étape.

L’art martial, à l’inverse de la boxe par exemple, repose vraiment sur la justesse du mouvement et non la force. Il m’arrive de combattre avec des gens qui font le double de mon poids et je peux les faire tomber, juste en me positionnant bien.

Ce que je dirais aux femmes qui n’osent pas ? Si moi, avec mon petit gabarit, j’y arrive, tout le monde peut y arriver ! »

  • Lisa Legrain est illustratrice, auteure de bande dessinée, cofondatrice des éditions Na, elle travaille principalement avec Clément Xavier et a signé avec lui la BD : « Jujitsuffragettes, Les Amazones de Londres », Éditions Delcourt, septembre 2020. 

Elles aussi sont inspirantes...

Lison Bornot : « Je veux mettre en avant l’Ultimate. C’est lui qui m’anime. »

Lison Bornot : « Je veux mettre en avant l’Ultimate. C’est lui qui m’anime. »

Avec sa sœur Éva, elle truste les premières places depuis 2015 en Ultimate. Membre essentiel de l’équipe de France, Lison Bornot est Championne d’Europe outdoor 2023 et championne du monde d’Ultimate sur sable 2023. La voici maintenant en piste pour les World Games, l’antichambre des JO, qui se déroulent en Chine, du 7 au 17 août 2025. Témoignage d’une fille pétillante devenue l’une des ambassadrices françaises d’un sport trop peu connu.

Lire plus »
Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

En à peine trois ans, cette passionnée de vélo a décroché un podium sur 500 kilomètres et bouclé sa première course d’ultra, la fameuse BikingMan, en tant que première féminine. Carburant aux défis, pédalant sans relâche, surmontant tous les obstacles grâce à un mental d’acier, la Savoyarde n’a pas fini d’enfiler les kilomètres dans ce sport de l’extrême. En piste !

Lire plus »
Emelyne Heluin: « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Emelyne Heluin : « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Gymnaste jusqu’à son adolescence, Emelyne Heluin a dû raccrocher le justaucorps après une prise de poids inexpliquée et d’autres symptômes invalidants. Diagnostiquée d’une maladie endocrinienne chronique et évolutive, le SOPK, à l’âge de 17 ans, elle erre pendant des années entre perte de confiance en elle et détresse psychologique avant de retrouver le chemin du sport comme outil de santé. Ce sera la marche, puis la course à pied jusqu’à se lancer sur des marathons.

Lire plus »
Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Lauriane Lamperim

Le questionnaire sportif de…Lauriane Lamperim

Sept fois championne de France et multi-médaillée internationale en tumbling, Lauriane Lamperim s’est offert une deuxième vie de sportive après avoir subi une grave blessure sur les tapis. C’est aujourd’hui sur l’eau qu’elle glisse. Elle a pris le temps de remplir notre petit questionnaire entre deux vagues.

Lire plus »
Justine Pedemonte : « Je fais de la moto, je suis une fille… au lycée, ça fait parler. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une histoire de raquettes et volants, une femme engagée qui donne de la voix pour réparer les corps, le retour des Kids (avec la pilote moto de 16 ans, Justine Pedemonte) et une double journée de grimpe en salle, c’est le meilleur d’ÀBLOCK! pour la semaine. Bonne lecture !

Lire plus »
Greta Andersen

Best-of 2021 : les pionnières ÀBLOCK!

Pendant cette année 2021, ÀBLOCK! a rendu hommage à des championnes d’antan, pionnières dans leur discipline et dans le sport féminin tout court. Des filles qui ont fait bouger les lignes grâce à leur indépendance d’esprit, à leur force de volonté et à leur talent (comme la nageuse Greta Andersen sur notre photo). Retour sur les premières sportives à avoir été ÀBLOCK!

Lire plus »
©DRVoguing

Le voguing, la danse en vogue qui n’a pas dit son dernier… pas

Danse identitaire créée par la communauté noire LGBT en réaction au racisme et à la discrimination, le voguing est apparu dans les sixties à Harlem, New York. Importée en France en 2000, survoltée, technique et codifiée, elle a inspiré la chanson « Vogue » de Madonna. Faisons une « pose » pour tout savoir de cette danse socio-politique.

Lire plus »
Changeons les règles

Les femmes et l’océan, vers de nouvelles « règles »

Un distributeur de protections périodiques éco-responsables pour les navigatrices, c’est l’initiative du jour. L’association Horizon Mixité de la navigatrice Isabelle Joschke et son partenaire le Club Nautique de Lorient (CNL) s’engagent pour les femmes et pour la protection de l’environnement. Prenons la vague.

Lire plus »
Lise Billon

Le best-of ÀBLOCK! de la semaine

Des paroles de filles sur leur métier passion, une as du tir à l’arc qui a un appétit de lionne, une emblématique pasionaria du skateboard, une footballeuse transgenre qui dégomme les barrières, elles étaient toutes ÀBLOCK! cette semaine pour nous régaler de leurs confidences, nous embarquant ni une ni deux sur leur chemin sportif parfois semé de doutes, mais toujours exaltant. Retour sur les (belles) histoires de la semaine.

Lire plus »
Virginie Hériot, la pionnière des louves de mer

Virginie Hériot, la pionnière des louves de mer

Elle voulait être marine, un marin au féminin. Elle en a été l’une des plus grandes. Virginie Hériot a marqué de son empreinte la voile sportive. Première Française sacrée championne olympique dans la discipline en 1928 à Amsterdam, elle a cumulé pas moins de 85 succès en 300 régates.

Lire plus »
Corinne Diacre

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une triathlète tout sauf ordinaire, 5 infos clés sur une grande dame du foot français (Corinne Diacre sur notre photo), une rencontre avec une pionnière du ballon rond et une question qui tue, c’est le meilleur d’ÀBLOCK! et c’est à (re)lire à volonté !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner