Milena Surreau« Aujourd’hui, pour le mouvement paralympique, l'autisme n’existe pas ! »

Milena Surreau : « Aujourd’hui, pour le mouvement paralympique, l'autisme n’existe pas ! »
C’est une revenante. Une survivante. Alors qu’elle se destinait à une carrière de haut-niveau, la badiste Milena Surreau va composer durant des années avec la douleur. Jusqu’à ce que deux diagnostics - l’autisme et un trouble neurologique rare - ne viennent donner du sens à ce qu’elle vit. La jeune paludière, en lice pour les Europe de para-badminton dès ce 30 septembre à Istanbul, renoue alors avec son rêve de sportive pro en s’orientant vers le handisport. Son objectif désormais ? Décrocher le max de titres, jusqu’aux Jeux de L.A. en 2028.

Par Sophie Danger

Publié le 29 septembre 2025 à 14h53, mis à jour le 29 septembre 2025 à 14h55

À partir du 30 septembre, tu vas participer aux Europe de para-badminton qui se déroulent à Istanbul en Turquie jusqu’au 5 octobre. Comment appréhendes-tu ce rendez-vous et avec quelles ambitions ?

J’ai vraiment hâte parce que j’adore la compétition ! J’ai toujours fait du sport pour la compet’ et ce, depuis la première fois où je suis rentrée sur un terrain de football lorsque j’avais 6 ans. C’est ça, la compétition, qui me galvanise et là, les Championnats d’Europe, c’est un rendez-vous majeur, ce qui me donne encore plus hâte. J’ai de grandes ambitions, je vise la médaille d’or. C’est un résultat réalisable mais ce ne sera pas facile non plus parce qu’il y aura de bonnes joueuses sur mon chemin. Malgré tout, je suis pressée de voir ce que je vaux après la phase d’entraînement, pressée de voir si je peux réaliser cet objectif qui est de décrocher une médaille d’or.

©Lucas Noyon/badmintonphoto

Ce sera ta 4e sélection en équipe de France, récompense d’un parcours dans lequel le sport a toujours tenu une place prépondérante puisque, plus jeune, tu as pratiqué pas mal de disciplines comme le football ou le tennis… Qui t’a donné le goût du sport et de la compétition ?

J’ai toujours aimé le sport, j’ai toujours voulu en faire. Petite, c’était le football. Mes parents n’étaient pas vraiment chauds à l’époque d’autant que j’étais une petite fille, que nous habitions en banlieue parisienne… Bref, c’était un peu compliqué mais, quand nous avons déménagé en Bretagne, le premier truc qu’ils ont fait, ça a été de m’inscrire dans un club de foot et j’ai tout de suite aimé ça, j’ai tout de suite aimé les tournois aussi. Je me souviens d’ailleurs de ma première compétition, on avait fini 4es, ce qui était un super résultat parce qu’on était un petit club mais moi, j’étais dégoûtée et j’ai pleuré parce que je trouvais que c’était nul. Je ne peux pas expliquer mon rapport à la compétition, ça m’a toujours galvanisée, j’ai toujours eu ça au plus profond de moi, ça fait partie de moi.

©Milena Surreau/Facebook

Par la suite, tu vas te diriger vers le tennis. Comment ça s’est passé ?

Mes parents m’ont fait plaisir avec le foot mais, malgré tout, passer les samedis sur les tournois, ce n’était pas leur gros kif. Ils m’incitaient à essayer d’autres sports, sans me demander d’arrêter le foot, mais simplement pour que je puisse découvrir autre chose. Ils m’ont inscrit à un stage de tennis auquel j’avais vraiment envie de participer. Là, le moniteur leur a dit que je me débrouillais vraiment super bien, que j’avais des capacités et que, si je voulais m’inscrire au club à la rentrée, il y aurait une place pour moi. C’est pour ça que j’ai commencé le tennis en loisir. Je continuais le foot à côté et puis, petit à petit, j’ai commencé à bien fonctionner en tennis, je progressais très vite. De fil en aiguille, j’ai commencé les tournois et j’ai intégré le groupe compétition. À un moment donné, mes parents m’ont dit de choisir parce que je ne pouvais pas tout faire et que, si je voulais vraiment devenir douée dans un sport, il fallait trancher pour l’un ou pour l’autre.

©Milena Surreau/Facebook

Pourquoi le tennis et pas le football ?

On m’a présenté les choses en me disant qu’à 13 ans, au foot, je n’aurais plus le droit de jouer avec les garçons, ce qui faisait que je ne pourrais plus faire de foot alors qu’au tennis, je pourrais devenir professionnelle. Quand tu as 9 ans, que le sport est toute ta vie et que tu veux absolument devenir professionnelle et qu’on te présente les choses de la sorte… et bien tu choisis le tennis ! Il faut rappeler aussi qu’à l’époque le foot féminin n’était pas du tout médiatisé, on ne savait pas qu’il y avait une équipe de France féminine, qu’il y avait des pseudos centres de formation pour les filles.

©Milena Surreau/Facebook

Tu as alors un double rêve : participer à Roland-Garros et aux Jeux Olympiques.

Les Jeux, ça m’a toujours fait rêver ! Entendre les hymnes, voir les podiums, je trouve ça incroyable ! Et puis Roland-Garros, c’est une compétition prestigieuse que l’on peut regarder à la télé.

Peu de temps après, à partir de tes 10 ans, ta pratique sportive se complique un peu. Tu commences à ressentir des douleurs, tu souffres de crampes, tu as des difficultés à marcher… Personne dans ton entourage, au sens large, ne prend la peine de s’attarder sur ce problème comme si sport et douleur fonctionnaient ensemble et on met ça sur le compte d’un manque d’étirement, d’un mauvais choix de discipline… En somme, c’est de ta faute mais toi, tu parviens à t’accrocher. Qu’est-ce qui t’a permis de tenir ?

En fait, j’avais mal, que je fasse du sport ou non. Comme le sport restait toute ma vie, que mes douleurs n’étaient pas pires quand j’en faisais, autant en faire le plus possible. Et puis, on me disait que c’était normal, ça s’expliquait parce que je grandissais. Le problème, c’est que j’étais tout le temps blessée et ça, c’était très compliqué à gérer parce que je manquais beaucoup l’entraînement, je manquais beaucoup les compétitions et puis, pendant que tu es arrêtée, tu vois les autres progresser.

©Alan Spink/parabadminton

Personne n’a jamais envisagé de te faire examiner même lorsque tu intègres la section sport-études tennis au lycée ?

Non. Aujourd’hui, avec le recul, ça ne m’étonne même pas. Quand on voit la place des femmes dans le système médical, quand on voit les années d’errance, quand on voit le sexisme du système… je suis loin d’être la seule. Je pense que si j’avais été un petit garçon, ça aurait été totalement différent mais j’étais une petite fille. L’autisme rentre aussi dans l’équation. Je n’ai peut-être pas forcément autant exprimé ce que je ressentais qu’un enfant qui a moins de difficultés de communication et un peu plus confiance en lui. Si ça avait été le cas, je me serais peut-être beaucoup plus plaint et peut-être que quelqu’un aurait fini par faire quelque chose.

©Paul Foxall/Badminton Photo

Avant d’évoquer l’autisme, diagnostic qui a été posé lorsque tu avais 18 ans, tu poursuis ton cheminement sportif. À l’issue de ton parcours en sport-études, tu décroches ton bac. On est en 2014 et tu décides de t’orienter vers la musique, ton autre grande passion. L’idée c’était de partager ton temps entre sport et musique ou bien tu avais décidé de mettre le sport en sourdine ?

À cette époque, j’avais compris qu’en tennis, je ne serais jamais pro à cause de mes blessures à répétition notamment. En parallèle, j’avais commencé la musique parce que, quand j’étais blessée, il fallait que je trouve une occupation capable de remplacer mes vingt heures d’entraînement par semaine par autre chose. Quand tu passes de vingt heures de sport à zéro heure, ta vie devient horrible or, la musique avait ceci de bien que, comme j’étais souvent blessée aux jambes, je pouvais en faire avec mes bras.

Quand il a fallu trouver une orientation pour l’après lycée, j’ai fait la rencontre d’un musicien professionnel qui était dans mon club. Il a été la première personne à me dire que musicien est un métier et ça, ça a changé beaucoup de choses pour moi. Cette personne m’a donné quelques cours de batterie et je me suis dit que, comme je ne pourrais pas être joueuse de tennis pro, je serai musicienne pro et je me suis lancée à 200 % dans la musique, il y n’avait plus que ça qui comptait.

L’album de Melina Surreau, « Fille d’Europe », est sorti en février 2019.

C’est à cette époque que l’on te diagnostique un trouble du spectre de l’autisme et plus rien ne sera comme avant.

Le diagnostic d’autisme a changé ma vie. Tu passes de la fille qui a l’impression d’être folle, qui a l’impression de toujours faire tout mal, qui se prend toujours des réflexions horribles de la part de son entourage à une fille qui, grâce à un diagnostic, comprend l’origine de ses comportements… Avec ce diagnostic d’autisme, je trouve également une communauté de gens un peu comme moi, qui peuvent me comprendre, qui peuvent m’expliquer des choses. Petit à petit, je me rends compte de ce que sont mes besoins, de ce que sont mes limites et je peux mettre en place une vie qui respecte ça, une vie qui me correspond mieux et qui ne me pousse pas tout le temps et notamment au burn-out, aux idées suicidaires puisque c’est une réalité des ados autistes, surtout ceux qui ne sont pas diagnostiqués et qui sur-compensent.

©Sutthipong Jantasen/Badminton photo

Quel impact a eu ce diagnostic sur ta pratique sportive, quand bien même cette dernière est, à l’époque, beaucoup moins intense ?

Ce diagnostic a beaucoup changé ma pratique sportive. Quand j’étais petite, j’avais un mental horrible sur le terrain. J’étais une boule de nerfs qui éclatait ses raquettes, qui était toujours en train de hurler, de pleurer. Aujourd’hui, au badminton, on me connait comme la joueuse de l’équipe de France qui a certainement le plus gros mental, qui est impassible sur un terrain… Ça a été un gros boulot mental mais ça a fonctionné, et ça a fonctionné parce que j’ai pu enfin me comprendre moi-même, j’ai enfin pu avoir une vie quotidienne qui respecte mes limites.

Est-ce que ce trouble autistique peut être considéré comme un handicap qui te permettrait de t’orienter vers le handisport ?

Non, pas du tout parce qu’aujourd’hui, pour le mouvement paralympique, l’autisme n’existe pas. C’est une maladie qui n’est pas éligible parce qu’elle n’est pas considérée comme un handicap. Si j’étais « juste » autiste, sans ma maladie neurologique aux jambes, je ne pourrais pas faire de para-sport ! Il existe un circuit de sport adapté avec des compétitions spécifiques pour les personnes autistes mais c’est très très peu développé et pas du tout médiatisé.

Avant de découvrir que tu es atteinte d’une maladie neurologique rare, tu parviens comme tu le souhaitais à vivre de la musique, tu intègres l’orchestre de La Baule, tu réalises aussi un album solo. Deux ans plus tard, on est en 2019, tu ajoutes à cela l’activité de paludière dans les marais salants de Guérande. Ta vie est un peu scindée en deux, le sel l’été, les concerts l’hiver. Les JO, le sport, tout cela était bien loin à ce moment-là.

Oui. Après tout cela, j’ai refait du sport au club local, le mercredi, en amateur mais moins parce que j’avais peur de me blesser et musicienne est un métier dans lequel tu n’as pas trop le droit de te blesser parce que sinon tu es dans la galère. Et puis, il y a eu le COVID qui a tout changé. La musique s’est arrêtée d’un coup et l’avenir est devenu très très flou et très très noir parce que les restrictions, notamment en ce qui concerne les concerts, ont dépassé largement les confinements. C’est une période que, pour ma part, j’ai très mal vécue. Nous les musiciens, nous étions les « non-essentiels » et on entendait ça tous les jours. C’est là que j’ai arrêté la musique et que je suis partie dans les marais salants à 100 %.

©France 2

En 2021, tu vas de nouveau opérer un virage dans ton cheminement. Tu as alors 25 ans et un médecin trouve l’origine de tes troubles moteurs : tu souffres de paraplégie spastique héréditaire, une maladie neurologique rare. Comment ça s’est passé ?

C’est hyper complexe. Ça faisait quinze ans que je souffrais de douleurs aux jambes et, en 2020, ça empire. Je vais consulter ma généraliste et c’est son interne qui s’occupe de moi. C’était l’une de ses premières consultations en autonomie et elle me fait un bilan complet. À l’issue de ce rendez-vous, elle évoque la possibilité d’un handicap moteur. Moi, en entendant ça, je me demande immédiatement si je ne pourrais pas m’orienter vers le paralympisme mais visiblement, le diagnostic posé n’est pas éligible. Et puis, j’ai une amie, handi, sportive de haut niveau qui me dit de tenter quand même la classification au para-badminton. Je vais aux France, je passe la classification, on m’évalue et les kinés m’expliquent que, au vu de ce qui se passe dans mes jambes, je suis éligible mais que ce qu’il y a d’inscrit sur mon dossier médical ne correspond pas à ce qu’ils voient cliniquement.

©Milena Surreau/Facebook

Tu as fait quoi ? Tu es retournée voir l’interne de ta généraliste ?

Oui, je suis retournée voir l’interne de ma généraliste, elle a cherché une autre raison à mes troubles et un jour, sans savoir qui en est à l’origine, je reçois une convocation au service médecine du sport du CHU de Nantes. Là, je rencontre un médecin qui va me tester pendant une heure. C’est le premier médecin qui a pris le temps avec moi, la première fois que l’on touchait mes jambes ! Il me détecte alors des troubles neurologiques et me dit qu’il va falloir faire des examens approfondis pour trouver ce que c’est exactement.

Tu as ressenti quoi à ce moment-là ?

Je me suis dit que ça jouait encore plus en faveur de ma classification pour le para-badminton parce que, jusqu’alors, j’avais un dossier hyper léger pour prétendre atteindre mon but. En entendant ce pré-diagnostic, je me suis dit que c’était la meilleure nouvelle de ma life. L’errance médicale m’a menée au para-bad et le para-bad m’a menée à la fin de l’errance médicale !

©Alan Spink/parabadminton

Ce diagnostic est intimement lié à ton retour au sport. On a la sensation que c’est un pan de ta vie qui te manquait et que tu attendais une occasion pour repartir sur les terrains…

J’avais repris le badminton en club avec des valides et je faisais les compétitions interclubs comme tout le monde mais, du jour où l’on m’a dit que j’avais peut-être une maladie neurologique qui touchait les jambes, ça signifiait que j’avais un handicap et si j’avais un handicap, ça signifiait que je pouvais peut-être faire les Jeux Paralympiques et donc réaliser mon rêve de gosse !

Chaque fois que ton parcours est entravé, tu as trouvé le moyen de te relancer, de te ré-inventer et d’aller plus loin dans tes objectifs.

Le sport, c’est toute ma vie. Quand on est amoureux, les gens disent qu’on a des petits papillons dans le ventre mais moi, ce ne sont pas des papillons mais des grosses flammes que j’ai dans le ventre quand je fais de la compet’! Ce n’était pas un effort de me dire : « Allez, on part à l’assaut des Jeux Paralympiques », au contraire : j’avais enfin une deuxième chance dans ma vie et il n’y a pas eu besoin de me pousser pour que j’y aille.

©Milena Surreau/Facebook

Et pourquoi avoir choisi le para-badminton et pas le para-foot pour renouer avec ta première passion. Est-ce que c’était trop complexe ?

Le foot, ça faisait longtemps que je n’avais pas joué et puis, les sports collectifs, ça reste très compliqué et très fatigant pour moi. À ce moment-là, j’étais vraiment dans un projet de sport individuel. Cela aurait pu être le tennis, mais revenir au niveau dans un sport où tu as été très bonne mais que tu as arrêté pendant trois ans pour tes études, ce n’est pas facile. Il y a aussi le fait que j’avais repris le tennis dans mon club après mes études, je m’étais beaucoup investie et, quand j’ai voulu me ré-inscrire l’année suivante, mon ancienne coach, qui gérait également les plannings, m’a dit qu’il n’y avait plus de place pour moi parce que je n’étais pas assez forte. Ça m’a vraiment dégoûtée parce que j’ai donné ma jeunesse pour ce club.

©Milena Surreau/Facebook

Tu as cherché un autre club ?

Non parce que j’ai découvert que, dans mon village, il y avait un club de bad. C’est un sport que j’ai beaucoup pratiqué au collège et au lycée et que j’ai toujours aimé. Je me suis dit pourquoi pas et je me suis mise au bad. J’ai été super bien accueillie dans le club, tout le monde a accepté le fait que je sois un peu différente, que je ne parle pas beaucoup… Quand la possibilité d’obtenir la classification paralympique s’est posée, je n’ai pas cherché plus loin, je faisais du bad, j’aimais ça, j’avais un super club. Il y a aussi le fait qu’en para-bad, il y a six classes de handicap dont quatre pour les personnes qui sont encore debout et moi, je ne me voyais pas, à ce moment-là du moins, partir sur un sport en fauteuil comme le tennis qui est obligatoirement en fauteuil.

C’est une nouvelle page qui s’ouvre à toi. Comment est-ce que tu fonctionnes au quotidien ?

Je m’entraîne au CREPS de Nantes dans la cellule para-badminton. On est huit joueurs à s’entraîner là-bas et je m’entraîne également à Rennes, plus pour le volet individuel, avec mon coach, Loris Dufay.

©Alan Spink/parabadminton

À partir de là, tout va aller très vite. En juillet 2021, tu décroches l’argent aux France dans la catégorie SL4 – celle qui rassemble des joueurs avec un handicap sur l’une ou les deux jambes, et une déficience minimale de l’équilibre en marchant ou en courant -, ce qui va te permettre d’obtenir ta certification internationale. Moins d’un an après, tu fais tes premiers pas en équipe de France de para-badminton et en 2023, tu deviens vice-championne d’Europe et tu te qualifies pour les Jeux de Paris. Tu arrives à prendre la mesure de ce qui t’arrive ou c’est difficile à gérer ?

C’est sûr que tout est allé très vite. J’ai fait mon premier tournoi international en mars 2022 et, en mars 2023, je commence la qualif pour les Jeux Paralympiques. Il faut savoir que ma saison 2023, c’était ma première vraie saison complète sur le circuit ! Ça signifie que je suis rentrée directement dans le très très grand bain. D’un côté, ça fait rêver mais de l’autre, c’est extrêmement difficile parce qu’il y a une différence entre être sportif de bon niveau et être sportif de haut niveau avec tout ce que ça implique en termes de compétitions, de voyages, de récupération, de financement, de pression aussi. C’est un autre monde et, avec le peu de recul que j’avais, je n’avais pas encore de routines de performance qui me permettaient de savoir combien d’heures avant mon match je devais manger par exemple, quand arriver au gymnase quand j’avais un match, comment me préparer, récupérer…

©Milena Surreau/Facebook

Tu l’as appris alors même que tu étais déjà sur le circuit.

Oui, voilà, j’ai fait comme ça venait, mais c’est vrai qu’il y a eu des périodes vraiment compliquées parce que c’est énormément de fatigue et encore plus avec mon autisme. J’ai passé 2023 à me dédier à 100 % aux Jeux de Paris et je dois avouer que j’étais contente quand ils se sont terminés, que la pression est retombée et que j’ai pu prendre du recul pour mieux appréhender mes objectifs futurs. C’était une entrée en matière assez intense et pas dans l’ordre des choses même si, pour moi, ça l’a fait parce que je me suis qualifiée mais à quel prix ! Il y a certains moments où j’ai quand même vraiment failli tout abandonner parce que c’était trop compliqué.

Tu gardes quoi finalement de ces Jeux ? Ton rêve était à la hauteur de ce que tu avais imaginé ?

C’était au-delà de ce que j’avais imaginé. Nous, en tant que paras, on n’a jamais personne sur les compet’, on n’a aucun média qui s’intéresse à nous, on fait notre sport et puis, avec un peu de chance, il y a cinquante enfants en tribune qui sont en sortie scolaire et qui applaudissent quand on rentre sur le terrain mais c’est tout. Là, on a vécu une compétition de très haut rang avec une salle de 8 000 personnes qui était pleine tous les jours, avec des gens qui nous supportaient, avec les médias qui jouaient le jeu, avec la Une de L’Equipe tous les jours, avec les JT qui parlaient de nos performances… On a tous beaucoup profité parce qu’on se doute qu’à Los Angeles en 2028, nous n’aurons probablement pas autant d’attention même si on espère se tromper. Et puis, il y a aussi le fait qu’on était à la maison, c’était incroyable.

©Milena Surreau/Facebook

Tu évoques Los Angeles, tu es repartie pour une olympiade qui va peut-être te mener en Californie. Sur ta route, il y a d’autres objectifs : devenir numéro 1 mondiale, championne d’Europe, du monde… le tout dans une nouvelle catégorie, SL3, à savoir un handicap au niveau des jambes plus prononcé. Est-ce que tu vas enfin pouvoir savourer pleinement ces quatre années qui s’annoncent ?

Le changement de classe était important parce que j’ai une maladie progressive. En 2022 quand j’ai été classifiée SL4, c’était parfaitement adapté, j’étais à armes égales avec les autres joueuses. Par la suite, ma maladie a continué à progresser sauf que, une fois que tu t’es qualifié pour les JO dans une classe, tu es obligé d’aller aux Jeux dans cette classe. Le problème, c’est que moi, je suis arrivée aux Jeux avec un handicap plus important en 2024 qu’en 2022.

Mentalement, c’est compliqué de voir tes adversaires galoper sur le terrain quand toi, tu ne peux plus. Désormais, j’ai changé de classe, je suis de nouveau à armes égales avec les filles mais le fait est que les JO de Los Angeles c’est dans trois ans et je ne sais pas comment je serai dans trois ans. Ça, c’est l’inconnu, on verra ce qu’il en est. Mais pour le moment, je suis bien dans cette classe, et ça me permet de développer mon jeu et d’avoir, je l’espère, des résultats à la hauteur de ce que je souhaite.

Ouverture ©Milena Surreau/Facebook

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