Aurélie Tourte L’arbitre de chaise qui sait prendre de la hauteur

Aurélie Tourte, l’arbitre de chaise qui sait prendre de la hauteur
Incontournable du paysage tennistique, arbitre féminine française la plus gradée avec le badge d’argent en 2014 puis le badge d’or en 2017, Aurélie Tourte, qui a fait ses classes dans le circuit féminin, a aussi réussi à se faire sa place sur la terre battue au masculin en étant la première femme à accéder à cette chaise. Portrait d’une fille qui parcourt le monde pour l’amour de la balle jaune.

Par Claire Bonnot

Publié le 25 mai 2022 à 9h38, mis à jour le 11 juin 2023 à 19h39

L’an dernier, c’est elle qui arbitrait la finale hommes de Roland-Garros. Le match de sa vie. Cette année encore, la voilà en haut de l’affiche et de la chaise au tournoi parisien de tennis.

À 38 ans, Aurélie Tourte est une bosseuse passionnée, une dure à cuire concentrée et efficace, une arbitre qui ne se laisse pas intimider. Ni par les joueurs ni par le public. Un public parfois trop bruyant à son goût et qu’elle n’hésite pas à rappeler fermement à l’ordre, comme lors du Masters 1000 de Paris en novembre 2021 où elle priait un spectateur « d’aller faire un tour dehors. »

Le respect pour l’arbitre Aurélie Tourte, ce n’est pas négociable. Autant de qualités qui font mouche dans le monde de l’arbitrage. Et son ascension dans ce monde-là a été fulgurante.

La petite Aurélie débute dans le tennis sur la terre battue, initiée par son père. Elle monte jusqu’en compétition par équipe en club, à Plaisir dans les Yvelines, où elle atteint la deuxième série.

C’est à 23 ans qu’elle découvre l’arbitrage, un peu par hasard, alors qu’elle est invitée par la juge-arbitre d’un tournoi régional à venir régler un litige sur la chaise lors d’un match.

Aurélie Tourte va alors être coachée par deux arbitres et aura l’occasion d’officier à Deauville puis lors du Challenger de Rennes. « J’ai pu voir des arbitres pro évoluer, ça a commencé à plus m’intéresser. Au fur et à mesure, encouragée par Maryvonne Ayale de la CRA (Commission Régionale de l’Arbitrage) de la Ligue des Yvelines, je me suis prise au jeu et j’ai commencé à passer mes diplômes », explique-t-elle à actu.fr.

©FFT

Dès ce moment-là, la balle est dans son camp et elle se prend au jeu : « Je me rappelle d’un match où j’ai fini en pleurant et en me disant : plus jamais. Et voilà où j’en suis aujourd’hui. Je ne sais pas si j’ai choisi de me lancer dans l’arbitrage ou si c’est l’arbitrage qui m’a choisie… mais une chose est sûre, c’est que la passion et l’amour du tennis m’ont amené à continuer dans cette direction », confie-t-elle sur le site de la Fédération Française de Tennis.

Aurélie Tourte va arbitrer des matchs aux quatre coins du monde. En 2013 et 2016, elle arbitre la finale du double féminin du tournoi de la porte d’Auteuil.

Elle est récompensée en 2017 par un badge d’or, le plus haut niveau d’arbitrage – seules dix femmes dans le monde possèdent cette distinction – et, depuis 2019, elle arbitre des matchs du circuit masculin dont la dernière finale de Roland-Garros et celle du Masters 1000 de Paris entre Novak Djokovic et Daniil Medvedev.

©FFT

Aurélie Tourte est, d’ailleurs, la seule femme dans l’élite team de Roland-Garros – les arbitres badges d’or qui officient sur ce terrain prestigieux : « Auparavant arbitre WTA (elle faisait partie de la « Rising Team », un groupe de quatre femmes sur le tournoi des compétitions tennistiques professionnelles des femmes, ndlr), j’ai démarré 2019 en rejoignant l’élite team de l’ATP. S’intégrer dans une nouvelle équipe, participer à de nouveaux tournois, gagner la confiance des joueurs, se faire sa place sont tous les défis auxquels je dois me confronter aujourd’hui. C’est un gros challenge pour moi mais également une grande fierté, étant la seule femme dans ce groupe. »

En ayant obtenu le badge d’or en 2017, cela lui permet d’arbitrer n’importe quel match et même d’être professionnelle sur les différents circuits. À noter d’ailleurs que seuls les badges d’or sont habilités à arbitrer les finales.

 

©FFT

Comment gérer le stress de ces rencontres sportives ultra-médiatisées ? « On ressent forcément une petite appréhension quand on rentre sur un Central pour un match à fort enjeu, mais je contrôle de mieux en mieux mes émotions. Et puis, les meilleures joueuses mondiales commencent à me connaître », témoignait Aurélie Tourte en 2016 dans une interview pour Tenup.

Sa solution quand elle fait face à des joueurs récalcitrants ? « Il est important de garder son sang-froid, de faire attention à ce que l’on peut dire dans ces moments chauds. »

Parce que l’histoire d’Aurélie Tourte est aussi celle d’une femme qui a réussi dans un monde d’hommes très compétitif : « Quand on débute dans l’arbitrage, on ne pense pas au fait d’être une femme, car il s’agit d’un loisir. Mais ensuite, une compétition se crée. Or on est clairement dans un univers masculin. Sur et en dehors du terrain, il faut se faire une place, prouver que l’on est tout aussi capable que les garçons. Mais l’avantage, c’est qu’à un haut niveau, nous sommes moins nombreuses. Cet avantage m’a permis s’y arriver plus vite. »

©Thomas berdych.net

Et avec les stars masculines des courts ? « Les femmes sont plus habituées à être arbitrées par des femmes. Pour les hommes, ça ne va pas de soi. Ils ne réagissent pas pareils, sont parfois plus impulsifs, vous disent plus facilement les choses. Je dirais qu’avec les hommes, il faut gagner leur confiance, comme ce fut le cas pour moi sur les Challengers. Tout en prenant garde à ne pas en faire trop », dit-elle sur tenup.fr.

Sa recette miracle pour n’en faire ni trop ni pas assez ? Ne pas transiger et se faire respecter : « Poser des limites ». Malgré tout, elle assure que « quand les joueurs rentrent sur le terrain, ils voient l’arbitre, ils ne voient pas la femme. »

Son souhait ? Avec son parcours engageant et pionnier dans un univers trusté par les hommes, susciter des vocations chez les femmes passionnées de balle jaune. Une femme ÀBLOCK! sur tous les terrains.

Ouverture ©FFT

D'autres épisodes de "Tennis : femmes sur court"

Vous aimerez aussi…

Kessya Bussy, l’éclat discret d’une conquérante

Kessya Bussy, l’éclat discret d’une conquérante

Elle ne fait pas la une, mais elle fait la différence. À 24 ans, Kessya Bussy s’impose comme l’une des joueuses les plus prometteuses du foot féminin français. L’ex-joueuse du PFC qui vient de signer avec Wolfsburg pour trois saisons, incarne cette nouvelle génération de Bleues qui changent le jeu.

Lire plus »
Benoit Beaufils : « Quand j’ai commencé la natation artistique, on s’est bien foutu de ma gueule. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une militante ÀBLOCK! depuis toujours, une Parisienne en short à paillettes, un défi qui fait des vagues, un nageur artistique qui se jette à l’eau (Benoit Beaufils sur notre photo) et un portrait en 5 infos sur une skieuse de tous les records, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK! Enjoy !

Lire plus »
Valeria Kechichian

Valeria Kechichian, l’emblématique pasionaria du skateboard

Elle a découvert le skate à 28 ans et en a fait une arme de lutte contre les discriminations de genre. Valeria Kechichian est à l’origine du « Longboard Girls Crew », une communauté qui rassemble des femmes autour d’une même passion, le longboard. L’Argentine de 41 ans est également à la tête d’une ONG venant en aide aux populations défavorisées. Portrait d’une rideuse militante.

Lire plus »
Le questionnaire sportif de… Diane Marie-Hardy

Le questionnaire sportif de… Diane Marie-Hardy

Elle ambitionnait les JO, mais son corps a dit stop. En plein championnats de France Elite d’athlétisme, en juin dernier, l’heptathlète Diane Marie-Hardy a dû renoncer à toutes les compétitions en raison d’une blessure au tendon d’Achille. Mais cette sportive acharnée n’a pas dit son dernier mot et a repris sa préparation physique. Entre deux entraînements, elle a répondu à notre petit questionnaire de Proust à la sauce ÀBLOCK!

Lire plus »
Lucie Descamps : « Coacher des hommes au roller derby, j'adore ! »

Lucie Descamps : « Dès que j’ai goûté au coaching masculin au roller derby, j’ai adoré ! »

Elle est connue sous le pseudo de « Big T ». Lucie Descamps, 31 ans, est une ancienne membre des Switch Blade Roller Girls, l’équipe historique de roller derby de Lille. Devenue coach des Barbiers de Sévices, la team masculine +, elle vient récemment d’intégrer les rangs du staff de l’équipe de France masculine et minorités de genre. Sans jamais renier ses valeurs.

Lire plus »
Un WOD ? Cékoiça ?

Un WOD ? Cékoiça ?

Parfois, ils ne sont pas faciles à décrypter. Les coachs ont leur langage, selon les disciplines qui, elles aussi, sont régies par des codes. Sur ÀBLOCK! on a pensé défricher tout ça avec un lexique pratique. C’est le petit dico « Coach Vocab' » Et on commence par le terme WOD propre au CrossFit.

Lire plus »
Une course écolo, ça vous tente ?

Une course écolo, ça vous tente ?

Comment allier la découverte et le respect de la nature française à la bonne ambiance du sport ? Maud et Frédéric relèvent le défi en organisant la première édition du Trail de France. On vous dit tout.

Lire plus »
Debi Thomas, 4 minutes pour porter un coup fatal aux stéréotypes

Debi Thomas, 4 minutes pour porter un coup fatal aux stéréotypes

Elle a su bousculer un ordre, jusqu’alors, bien établi. En décrochant la médaille de bronze en patinage artistique à Calgary, au Canada, en 1988, Debi Thomas est devenue, à 20 ans, la première athlète noire à grimper sur un podium lors des Jeux Olympiques d’hiver. Un tour de force extraordinaire de la part de l’Américaine qui attend, depuis plus de trente ans, celle qui prendra le relais.

Lire plus »
Emeric Clos : « Les petites filles qui font de l'escrime sont souvent celles qui n'ont peur de rien. » Kids

Emeric Clos : « Les petites filles qui font de l’escrime sont souvent celles qui n’ont peur de rien. »

Si les escrimeuses françaises ont brillé lors des JO parisiens, les jeunes filles demeurent minoritaires dans les clubs. Pourquoi et comment inverser la tendance ? Réponses à fleurets mouchetés d’Emeric Clos qui a longtemps donné des cours, chez lui, à Aix-en-Provence, avant de s’occuper du haut niveau et d’entraîner l’équipe de France masculine de fleuret.

Lire plus »
Marielle Goitschel : « À 7 ans, j’écrivais déjà sur des papiers que je serais championne de ski. »

Marielle Goitschel : « À 7 ans, j’écrivais déjà sur des papiers que je serais championne du monde de ski. »

Elle a marqué l’Histoire du ski. En à peine dix ans de carrière, Marielle Goitschel (au centre sur notre photo) a tout raflé. Multiple championne du monde et olympique, l’Avaline continue d’espérer qu’une skieuse française lui succède sur la plus haute marche du podium de géant et de slalom à l’heure où les meilleures de la planète dévalent les pistes de ces JO de Pékin. Conversation avec une légende.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner