L’an dernier, c’est elle qui arbitrait la finale hommes de Roland-Garros. Le match de sa vie. Cette année encore, la voilà en haut de l’affiche et de la chaise au tournoi parisien de tennis.
À 38 ans, Aurélie Tourte est une bosseuse passionnée, une dure à cuire concentrée et efficace, une arbitre qui ne se laisse pas intimider. Ni par les joueurs ni par le public. Un public parfois trop bruyant à son goût et qu’elle n’hésite pas à rappeler fermement à l’ordre, comme lors du Masters 1000 de Paris en novembre 2021 où elle priait un spectateur « d’aller faire un tour dehors. »
Le respect pour l’arbitre Aurélie Tourte, ce n’est pas négociable. Autant de qualités qui font mouche dans le monde de l’arbitrage. Et son ascension dans ce monde-là a été fulgurante.
La petite Aurélie débute dans le tennis sur la terre battue, initiée par son père. Elle monte jusqu’en compétition par équipe en club, à Plaisir dans les Yvelines, où elle atteint la deuxième série.
C’est à 23 ans qu’elle découvre l’arbitrage, un peu par hasard, alors qu’elle est invitée par la juge-arbitre d’un tournoi régional à venir régler un litige sur la chaise lors d’un match.
Aurélie Tourte va alors être coachée par deux arbitres et aura l’occasion d’officier à Deauville puis lors du Challenger de Rennes. « J’ai pu voir des arbitres pro évoluer, ça a commencé à plus m’intéresser. Au fur et à mesure, encouragée par Maryvonne Ayale de la CRA (Commission Régionale de l’Arbitrage) de la Ligue des Yvelines, je me suis prise au jeu et j’ai commencé à passer mes diplômes », explique-t-elle à actu.fr.
Dès ce moment-là, la balle est dans son camp et elle se prend au jeu : « Je me rappelle d’un match où j’ai fini en pleurant et en me disant : plus jamais. Et voilà où j’en suis aujourd’hui. Je ne sais pas si j’ai choisi de me lancer dans l’arbitrage ou si c’est l’arbitrage qui m’a choisie… mais une chose est sûre, c’est que la passion et l’amour du tennis m’ont amené à continuer dans cette direction », confie-t-elle sur le site de la Fédération Française de Tennis.
Aurélie Tourte va arbitrer des matchs aux quatre coins du monde. En 2013 et 2016, elle arbitre la finale du double féminin du tournoi de la porte d’Auteuil.
Elle est récompensée en 2017 par un badge d’or, le plus haut niveau d’arbitrage – seules dix femmes dans le monde possèdent cette distinction – et, depuis 2019, elle arbitre des matchs du circuit masculin dont la dernière finale de Roland-Garros et celle du Masters 1000 de Paris entre Novak Djokovic et Daniil Medvedev.
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Aurélie Tourte est, d’ailleurs, la seule femme dans l’élite team de Roland-Garros – les arbitres badges d’or qui officient sur ce terrain prestigieux : « Auparavant arbitre WTA (elle faisait partie de la « Rising Team », un groupe de quatre femmes sur le tournoi des compétitions tennistiques professionnelles des femmes, ndlr), j’ai démarré 2019 en rejoignant l’élite team de l’ATP. S’intégrer dans une nouvelle équipe, participer à de nouveaux tournois, gagner la confiance des joueurs, se faire sa place sont tous les défis auxquels je dois me confronter aujourd’hui. C’est un gros challenge pour moi mais également une grande fierté, étant la seule femme dans ce groupe. »
En ayant obtenu le badge d’or en 2017, cela lui permet d’arbitrer n’importe quel match et même d’être professionnelle sur les différents circuits. À noter d’ailleurs que seuls les badges d’or sont habilités à arbitrer les finales.
Comment gérer le stress de ces rencontres sportives ultra-médiatisées ? « On ressent forcément une petite appréhension quand on rentre sur un Central pour un match à fort enjeu, mais je contrôle de mieux en mieux mes émotions. Et puis, les meilleures joueuses mondiales commencent à me connaître », témoignait Aurélie Tourte en 2016 dans une interview pour Tenup.
Sa solution quand elle fait face à des joueurs récalcitrants ? « Il est important de garder son sang-froid, de faire attention à ce que l’on peut dire dans ces moments chauds. »
Parce que l’histoire d’Aurélie Tourte est aussi celle d’une femme qui a réussi dans un monde d’hommes très compétitif : « Quand on débute dans l’arbitrage, on ne pense pas au fait d’être une femme, car il s’agit d’un loisir. Mais ensuite, une compétition se crée. Or on est clairement dans un univers masculin. Sur et en dehors du terrain, il faut se faire une place, prouver que l’on est tout aussi capable que les garçons. Mais l’avantage, c’est qu’à un haut niveau, nous sommes moins nombreuses. Cet avantage m’a permis s’y arriver plus vite. »
Et avec les stars masculines des courts ? « Les femmes sont plus habituées à être arbitrées par des femmes. Pour les hommes, ça ne va pas de soi. Ils ne réagissent pas pareils, sont parfois plus impulsifs, vous disent plus facilement les choses. Je dirais qu’avec les hommes, il faut gagner leur confiance, comme ce fut le cas pour moi sur les Challengers. Tout en prenant garde à ne pas en faire trop », dit-elle sur tenup.fr.
Sa recette miracle pour n’en faire ni trop ni pas assez ? Ne pas transiger et se faire respecter : « Poser des limites ». Malgré tout, elle assure que « quand les joueurs rentrent sur le terrain, ils voient l’arbitre, ils ne voient pas la femme. »
Son souhait ? Avec son parcours engageant et pionnier dans un univers trusté par les hommes, susciter des vocations chez les femmes passionnées de balle jaune. Une femme ÀBLOCK! sur tous les terrains.