Anaïs : « Au roller derby, le corps prend cher, mais ce sport est fait pour moi. »Joueuse de roller derby, 25 ans, vidéaste

Anaïs Roller derby
Cette fille-là n’a jamais été très branchée sports collectifs. Pourtant lorsqu’elle découvre le roller derby, Anaïs se passionne illico pour cette discipline prenante et surprenante. Mais aussi engagée. En 2017, elle enfile ses patins et intègre une ligue à Lyon. Le début d’une belle aventure…

Propos recueillis par Lise Famelart

Publié le 01 mars 2021 à 10h05, mis à jour le 03 octobre 2024 à 10h34

« J’ai toujours été très sportive : pendant des années, j’ai pratiqué l’athlétisme et ça me plaisait beaucoup. Par la suite, je me suis essayée à l’escrime. Après mes études, je me suis mise au Roller Derby… et c’est un sport que j’adore !

Durant l’université, j’ai vécu un moment à Montréal. Là-bas, j’entends parler pour la première fois de ce sport. C’est une discipline très développée en Amérique du Nord, mais à ce moment-là je n’ai pas les moyens de me payer une assurance privée.

Je sais qu’il y a des risques de se blesser et ça me coûterait trop cher si je devais me soigner. Mais l’idée est là !

©Blstrt

À mon retour en France, je continue mes études : en seconde année de master, je participe à un stage de recherche sur le terrain avec ma classe. On vit dans d’énormes dortoirs d’une trentaine de personnes, et c’est là que je réalise que le collectif peut être intéressant.

Après cette expérience, j’envisage pour la première fois un sport collectif. Au quotidien je streame sur Twitch, une plateforme qui permet de jouer à des jeux vidéo en direct et d’échanger avec les spectateurs.

Une spectatrice m’explique qu’elle fait elle-même du roller derby en France et j’entrevois de nouveau l’idée de pratiquer ce sport. Je me mets donc en quête d’un club dans ma ville, à Lyon.

©Vincent Micheletti

Le roller derby est organisé en saisons, et nous sommes en plein milieu de l’une d’elles lorsque je décide de contacter une équipe féminine. J’écris un long mail, où j’indique entre autres que je fais un mètre cinquante-cinq et que je pèse quarante-trois kilos, en espérant que cela ne pose pas de problème.

Elles me répondent en m’expliquant que tous les types de corps ont des avantages et des inconvénients sur la piste, et qu’il faut surtout être motivée !

J’intègre l’équipe en novembre 2017 et je passe mes minimum skills, un examen qui permet d’accéder aux compétitions, en juin 2018.

Dans le milieu, on dit que le roller derby est un sport “do it yourself” : tout est fait par les joueuses et pour les joueuses. C’est nous qui organisons les compétitions, on cuisine pour les rassemblements… ça a un côté associatif aussi.

Le roller derby pour certaines personnes, ça prend quasiment tout leur temps en dehors du travail, notamment quand elles ont des postes à responsabilité.

Et plus on s’implique, plus on progresse vite : avant la pandémie, j’avais deux entraînements par semaine, et je pratiquais aussi de mon côté en patinant en ville, dans des skateparks, pour être plus assurée sur mes patins.

©Vincent Micheletti

L’une des choses que j’aime dans ce sport, ce sont les gens : ça m’intéressait de rejoindre une discipline essentiellement féminine. À l’adolescence, je pratiquais l’escrime dans un cours où j’étais la seule fille.

Les garçons s’étaient mis au défi de me frapper les seins. J’avais demandé une protection pour la poitrine à mon coach qui m’avait répondu : “Pour quoi faire ? T’as pas de seins !”. J’ai tenu toute l’année, mais quand je rentrais chez moi après les entraînements, je souffrais vraiment.

C’est dommage parce que j’étais douée. J’aurais pu faire de la compétition, mais j’ai préféré arrêter, j’avais trop mal.

Aujourd’hui, j’aime bien l’idée d’être entourée de femmes. Même s’il y a des équipes mixtes dans ma ligue, mon équipe à moi, Les Bugneuses, est en non-mixité.

©Vincent Micheletti

Dans le roller derby, les joueuses ne sont pas toujours militantes, mais la plupart du temps elles sont au moins conscientisées. Il y a un esprit à respecter, on n’a pas le droit de faire des blagues oppressives par exemple. Ça fait du bien de faire du sport avec des gens avec qui on peut aussi discuter de tout.

Cela dit, tout le monde ne vient pas pour la même chose : il y en a beaucoup qui sont là uniquement pour le sport, d’autres parce qu’elles ont vu le film « Bliss » et que ça leur a donné envie d’essayer.

Mais, très vite, je suis impressionnée de voir à quel point les gens peuvent évoluer dans ce sport, même en n’étant pas très sportifs à la base. J’ai vu des personnes arriver sans savoir faire deux pas avec des patins et qui sont maintenant plus fortes que moi !

Qu’importe notre poids, notre morphologie, notre rapport au sport en général, on peut réussir avec de la motivation. Et surtout, il faut savoir que c’est un sport en pleine construction : il n’y a pas qu’une seule bonne manière de faire au roller derby !

©Alicia BK

On parle souvent de la peur de se blesser parce que c’est un sport de contact où on peut se rentrer dedans, c’est d’ailleurs ce qui est mis en avant dans « Bliss ». C’est vrai que la peur est là, au début. Mais dans mon cas, elle est partie très vite : on pratique dans un gymnase, c’est un cadre qu’on connaît bien, on s’habitue au sol…

L’apprentissage est tellement long qu’on ne nous laisse pas nous taper dessus au début. On a le droit de cogner seulement certaines zones du corps et seulement avec certaines parties de notre propre corps.

Au final, j’ai toujours des bleus, le corps prend cher, mais les grosses blessures comme les entorses, on se les fait surtout toute seule, quand on loupe un freinage par exemple.

©Blstrt

Lorsque je me rends à mon premier match, c’est l’enfer ! On joue contre Saint-Etienne, qui est une petite ligue donc les niveaux sont mélangés. Nous, on est une équipe plus débutante, et on se fait littéralement rouler dessus !

Deux de mes coéquipiers se mettent carrément à vomir juste avant d’entrer sur la piste. Mais les joueuses ne sont pas là pour nous cogner, elles comprennent à ce moment-là qu’elles ont l’avantage sur nous et jouent beaucoup sur les esquives pour marquer des points.

Moi, c’est mon premier match, je vois les gens bouger autour de moi, je suis complètement perdue ! C’est une expérience impressionnante, mais c’est positif : chaque match me permet de m’améliorer.

Le roller derby, c’est un sport qui, pour moi, est exigeant mais plaisant. Je ne suis pas très branchée collectif à la base, je n’ai pas l’habitude de fonctionner avec des gens et je peux ressortir ultra-frustrée de certains entraînements.

Dans ce sport, le seul matériel, c’est ton corps, il n’y a pas de ballon par exemple. Alors, quand l’autre est fatigué et que toi tu es à fond, ça peut générer des frustrations. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est un espace où je peux me défouler et être écoutée. C’est un peu l’ascenseur émotionnel !

©Blstrt

Aujourd’hui, c’est difficile, les restrictions liées à la crise sanitaire nous empêchent de nous entraîner. On ne peut plus pratiquer en salle et, avec le froid, la pluie et même la neige pendant un temps, c’est trop compliqué de s’entraîner dehors.

Durant le premier confinement, j’ai mis la situation à profit pour commencer à patiner dans la rue, ce que je n’osais pas faire avant. J’ai aussi fait beaucoup de renforcement musculaire, parfois en live sur Twitch.

Grâce à tout ça, en septembre, quand on a pu reprendre les entraînements, j’avais un bon niveau ! On se retrouvait en extérieur pour faire des entraînements autogérés.

Puis, l’hiver est arrivé, on a été obligées d’arrêter. Je n’ai pas eu l’énergie de reprendre le renforcement musculaire, j’ai eu un vrai coup de mou. Le roller derby me manque énormément. Je sais et je sens que j’ai trouvé le sport que je cherchais. Il est fait pour moi. »

Ouverture : Vincent Micheletti

Elles aussi sont inspirantes...

Lison Bornot : « Je veux mettre en avant l’Ultimate. C’est lui qui m’anime. »

Lison Bornot : « Je veux mettre en avant l’Ultimate. C’est lui qui m’anime. »

Avec sa sœur Éva, elle truste les premières places depuis 2015 en Ultimate. Membre essentiel de l’équipe de France, Lison Bornot est Championne d’Europe outdoor 2023 et championne du monde d’Ultimate sur sable 2023. La voici maintenant en piste pour les World Games, l’antichambre des JO, qui se déroulent en Chine, du 7 au 17 août 2025. Témoignage d’une fille pétillante devenue l’une des ambassadrices françaises d’un sport trop peu connu.

Lire plus »
Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

En à peine trois ans, cette passionnée de vélo a décroché un podium sur 500 kilomètres et bouclé sa première course d’ultra, la fameuse BikingMan, en tant que première féminine. Carburant aux défis, pédalant sans relâche, surmontant tous les obstacles grâce à un mental d’acier, la Savoyarde n’a pas fini d’enfiler les kilomètres dans ce sport de l’extrême. En piste !

Lire plus »
Emelyne Heluin: « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Emelyne Heluin : « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Gymnaste jusqu’à son adolescence, Emelyne Heluin a dû raccrocher le justaucorps après une prise de poids inexpliquée et d’autres symptômes invalidants. Diagnostiquée d’une maladie endocrinienne chronique et évolutive, le SOPK, à l’âge de 17 ans, elle erre pendant des années entre perte de confiance en elle et détresse psychologique avant de retrouver le chemin du sport comme outil de santé. Ce sera la marche, puis la course à pied jusqu’à se lancer sur des marathons.

Lire plus »
Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Cecilia Berder

Cécilia Berder : « L’escrime, c’est une conversation avec soi-même. »

La gagne chevillée au corps, la fougueuse multi-championne de France et vice-championne du monde d’escrime, manie pourtant le sabre comme un félin tournant autour de sa proie, avec stratégie, élégance et explosivité. Quand la sabreuse Cécilia Berder part à l’assaut, c’est une leçon de vie qui la fait grandir un peu plus chaque jour. En piste pour une démonstration de passion !

Lire plus »
Nita Korhonen

Nita Korhonen, en pole position pour féminiser la moto

Elle milite avec en ligne de mire la mixité dans son sport. Née quasiment sur l’asphalte d’un circuit, Nita Korhonen, motarde et fière de l’être, s’emploie à féminiser le milieu de la moto via ses fonctions au sein de la Fédération Internationale de Motorcyclisme (FIM). Portrait d’une incorrigible bikeuse.

Lire plus »
Le Tuto de Jess, à la gym les gosses ! Jessica Vetter Kids

Le Tuto de Jess : À la gym, les jeunes !

Explosivité, force, endurance, résistance, il faut bouger ! Et je ne suis pas à court d’arguments lorsqu’il s’agit d’entraîner les 9/15 ans. Je vous emmène dans mon gymnase découvrir mon boulot avec les p’tiots et glaner quelques astuces au passage !

Lire plus »
Julie Bresset 5 infos pour briller sur deux roues

Julie Bresset : 5 infos pour briller sur deux roues

Ce 16 octobre, elle signe la fin de sa carrière sportive par un jubilé dans son fief des Côtes-d’Armor. Julie Bresset, 32 ans et presque autant sur les pédales, a (presque) tout gagné et tout connu. La vététiste bretonne, championne olympique, maintes fois championne du monde, est l’une des cyclistes les plus appréciées du circuit. Victime d’un burn-out et de blessures à répétition, elle est toujours retombée sur ses roues. Retour sur une championne en 5 braquets.

Lire plus »
Adjudante Virginie V. : « Le sport, ce n’est pas loin d’être ma vie. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une course en haute altitude, des JO au garde à vous, un spécialiste du baseball, une adjudante championne de cross-country (Virginie sur notre photo) et une question qui tue, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Faites place !

Lire plus »
Il était une fois l’équitation…féminine

Il était une fois l’équitation…féminine

C’est l’heure de monter à cheval ! Alors que les Championnats du Monde de Saut d’Obstacles, dressage, para-dressage et voltige s’ouvrent à Herning, au Danemark, ÀBLOCK! vous invite à démonter les vieux clichés autour de l’équitation et des femmes via les cavalières qui ont marqué l’Histoire. Et au trot !

Lire plus »
Football

Une mère, une fille et des sports dits « de mecs »

Le Podcast signé Aïda Touihri ,« Tu seras une femme », qui explore la féminité sous l’angle de la transmission familiale, propose dans cet épisode à deux voix de revenir sur une histoire sportive générationnelle, celle d’une mère footballeuse et de sa fille rugbywoman. Et c’est à écouter (aussi) sur ÀBLOCK!

Lire plus »
Jessica Vetter : « Le CrossFit, c’est le girl power absolu ! »

Jessica Vetter : « Le CrossFit, c’est le girl power absolu ! »

Aussi solaire que son Sud natal et dopée à l’énergie du sport-passion, elle envoie du lourd. Mais désormais, c’est tout en douceur. Ou presque. La coach Jessica Vetter, ex-gymnaste et championne de CrossFit, désire aujourd’hui aider les autres à se sentir bien dans leur corps, sans jamais se départir de son humour communicatif. Les muscles n’ont qu’à bien se tenir !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner