Virginie Verrier « Mon film sur Marinette Pichon va-delà du football. »
Elle a plongé dans un univers qu'elle ne connaissait pas. Le deuxième film de Virginie Verrier, sorti en juin 2023, retrace la vie et le parcours de Marinette Pichon, la première Française à avoir accédé au statut de joueuse professionnelle de football, entre autres faits d’armes.
Par Sophie Danger
Publié le 11 août 2023 à 20h37
Marinette est votre deuxième film en tant que réalisatrice après « À deux heures de Paris » sorti en 2018. Qu’est-ce qui a été déterminant pour vous : l’envie de parler de sport ou l’envie de parler de Marinette Pichon ?
J’ai fait beaucoup de sport lorsque j’étais adolescente, notamment de l’athlétisme, et pour mon second film, j’avais envie de parler des émotions, du chemin, de ce que j’avais ressenti à travers le sport, de ce que ça m’avait donné. Ça a commencé comme ça dans mon esprit.
Je voulais parler du sport, de ces années-là. C’était ça mon point de départ et puis, une fois qu’on se l’est dit, on réfléchit. Comme j’aime beaucoup les biopics, j’ai pensé que je pouvais peut-être trouver une sportive avec laquelle je me connecterais au niveau des thématiques et de sa vie.
J’ai commencé à faire des recherches, à lire. À ce moment-là -c’est vraiment le fruit du hasard, une personne de mon entourage qui ne savait pas que j’étais en train de me documenter sur ce sujet, me dit : « Marinette Pichon va sortir sa bio, je suis sûr que c’est ton prochain film ».
Vous connaissiez Marinette Pichon ?
Non, je lui ai demandé qui elle était. Moi, je faisais de l’athlétisme, le football, ce n’était pas mon sport. Il y a aussi le fait que le football féminin n’a pas été médiatisé avant le début des années 2000 à la télévision, j’ai donc grandi sans en entendre parler.
Dans les années 90 jusqu’au début des années 2000, j’ai l’impression qu’il fallait vraiment être spécialiste pour connaître Marinette Pichon. Il y avait quand même quelques articles sur elle dans l’Équipe et c’est pour cela d’ailleurs qu’en général les hommes la connaissent plus que les femmes.
C’est drôle parce que quand j’écrivais, j’ai pris le train et il y avait un garçon qui avait dû regarder mon ordinateur et m’a demandé si je faisais un film sur elle. Il devait avoir 25 ans et il la connaîssait. Les gros fans de foot la connaissent.
Marinette Pichon
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans son personnage ?
Lorsque mon ami m’a envoyé sa biographie, je l’ai lue d’une traite. Ceci étant, il ne suffit pas d’une sportive qui a fait une carrière pour raconter une histoire, on a besoin de connaître toute son enfance, tout ce qu’elle a vécu, c’est ça aussi qui est important pour nourrir un film.
Avec Marinette, il y a eu un effet miroir et c’est ce que l’on recherche en tant que réalisateur. C’est important que l’on puisse se projeter dans la vie de son personnage, comprendre d’où il vient…
Vous qui avez pratiqué l’athlétisme, vous n’avez pas eu envie de raconter le parcours de Marie-Jo Pérec par exemple ?
Marie-José Pérecest formidable mais je ne sais pas s’il y a le terreau pour raconter son histoire au cinéma. Je ne connais pas son enfance, je ne sais pas ce qu’elle a vécu.
Vous avez tout de suite senti qu’il y avait matière à fiction avec le parcours de Marinette ?
Oui, je l’ai su tout de suite. Il y avait d’abord son enfance, toutes ces thématiques incroyables qu’elle évoque, tous ces combats, ces rebondissements et tous les éléments pour la dramaturgie.
Virginie Verrier
Vous pensiez que la fiction serait plus à même de rendre compte de son parcours qu’un documentaire par exemple ?
Je ne suis pas documentariste et puis il n’y avait jamais eu de biopic de sportive en France, c’était assez motivant pour moi. On voit fréquemment des documentaires sur les sportives, pourquoi il n’y aurait pas de films de cinéma qui leur sont consacrés ?
Tout ça, c’est avant tout une histoire de budget : les documentaires coûtent moins cher, il ne faut pas chercher trop loin.
Ça a été compliqué de convaincre des producteurs d’investir dans un long-métrage qui parle de sport et, qui plus est, de sport féminin ?
Le producteur, c’est moi. J’avais rencontré un ou deux producteurs pour m’associer parce que je me disais que c’était un projet d’envergure, j’ai eu des réactions qui ne m’ont pas plu à savoir : « une héroïne lesbienne » ou « le foot féminin, tout le monde s’en fout »…
Je me suis dit que ce n’était pas grave, j’avais produit mon premier film, je produirais le second. En revanche, quand j’ai rencontré les chaînes de télé, il y a eu une adhésion immédiate de France Télévisions et de Canal+ au projet. Il y a une volonté très forte des diffuseurs, et notamment de France Télévisions, de proposer des figures féminines inspirantes comme celles de Marinette.
Et avec Marinette Pichon, comment ça s’est passé ?
Ça a vraiment matché entre nous. On s’est tellement bien entendues qu’à la fin du déjeuner durant lequel nous nous sommes rencontrées, elle m’a dit : « S’il y a quelqu’un qui doit adapter ma vie, c’est toi. »
Jusqu’où on s’autorise à aller en tant que réalisatrice de fiction lorsque l’on travaille sur des faits réels ?
Tout ce qui est dans le film est la réalité. Après, il y a des choses que l’on peut romancer pour aider la narration. Certaines scènes peuvent se passer dans un autre décor par exemple, les conversations peuvent avoir lieu avec d’autres personnes. Ce sont des détails mais, en revanche, j’ai tenu à ce que tout ce qui soit dans le film soit réel et c’est ça qui était important.
Est-ce que Marinette Pichon s’est impliquée dans le scénario, est-ce qu’elle a eu un droit de regard dessus ?
Non, j’ai écris mon scénario et, à la fin, je le lui ai lu. Elle était avec sa femme aux Etats-Unis, on a passé quatre heures en visio sur Zoom ensemble. Je lui ai expliqué, séquence par séquence, ce que je voulais faire, les émotions que je voulais faire surgir, l’intention. Pour moi, c’était important qu’elle soit au courant de ce que j’allais filmer.
Je lui ai dit, dès le départ, que je traiterai tout, même le viol de sa grand-mère par son père. Je ne voulais rien éluder, mais je voulais traiter tout ça avec pudeur et elle m’a dit oui. Il n’y a pas de voyeurisme dans le film, ce n’est pas le but du jeu. Cela dit, des évènements de vie comme ceux-ci sont importants pour faire comprendre qui elle est, d’où elle vient et c’est ce qui lui a donné la rage de se transcender dans son sport.
Chez Marinette, c’est la souffrance et les obstacles de sa vie privée qui ont alimenté cette rage sur les terrains, ça communique et c’est pour cela qu’il était important de tout traiter.
Vous avez fait appel à Garance Marillier pour interpréter Marinette Pichon. Qu’est-ce que vous cherchiez chez une actrice pour l’embarquer avec vous dans l’aventure ?
Au tout début du process, j’avais deux options : trouver une footballeuse à qui je demande de jouer la comédie ou trouver une comédienne qui a déjà des bases de sport. Il se trouve que je suivais Garance sur les réseaux sociaux et, pendant le confinement, alors que j’écrivais le film, elle a publié une petite vidéo la montrant en train de jouer au foot. J’ai pensé que c’était un signe.
J’aimais déjà l’actrice, je me suis dit qu’elle serait la première à recevoir le scénario et elle m’a dit oui. Personne d’autre ne l’a reçu.
C’est facile de filmer le sport ?
Mon film est davantage un film sur la vie de Marinette que sur le sport, il n’y a pas de scènes de match de quinze minutes, je ne suis pas là-dedans. Je filme des actions marquantes. J’ai une caméra très proche de mon personnage et ce qui m’intéresse, c’est de capter ses émotions quand elle marque, quand elle gagne, quand elle perd.
Garance Marillier
À travers ce film, vous abordez diverses thématiques comme l’inclusion, l’égalité des chances, le développement du foot féminin. Finalement, si l’on regarde par le prisme de la vie de Marinette, le football lui a permis de sortir d’un environnement toxique et de se réaliser quand bien même il y avait une différence de traitement flagrante entre hommes et femmes. Vous trouvez que ça a évolué depuis ?
De mon point de vue de néophyte, j’ai trouvé qu’il n’y avait aucune évolution. Je suis allée recruter toutes les fausses Bleues du film dans des clubs et j’ai trouvé, qu’à chaque fois, elles n’avaient pas accès au terrain d’honneur pour leurs matches, elles avaient des créneaux de merde, il y avait des problèmes de matériel.
Il y a une évolution, certes, mais pour moi, elle n’est pas gigantesque. Là, il y a eu l’annonce de la création de la Ligue, mais ça date d’une semaine. Ça commence tout juste à bouger.
Garance Marillier et Marinette Pichon pendant la promotion de « Marinette »
Pendant la promotion du film, on a entendu Marinette Pichon s’exprimer notamment sur le fait que le Mondial féminin qui se joue actuellement en Australie et Nouvelle-Zélande a failli ne pas avoir de diffuseur. Cette sortie au cinéma peut-elle aussi contribuer à faire évoluer les choses ?
Eugénie Le Sommer est allée le voir à Lyon, elle a confié qu’elle aurait aimé avoir accès à ce film lorsqu’elle était petite. On sait qu’il suffit que l’on voit un role-model une seule fois pour que ça déclenche plein de choses chez les gens.
Il y a des gamines qui vont voir ce film et ça, c’est hyper important, c’est hyper déclencheur pour celles qui veulent faire du foot ou qui rêvent de voir exister un personnage comme celui-là. Il est vrai que, maintenant, les plus jeunes ont d’autres exemples comme Eugénie Le Sommer, Amandine Henry, Wendie Renard… mais au cinéma, tout prend une autre ampleur.
Ici, le sport n’est pas la seule thématique, il y aussi les violences faites aux femmes, les violences inter familiales, et au-delà de ça, on sort de ce film en se disant que tout est possible, qu’on peut s’en sortir. Là c’est dans le foot, mais ça peut être dans autre chose, c’est un film qui est aussi un mouvement d’espoir.
Qu’est-ce que vous gardez, vous, de cette expérience ?
C’est un film qui va laisser des traces, je pense, je reçois tellement de messages tous les jours de femmes qui ont été bouleversées ! Je vois l’effet du film, comment il a ému les spectateurs.
J’ai besoin de faire des films avec des messages qui impactent les gens et, là, on a réussi.
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