Pamela Lee « Le milieu de la voile est un peu ce que l’on appelle un Boys Club. »
Elles sont deux, Pamela Lee, l’Irlandaise, et Tiphaine Ragueneau, la Française. Deux navigatrices de 34 et 30 ans, retenues pour bénéficier du dispositif Cap pour Elles qui doit les mener au départ de la prochaine Transat Jacques Vabre, prestigieuse course en double dont le coup d’envoi sera donné fin octobre 2023. Rencontre avec deux marins qui ne naviguent pas en eaux douces.
Par Sophie Danger
Publié le 12 avril 2023 à 17h51, mis à jour le 25 mai 2023 à 15h38
Vous avez toutes deux remporté la sélection 2023 de Cap pour Elles, un dispositif qui accompagne un duo féminin sur la route de la Transat Jacques Vabre. Qu’est-qui vous a donné envie de vous lancer dans cette aventure ?
Pamela Lee –En ce qui me concerne,mon ambition est d’être skipper professionnel en course au large. C’est d’ailleurs pour cela que je suis venue m’installer en France.
Il se trouve que, l’année dernière, j’étais présente au départ de la Transat Jacques Vabre mais pas en tant que participante, je travaillais. Je me suis aussi dit que j’aimerais beaucoup être de nouveau au départ lors de la prochaine édition mais avec mon bateau, cette fois.
C’est également à cette occasion que j’ai entendu parler de Cap pour Elles. Puis, j’ai rencontré Maxime Grimard, qui est notre projet manager. J’ai commencé à travailler avec lui sur un projet en class40, projet sur lequel je serai skipper. Nous avons décidé de le présenter à Cap pour Elles. Dans la foulée nous avons trouvé le bateau et il ne nous manquait plus qu’un co-skipper femme. Tiphaine Ragueneau – La Transat Jacques Vabre fait partie de ces courses que je suis avec envie depuis quelques années. Je ne peux pas dire que c’est un rêve d’enfant car je me suis mise à la voile assez tard mais, au fur et à mesure de ma pratique et de mon évolution, j’ai commencé à me dire que la course au large était une éventualité possible pour moi.
Je ne pensais cependant pas avoir l’opportunité d’y participer aussi rapidement.
Pamela Lee–Je cherchais une co-skipper et, pour moi, il était important qu’elle soit de nationalité française pour plusieurs raisons : on est en France et, en matière de navigation professionnelle, les équipages sont de plus en plus internationaux.
Avec Maxime, nous avons parlé de notre projet à quelques personnes mais elles n’étaient pas disponibles. Et puis, on m’a recommandé Tiphaine. Il se trouve que nous avons des amis en commun. Nous nous sommes contactées, nous avons discuté et nous nous sommes rencontrées.
Tiphaine a moins d’expérience que moi sur les courses au large mais entre nous, ça aété une évidence. Elle est super enthousiaste, intelligente, concentrée, sportive… bref, elle possède toutes les qualités requises pour faire de la course au large. Tiphaine Ragueneau – Moi, à l’origine, je viens plutôt du match racing et de la course en flotte, à savoir des courses courtes et au contact. Il y a un an et demi de cela, j’ai décidé de me mettre à la course au large.
Lorsqu’il y a eu l’appel à projet de Cap pour Elles, je me suis posé la question de monter un projet mais je ne me sentais pas vraiment prête et je ne voyais pas non plus avec quel binôme me lancer. Toutes ces raisons ont fait qu’à un moment, j’ai décidé de mettre ça de côté, et c’est là où Pamela m’a appelée.
On s’est rencontrées et, au cours de nos échanges, on s’est rendu compte que l’on connaissait pas mal de personnes en commun et que l’on avait navigué avec certaines d’entres elles. Ce sont elles qui nous ont rassurées sur notre binôme, sur le fait que nous étions complémentaires.
On a accroché assez vite avec Pam. Globalement, nous avons la même manière de voir les choses.
Tiphaine, tu dis avoir commencé la voile tard. À quel âge et pourquoi ?
J’ai commencé à 20 ans, lorsque je suis arrivée à l’école vétérinaire. Il y a quatre écoles de ce type en France et, moi, j’ai choisi Nantes pour être proche de la mer parce qu’à l’époque je faisais du surf.
Il se trouve que, quand tu intègres l’école, tu as des parrains-marraines et les miens faisaient tous partie du club voile. Ils m’ont invitée à essayer et c’est comme ça que j’ai commencé à naviguer à l’APCC Pornichet, club dans lequel je suis encore licenciée.
De fil en aiguille, j’ai intégré un équipage féminin pour représenter l’APCC sur certaines compétitions et puis j’ai continué, soit avec des filles, soit en mixte. Pamela Lee –Moi, j’ai commencé la voile en famille, en Irlande. À l’époque, on naviguait sur de petits bateaux mais j’ai fait aussi du surf, du kitesurf…
Les bateaux, la mer, ça a toujours été important dans ma vie mais, en Irlande, la voile n’est pas un grand sport et il n’y a pas de courses au large.
À 24 ans, je suis partie vivre en Australie. Là-bas, il y avait ces courses très connues comme la Sydney-Hobart. J’ai vu ça et je me suis dit que c’était ce que j’avais envie de faire. Je crois que j’ai toujours eu en moi cette idée de travailler dans le milieu de la mer. Il y a l’aspect compétition qui me plaît, mais aussi l’aspect exploration : être poussée dans tes retranchements dans des situations difficiles, être dans la nature sauvage…
Tiphaine Ragueneau
C’est donc en Australie, Pamela, que tu as commencé à te forger une expérience en course au large ?
C’est là-bas que j’ai passé mes diplômes afin de devenir skipper professionnelle, mais skipper commerciale pas skipper de course. J’ai fait ça pendant quelques années et puis j’ai eu l’opportunité de venir en France pour participer au Figaro avec l’équipe irlandaise et j’ai découvert le monde de la course au large ici.
Moi, jusqu’alors, j’avais souvent été la seule femme dans les équipes et j’occupais toujours la même fonction : ce n’était jamais moi qui m’occupais de la tactique, qui skippais ou qui faisais les choses intéressantes.
Quand j’ai vu qu’en France il y avait des courses en solo et en double, je me suis dit que, si on était deux, j’avais une chance sur deux de skipper, de faire la tactique, la navigation. Je me suis installée à Lorient avec l’ambition de devenir skipper de course.
Pamela Lee
La voile est un des rares sports mixtes mais il est parfois difficile, pour les femmes, d’exister dans ce milieu…
Pamela Lee –La voile n’est pas, de manière générale, un sport facile. Il est en effet difficile de devenir skipper : il n’y a pas de route directe pour y parvenir et la concurrence est rude. Si tu ajoutes à ça le fait d’être une femme, ça rend la chose plus difficile encore.
La voile est un sport mixte, un des rares pour lequel hommes et femmes ont l’opportunité de jouer ensemble. Il reste que les femmes sont moins nombreuses et je pense qu’il y a de nombreuses raisons à cela. L’une d’elles c’est que, pour devenir skipper, il te faut de l’expérience, des contacts et des opportunités et je pense qu’il est plus facile, pour les hommes, de se créer des connections. Ce milieu est un peu ce que l’on appelle un Boys Club.
Tiphaine Ragueneau – Moi, je n’ai jamais eu l’impression que l’on ne me réservait que les tâches annexes. Les équipages mixtes avec lesquels j’ai navigué sont venus me chercher pour mes compétences à certains postes.
Plus généralement, dans mon club, il n’y a aucune différence entre hommes et femmes, c’est d’ailleurs l’un des premiers clubs à avoir organisé une régate 100 % féminine il y a plus de dix ans.
Le vrai problème, c’est qu’il y a pas mal de filles qui n’osent pas poursuivre en voile, elles s’auto-censurent et c’est ça qu’il faut surtout changer. Il faut faire en sorte que les femmes aient plus confiance en elles pour qu’elles osent continuer à pratiquer. D’ailleurs, je n’ai pas trouvé plus simple de naviguer avec un équipage féminin qu’avec un équipage mixte.
Pamela Lee
Est-ce pour montrer que les femmes sont « capables de », que tu t’es lancée, Pamela, dans un projet de record du Tour d’Irlande ?
Avant, sur les courses au large, j’étais toujours frustrée. J’avais l’expérience mais pas l’opportunité de montrer ce que je savais faire. Un jour, l’un de mes amis m’a dit : « Fais quelque chose pour montrer ce que tu vaux ». Je lui ai répondu : « Ok, mais quoi ? » et il m’a parlé, entre autres, du Tour d’Irlande.
Je suis partie sur cette idée et je me suis rapprochée d’une organisation qui s’occupe de trouver des opportunités pour les femmes dans la voile. Comme pour Tiphaine, j’ai cherché une femme qui avait un peu d’expérience et qui était assez disponible pour se lancer avec moi et j’ai fait la connaissance de Catherine Hunt.
Ensemble, nous avons battu trois records : celui des moins de 40 pieds, le record femme et le record du double. Avant cette aventure, je ne savais pas si j’étais capable de faire ce genre de chose mais là, je me suis dit : « Fuck, I’mgonnatry ! ».
Pamela Lee
Le dispositif Cap pour Elles et les initiatives similaires sont nécessaires selon vous ?
Pamela Lee – Cap pour Elles c’est très important car ça sert à donner des opportunités aux femmes. Moi, grâce à ce dispositif, je vais avoir l’opportunité, pour la première fois, d’être skipper sur la Transat Jacques Vabre.
Si, grâce à ça, je peux créer un peu d’histoire, servir de rôle-model, peut-être qu’en me voyant d’autres femmes vont se dire qu’elles peuvent le faire, elles aussi.
Concrètement, que vous apporte le fait d’avoir été retenues pour le Cap pour Elles ?
Pamela Lee – Nous avons reçu une enveloppe de 40 000 euros. Nous avons besoin de 200 000 mais c’est déjà un bon départ. Nous allons aussi bénéficier de facilités d’entraînement, d’accès aux médias et de supports pour trouver des sponsors.
C’est hyper difficile de démarcher seule, de frapper à la porte d’une entreprise en disant : « Excuse-moi, je suis Irlandaise et j’ai un petit projet qui s’appelle la Transat Jacques Vabre ». Cap pour Elles nous apporte les connections dont je parlais plus haut. Grâce à cela, il va être beaucoup plus facile pour nous de trouver des sponsors.
Pamela Lee
Est-ce que vous pensez que, de manière générale, les sponsors s’intéressent moins aux femmes ?
Pamela Lee – Je ne sais pas, mais je crois qu’il est de plus en plus intéressant, pour une marque, de sponsoriser des femmes parce que c’est vraiment un sujet porteur en ce moment.
Tiphaine Ragueneau – Cap pour Elles et les dispositifs similaires sont importants pour nous, marins. Cela va nous permettre de nous lancer dans des objectifs de carrière que l’on espère longue, Pam comme moi.
Ça va nous permettre également de montrer à certaines que c’est possible et que l’on est soutenues, que l’on peut être aussi médiatisées que les hommes.
En ce qui concerne les sponsors, est-ce qu’ils ont moins confiance parce que l’on est des femmes ? Je ne pense pas. Il est important, en revanche, de leur montrer que l’on existe, que nous ne sommes pas assez nombreuses et qu’il est bien de nous aider afin que ça change.
Tiphaine Ragueneau
Vous allez également être marainnées par Sam Davies. Qu’attendez-vous de cette collaboration ?
Pamela Lee – Sam Daviesest un très bon exemple. Il y a quelques années de ça, quand je la voyais en mer, je me disais que si elle pouvait le faire, je le pouvais aussi. C’est aussi un exemple pour les sponsors, elle montre de quoi une femme est capable.
Tiphaine Ragueneau – Elle va nous apporter un soutien grâce à son expérience et notamment en termes de préparation mentale, ce qui est primordial dans une course comme la Transat Jacques Vabre car, à un moment, c’est sur le moral que ça se joue. Ça va être intéressant de comprendre comment elle se prépare, comment elle gère sa vie personnelle – Sam est aussi maman – et sa vie sportive.
Pamela Lee
Quelles sont les prochaines étapes pour vous deux ?
Tiphaine Ragueneau – Nous avons toutes les deux un métier à côté et c’est ça qui est un peu compliqué à gérer pour le moment. Ceci étant, d’ici mi-avril, nous devrions commencer à nous entraîner toutes les deux et à naviguer ensemble.
Nous avons une course de qualification à faire pour la Transat Jacques Vabre. Ce sera, a priori, la Normandie Channel Race qui part le 4 juin de Caen. Ce sera notre première grande course ensemble mais on réfléchit, d’ici-là, à en disputer une autre soit à deux, soit en équipage, avec un marin plus expérimenté, pour apprendre plus vite.
Grâce à Cap pour Elles, nous allons également avoir une semaine d’entraînement au Havre. Pour le reste, nous nous sommes fixé le mois d’août comme date limite pour être à 100 % sur le projet.
Plus que quelques mois avant que le breaking ne fasse officiellement son apparition aux Jeux Olympiques. Un rendez-vous qui fait rêver les Bgirls et Bboys. La Néerlandaise India Sardjoe est prête à se lancer dans la battle pour l’or. Portrait d’une breakeuse d’exception.
Elle surfe sur la vague avec une pêche et une glisse d’enfer. Héloïse Pégourié, 16 ans, Championne de France junior U20 en Foil, classée dans le Top 15 des meilleures rideuses européennes, sait prendre le vent avec la fougue de la jeunesse et la sagesse de l’athlète de haut-niveau. Rencontre avec une jeune kitesurfeuse ébouriffante.
Une survivante. Une battante pour le moins singulière. Mélissa Plaza avait un rêve, petite, celui de devenir footballeuse professionnelle. Un choix de vie auquel, malgré les obstacles, elle n’a jamais voulu renoncer. À présent retraitée, l’ex-joueuse de l’OL prête sa voix aux femmes et milite, sans s’économiser, pour une société plus égalitaire. Rencontre avec une fille percutante, forte et généreuse.
Alors comme ça, la boxe serait une affaire d’hommes ? Que nenni, les gants vont aussi bien aux filles qu’aux garçons ! Et certaines n’ont pas attendu d’autorisation pour le faire savoir. Retour sur l’histoire de ces pionnières gantées.
Toujours prête à monter en selle ! À vélo, Alice Puech est une acharnée, une fille qui ne craint pas d’avaler les kilomètres. Également triathlète, elle est une sportive à l’énergie débordante. Petit Q&A express et en images d’une cycliste épanouie.
Cette fille-là, c’est 5 médailles paralympiques dont 1 en or, un record du monde, une foison de médailles en Championnats. La para-haltérophile franco-tunisienne Souhad Ghazouani est une force de la nature. Née tétraplégique, elle porte sa vie à bout de bras, envoie du lourd et espère soulever de l’or aux Jeux Paralympiques de Paris !
Les Jeux Olympiques de Pékin sont maintenant à porté de skis. En attendant le 4 février, ÀBLOCK! vous propose de (re)plonger dans l’histoire féminine des JO d’hiver. Retour sur 6 pionnières olympiques (dont les soeurs Goitschel sur notre photo) qui ont fait de la neige et la glace leurs podiums.
Ils se sont terminés dimanche 24 juillet après dix jours de compétition. Le sport féminin a brillé de mille feux sous le soleil américain lors de ces championnats du monde d’athlétisme de Eugene 2022 , alors si vous avez raté ça, ÀBLOCK! vous fait un rapide récap de la compétition !
Avant, Jade Rosa était très fitness, carrière et boîtes de nuit. Tout a changé lorsqu’elle a découvert le surf. Plus qu’un sport, une philosophie de vie. Aujourd’hui, elle vit près de l’océan et, d’avril à septembre, c’est dans l’eau que vous devrez aller la dénicher. Témoignage d’une rideuse rafraîchissante.
Ce seize pages sympa à lire – en mode « posterzine » – va « droit au but » pour mettre toutes les sportives sur le podium. De quoi être dans les starting-blocks pour son premier numéro et sa collecte participative. Nous, on adhère !