Petite, tu aimais déjà les sports qui dépotent ?
J’étais clairement une petite fille qui avait besoin de se dépenser, hyper énergique. Et le hasard a bien fait les choses : mes parents cherchaient à me mettre à un sport et il se trouve qu’un club de taekwondo s’est ouvert juste à côté de chez nous, dans mon village de Normandie. C’est comme ça que j’ai commencé les sports de combat. J’avais 8 ans.
Est-ce qu’à l’époque, on t’a mis des bâtons dans les roues parce que tu étais une fille dans un sport de combat ?
Ah non, je n’ai jamais ressenti que le fait d’être une femme puisse être un stop. Après, j’ai vite remarqué qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes dans les sports de combat, ça, c’est sûr. Mais on ne m’a jamais mise à l’écart parce que j’étais une fille. Et au contraire, parce que moi, j’adorais la bagarre ! J’ai grandi et évolué dans un milieu d’hommes donc j’ai eu pas mal de grands frères ! Et puis mes parents m’ont toujours laissée libre de faire ce que je voulais. Ils m’ont toujours suivie dans mon parcours, aidée dans mes déplacements, pour mes projets…
C’est quoi pour toi un « sport de combat » ?
En fait, les sports de combat, ça fait intervenir toutes les armes qu’on peut avoir, entre guillemets. Moi, dans le MMA, je me sers autant du sol que de la lutte, de mes poings, de mes jambes, je fais des clés de bras, j’envoie des coups de coude ou de genoux. J’utilise vraiment toute ma panoplie, tout mon corps. En revanche, je suis des règles, je ne me suis jamais battue en dehors du cadre du sport. Cela dit, ça rassure de savoir se défendre. Savoir faire ça, c’est un excellent moyen de prendre confiance en soi, en ses capacités.
Quand tu commences le taekwondo, enfant, qu’est-ce qui te plaît tant ?
Je crois que c’est vraiment parce que je suis plutôt forte, rapidement. Je m’entraîne énormément et comme je suis assidue, je vois que je m’améliore. Et ça donne la motivation pour continuer. Je fais assez vite des compétitions et je domine ma catégorie dans ma région. Puis, je fais des podiums en France. Donc, les résultats me poussent à chaque fois à aller de l’avant, plus loin, plus haut.
Quelles sont tes forces dans les sports de combat ?
Alors moi, je suis issue du striking, c’est-à-dire du coup, ayant des antécédents en taekwondo et en boxe. Mais je me suis tellement entraînée dans un univers que je ne maîtrisais pas du tout depuis que j’ai commencé le MMA, à savoir le sol, que j’apprécie toutes les dimensions du MMA : striking, lutte, sol et grappling. Je suis plutôt une combattante polyvalente. J’aime faire croire à mes adversaires que je suis une strikeuse, mais, à tout moment, je peux aller les chercher dans les autres univers. Ça me plaît de jouer avec cette incertitude.
Tu gravis donc les échelons en taekwondo – tu deviens même ceinture noire – mais tu ne parviens pas à intégrer l’équipe de France. Est-ce que ça a été un coup dur pour toi ?
Le taekwondo représente une grosse partie de ma vie : quatorze ans, quand même. C’est le premier sport que j’ai fait. Et mon tempérament, c’est de vouloir toujours être la meilleure. J’ai fait du haut niveau – ceinture noire, plusieurs podiums nationaux, participation à des championnats d’Europe – mais pas le haut niveau que j’aurais voulu. Donc, j’ai clairement vécu comme un échec le fait de ne jamais intégrer l’équipe de France. Vers l’âge de 14 ans, j’ai quand même tenté la boxe américaine, le full contact, et j’ai décroché deux titres de championne du monde (2015 et 2018 à l’ICO (International Combat Organisation), Ndlr). Mais lorsque je me suis mise au MMA, l’idée était certainement aussi de prendre une revanche, de parvenir à atteindre les objectifs que je n’avais pas réalisés en taekwondo. Ça a très bien commencé : au bout de seulement deux ans de pratique, j’intégrais l’équipe de France !
Comment vient ton coup de foudre pour le MMA, les Arts Martiaux Mixtes ?
C’est lorsque j’arrive à Lyon, dans le cadre de mon travail de policière. On est à l’été 2019, juste avant la Covid. J’avais recommencé un peu le taekwondo, mais je suis à un moment de ma vie où je me cherche un peu. J’ai envie de faire autre chose, toujours dans les sports de combat, mais quelque chose de plus complet, avec moins de règles, plus de liberté et une possibilité d’utiliser l’intégralité de ses « outils ». Le taekwondo, c’est quand même beaucoup les jambes, l’arbitre arrête souvent le combat, ça manque un petit peu de fluidité. Je voulais utiliser toutes mes armes. Un de mes collègues faisait du MMA, j’ai su tout de suite que ça allait me plaire. J’ai trouvé un club à côté de chez moi et c’était parti !
Dès ce moment-là, tu t’investis à fond ?
Il faut savoir que, lorsqu’on commence à pratiquer le MMA, c’est hyper traumatisant pour le corps. Il faut le temps qu’il s’habitue à la pratique : les genoux prennent pas mal, les oreilles chauffent pendant la lutte et ça donne les fameuses oreilles en chou-fleur… Surtout que moi, je voulais y aller tous les jours, parce que ma salle est ouverte de 10h à 21h, et on y fait du MMA, de la boxe thaï, de la boxe anglaise, de la lutte, du CrossFit, enfin tout un tas de choses. C’est ça qui est bien dans le MMA : on peut tout faire, ça servira forcément. Au départ, donc, ça a été un peu traumatisant pour mon corps, mais ça va mieux. Actuellement, je m’entraîne tous les jours après le travail. Et quand je ne bosse pas, j’essaye de doubler, de profiter d’être en repos pour m’entraîner le matin et le soir comme un combattant professionnel. La double casquette n’est pas facile à jouer car pour être combattante professionnelle, mon rêve et mon but, il faudrait ne faire que ça. Mais j’ai aussi ma vie pro à mener.
Si tu devais définir le MMA…
Pour moi, le MMA, c’est vraiment une combinaison de tous les sports de combat : la lutte, le kickboxing, le taekwondo, le grappling, la boxe… C’est légal en France depuis seulement cinq ans. Ça reste violent dans la cage, mais il y a des règles et on est très suivis médicalement : en amont, pendant et après le combat, la présence d’un médecin est obligatoire.
Une fois montée sur le ring et entrée dans la cage, tu n’as jamais peur ?
Je n’ai jamais eu peur d’entrer sur le ring ou dans la cage ni même sur le tatami à l’époque du taekwondo. Je n’ai jamais eu cette appréhension de me prendre un KO et, d’ailleurs, ça ne m’est jamais arrivé. Pendant le combat, je suis à un tel niveau de concentration, avec l’adrénaline et tout, que je sens beaucoup moins les coups. Après, c’est souvent à la fin du combat que les douleurs apparaissent. Mais, en tout cas, je ne rentre jamais dans la cage avec cette peur de me faire mal. Vraiment, moi, quand je rentre dans la cage, je change, ce n’est plus du tout la même Océane qui fait face à son adversaire. Il n’y a plus de sourire, je suis hyper concentrée pendant le temps du combat. Ce que je veux, c’est gagner ; mon but, c’est de détruire celle qui est en face de moi. Mais après, dès que le combat est terminé, tout se passe dans le respect. Pour autant, je veux que ce soit mon bras qui se lève à la fin du combat, et pas celui de mon adversaire.
Et puis, il y a le public. Est-ce que c’est quelque chose qui te booste ?
Oui, car je veux que ce soit beau à regarder : donc je veux de la combativité, je veux qu’il y ait de l’impact, je veux qu’il y ait du sang. J’ai envie de bien faire les choses, que ma prestation vaille le coup. Surtout, ça me tient à cœur parce que le MMA est une discipline très récente en France et que les combats féminins sont moins connus que ceux des hommes. L’idée, c’est de donner envie, de montrer qu’il y a autant à voir que chez les hommes, que ce n’est pas ennuyeux. Je veux montrer au public qu’il n’est pas venu pour rien, et même qu’il va en voir plus que chez les hommes. Parce que nous, justement, les femmes, on doit en faire plus pour démontrer qu’on a notre place. Donc, on chipote moins, on fait moins de chichis…
C’est donc important pour toi de représenter l’image de la femme combattante et, peut-être, d’inspirer d’autres femmes à se lancer sur le ring ?
Oui, ça me rend fière d’être une représentante des femmes dans le MMA et si je peux leur donner envie de pratiquer, c’est encore mieux. Parce que, quand j’ai commencé, j’ai eu beaucoup de mal à trouver des femmes pour combattre, on n’était vraiment pas nombreuses. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de pratiquantes, que ce soit en loisir ou en compétition.
Les hommes sont-ils accueillants envers les femmes dans le MMA ?
Oui, en général, ça va. Il y en a toujours qui préfèrent rester entre mecs, mais c’est ça qui me fait rire. J’aime bien me jeter dans la gueule du loup, être avec eux et leur mettre une petite branlée ! Les combats étant exclusivement avec des femmes, j’aime bien m’entraîner avec des hommes.
Quel combat a été marquant pour toi sur le plan physique et mental ?
Il y en a plusieurs. Quand j’ai remporté la troisième place sur mon premier championnat d’Europe, en avril 2024. C’était mon plus gros combat à l’international, je n’étais pas beaucoup sortie de France. J’ai pu côtoyer le haut niveau à l’extérieur et j’ai vu que j’avais ma place puisque j’ai réussi à devenir la championne du monde en titre. J’étais assez fière. Après, l’an dernier, avec l’équipe de France, j’ai fait les championnats du monde en Ouzbékistan et j’ai été sacrée championne du monde amateur IMMAF 2024 (-56,7 kg). En tout, j’ai fait 18 combats dans le circuit amateurs avec 16 victoires pour seulement 2 défaites. Pour moi, c’était le green flag pour passer en pro !
Malgré ta force physique et mentale indéniable, est-ce que tu t’entoures quand même d’un coach mental ?
Je ne suis pas suivie par un préparateur mental, mais ça a été le cas lorsque j’ai participé à l’émission de télé-réalité MMA Academy (sur la plateforme M6+, Océane en est ressortie vainqueure, Ndlr). C’est vrai que ça m’a beaucoup apporté. Peut-être que, par la suite, j’y penserai. Mais je combats depuis que j’ai 8 ans, je connais le milieu compétitif et je maîtrise bien le stress. Après, le MMA pro, c’est très médiatisé, il y a maintenant cette donnée à prendre en compte dans la pression.
Est-ce que tu as un mantra qui t’incite à aller au combat ?
Je me dis que mes entraînements ont été tellement durs que je sais que le jour J, ça va le faire.
Actuellement, est-ce que tu es payée pour pratiquer ton sport à haut niveau ?
J’ai été dans le circuit amateur pendant deux ans. On est un peu payés, mais on l’est plus en circuit professionnel. J’ai signé un contrat avec l’organisation Hexagone MMA, je suis donc combattante pro désormais. Je représente cette ligue et je ne peux combattre qu’avec cette ligue. Là, c’est vraiment la cour des grands, les choses sérieuses ! Les compteurs reviennent à zéro. Le 10 août, je fais mon premier combat professionnel. Je n’ai plus droit à l’erreur.
Es-tu toujours en équipe de France ?
Non, puisque je suis passée en pro. Le système fédéral, c’est pour le circuit amateur. Quand on commence, généralement, on intègre l’équipe de France, on fait les championnats de France, les championnats d’Europe. Quand on choisit de passer professionnel, on signe dans une organisation. On n’a alors plus de lien avec l’équipe de France.
Ce 10 août, tu fais donc tes premiers pas de combattante pro sur la scène mythique du Théâtre antique d’Orange, à l’occasion du gala HEXAGONE MMA 32, qui propose le meilleur du MMA. Quels sont tes objectifs et ton état d’esprit à quelques heures de la bataille ?
Je sais que je suis prête physiquement, je me sens bien, je n’ai pas de blessures. Là, je gère surtout ma perte de poids pour la fin de la préparation. En amateur, je combattais en moins de 57. En professionnel, je descends de catégorie et je combats en moins de 52, et comme on se pèse la veille en pro, c’est jusqu’au bout. J’ai pris une nutritionniste pour gérer cet aspect-là. À part cet aspect-là, je ne suis pas stressée, même si je sais qu’il va monter tranquillement avant le grand jour, mais ce sera du stress positif car j’ai plutôt hâte d’en découdre. Depuis mon dernier combat amateur, il s’est passé neuf mois, ça me manque. Entre-temps, j’ai bien pris le temps de m’entraîner pour le professionnel, de m’adapter aux règles. Je suis impatiente de retourner dans la cage. Je connais mon adversaire depuis quelques mois et j’ai observé ses manières de combattre, j‘ai travaillé en fonction de ça. C’est une Écossaise. Elle, c’est son troisième combat en pro. J’ai malgré tout une petite pression parce que depuis l’émission et mon titre de championne du monde, je suis un peu attendue, j’ai marqué les esprits en quelque sorte.
C’est quoi ton rêve absolu ?
J’ai signé pour plusieurs combats à l’Hexagone, donc, à terme, mon but, c’est d’obtenir la ceinture noire de ma catégorie. Dans chaque catégorie de poids, il y a un champion, une championne : je veux être la championne de l’Hexagone. Et après, j’aimerais bien aussi passer à l’international, aller combattre à l’étranger, intégrer d’autres grandes organisations telles que l’UFC (Ultimate Fighting Championship) ou le PFL (Professional Fighters Ligue). Mais j’y vais tranquillement. Je ne veux pas brûler les étapes. Je n’oublie pas d’où je viens et j’y vais petit à petit. Pour l’instant, en fait, mon but, c’est d’être la meilleure, d’être numéro un.
Avec le MMA, tu te sens powerful ?
Oui, ça m’apporte de la confiance en moi et en mes capacités, je vois que je peux me dépasser. Je sais que, grâce au sport, je parviens à être assidue dans tout ce que j’entreprends. Je le constate aussi dans ma profession. Je sais que je ne lâcherai jamais rien.
Fais-tu un lien entre ta prédilection pour les sports de combat et ton métier dans la police ?
Je faisais des études en STAPS et, après avoir obtenu ma licence, j’ai passé, en parallèle, le concours de gardien de la paix. Quand j’ai su que j’étais prise en école de police, j’ai choisi cette voie parce qu’il y avait aussi un aspect sportif et collectif, un esprit d’équipe. Moi, je ne voulais pas être derrière un bureau et j’avais besoin que mes journées ne se ressemblent pas. Le fait de pratiquer des sports de combat, c’est un atout, ça me donne une réelle capacité physique, ce qui est essentiel dans ma profession.
Si tu devais choisir entre les deux ?
Ce serait le MMA. Mais, pour le moment, il me faut une stabilité professionnelle. C’est très compliqué d’allier les deux. Pour l‘instant, j’y arrive, mais dans le très haut niveau, ça va vite devenir galère car je vais être confrontée à des adversaires qui ne font que ça dans leur vie. Donc, à un moment, il va falloir faire des choix. Et je ne veux pas avoir de regrets. J’ai 28 ans, je ne suis pas vieille, mais je ne suis pas jeune non plus. C’est maintenant qu’il faut faire les choses et je me sens prête, si nécessaire, à mettre ma carrière de côté pour réussir dans mon sport. Dans le haut niveau, on peut s’en sortir grâce aux sponsors, mais ça reste difficile, alors il faut faire les choses intelligemment ou avoir une double casquette dans le sport, coach sportif ou commentateur par exemple. J’attends beaucoup de ce combat pour avoir de la visibilité et, si possible, obtenir des sponsors qui pourraient m’aider dans mon parcours. Aujourd’hui, j’en ai déjà quelques-uns et ce n’est pas négligeable, je les remercie d’ailleurs : la prépa en MMA, ça représente énormément de dépenses : la partie nutrition, la partie prépa physique, les déplacements pour les temps d’entraînement… etc.
As-tu des coachs attitrés ?
J’ai des coachs pour la partie sol, et d’autres qui m’accompagnent en salle, on est une équipe. L’entraîneur principal, qui gère plutôt ma carrière, c’est Fabio Pinca, il est très connu dans le milieu. Il est dans le Muay thaï.
Est-ce qu’une athlète féminine t’a inspirée à tout dégommer pour construire ce parcours sportif ?
Oui, les deux seules Françaises femmes qui sont à l’UFC : Nora Cornolle qui est dans la catégorie moins de 61 kg, et Manon Fiorot, en moins de 57. Ce sont les premières femmes françaises à avoir gravi les plus gros échelons du MMA et qui me montrent que tout est possible. D’autant qu’il n’y a aucune Française en -52, ma catégorie, donc je veux bien cocher la case !
Qu’est-ce que tu aimerais transmettre à la jeune génération de filles et de femmes qui n’oseraient pas monter sur le ring ou entrer dans la cage ?
Que le MMA s’adapte à tout le monde : autant à celles qui veulent juste en faire en loisir, que celles qui veulent apprendre à se défendre ou avoir confiance en elles ou tout simplement faire de l’activité physique. Les clubs s’adaptent très bien. Il y en a même qui proposent des cours de MMA uniquement pour les femmes ou des cours où on prend un peu moins de coups. Il y a vraiment différentes méthodes d’apprentissage. Il ne faut pas voir le MMA comme quelque chose de tout le temps très violent…
- Pour suivre la future star du MMA français, c’est sur son compte Instagram @ocean.samson
- Le palmarès d’Océane Samson : Championne du monde IMMAF 2024 (Le MMA amateur est régi à l’échelle mondiale par l’IMMAF (International MMA Federation) qui a été fondée le 29 février 2012) ; Championne de France amateur ; 16 victoires (dont 9 avant la limite) sur le circuit amateur ; Vainqueure de MMA Academy, la première télé-réalité dédiée au MMA, sur M6+.
Ouverture ©Océane Samson/Facebook
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