Mathilde Gros« Une médaille aux JO, ce serait à la fois un objectif et un rêve qui se réalisent. »

Mathilde Gros
Mission : défendre les couleurs de la France aux Jeux Olympiques de Tokyo. Mathilde Gros, jeune prodige du cyclisme, s’alignera en Keirin et en vitesse individuelle au Japon. Son objectif : la médaille. Rencontre avec une petite reine qui a tout d’une grande.

Par Sophie Danger

Publié le 13 juillet 2021 à 10h25, mis à jour le 14 octobre 2024 à 9h43

Le départ pour le Japon approche, dans quel état d’esprit es-tu à quelques jours du coup d’envoi des Jeux Olympiques ?

J’ai hâte de pouvoir courir à cette compétition, ça fait longtemps que je m’entraîne pour ça.

Tu as une trajectoire très particulière. Tu as commencé par le basket et tu as découvert le cyclisme par hasard. Est-ce que tu réalises que, six ans après tes débuts, tu vas représenter la France aux Jeux Olympiques ?

J’ai encore du mal à réaliser tout le chemin parcouru. Je pense que je ne réaliserai qu’après les Jeux. C’est vraiment incroyable.

J’ai une bonne étoile qui m’a permis de changer le cours de ma vie en basculant du basket au vélo.

C’est un honneur, en tout cas pour moi, de représenter la France aux Jeux, de porter haut et fort les couleurs de mon pays.

©DR

Les Jeux, ça a toujours été un moteur pour toi. En 2008, tu regardes un match des basketteurs américains à la télévision et tu expliques à ton père que toi aussi tu veux y aller. À l’époque, c’était des paroles en l’air ou tu as décidé de tout faire pour participer aux JO, toi aussi ?

Quand j’ai dit à mon père que je voulais aller aux Jeux Olympiques, ce n’était pas du vent. C’était tout à la fois un véritable objectif et un rêve.

Moi, ce qui me fascinait avec les Jeux Olympiques, c’était les émotions que cette compétition procure aux gens.

Maintenant, c’est à mon tour et je veux donner, moi aussi, toutes ces émotions à ma famille, à mon coach, mon équipe, mes amis et tous ceux qui me soutiennent.

C’est avec cette idée en tête que tu envisageais ton parcours en basket ?

Oui, tout à fait. Au départ, je voulais tracer cette voie dans le basket. Le vélo, ce n’était pas du tout prévu.

©DR

En 2014, ton parcours change radicalement. Tu es repérée pour tes aptitudes en vélo et tu intègres le pôle espoir de cyclisme sur piste à Saint-Quentin sans trop vraiment savoir si tu vas t’épanouir dans cette nouvelle discipline. Lorsque tu fais la bascule basket-vélo, les Jeux sont encore dans un coin de ta tête ?

Non, pas du tout. À l’époque, je ne connaissais même pas cette discipline.

Moi, je débutais et tout ce que je voulais c’était voir, dans un premier temps, si je tenais sur un vélo, mais aussi si j’y prenais du plaisir.

Très vite, tu vas exploser. Tu enchaînes les résultats, tu es surclassée. En 2016, il y a les Jeux de Rio. Est-ce qu’il a été question, à un moment, que tu y participes ?

Non, du tout. J’avais 16 ans à l’époque et il était impossible que je puisse y participer car je n’étais pas majeure.

Et puis, il ne fallait pas brûler les étapes. Avant les Jeux, il fallait d’abord que je marche lors des compétitions juniors nationales, internationales puis mondiales.

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Est-ce que, malgré tout, c’est à partir de ce moment que tu as commencé à te dire que ton tour viendrait à Tokyo ?

En voyant les Jeux de Rio, j’ai vu tout le chemin qu’il me restait à parcourir. Je me suis dit, qu’un jour, mon tour viendrait mais, qu’avant, il fallait que je travaille dur, que je progresse et que je reste concentrée sur moi-même.

Dans ta route vers Tokyo, il va y avoir deux moments marquants. Le premier c’est ta participation à la tournée internationale du keirin qui se déroule au Japon entre avril et juin 2018. Tu vas vivre là-bas plus de quatre mois, ce qui va te permettre, entre autre, de te familiariser avec la piste. Est-ce que le fait de revenir en terrain connu à l’occasion des Jeux peut être un plus par rapport à certaines de tes concurrentes ?

Oui, je pense que ce peut être un petit plus comparé aux autres filles. Je connais bien le vélodrome, je m’y suis entraînée pendant quatre mois. La piste est superbe.

Je pense que les temps, là-bas, vont être exceptionnels et que ça va être une compétition de folie !

Le second événement marquant, ce sont les Championnats du monde de Berlin de 2020. Tu expliques, à cette occasion, avoir vraiment découvert ce qu’était le niveau olympique et avoir vraiment pu jauger où tu en étais. Ce n’était pas le cas avant ?

Les Coupes du monde, ce sont des rendez-vous moins marquants car toutes les nations ne sont pas présentes.

Ce sont également des rendez-vous lors desquels on n’est pas au top de notre forme car on vise et les Mondiaux et les Jeux.

En 2020, c’était une année olympique et je n’en avais jamais vécu auparavant.

En quoi tu n’étais pas encore prête selon toi ?

L’année d’avant, j’avais dû courir après la qualification olympique. Je me suis beaucoup déplacée dans différent pays et ça m’a beaucoup épuisée.

Mentalement, la pression était assez forte et ça m’a beaucoup fatiguée.

Comment as-tu organisé le temps qu’il te restait jusqu’à Tokyo, tu as axé ta préparation sur quoi ?

Nous avons beaucoup discuté avec mon entraîneur et avec le staff. Nous avons réorienté les entraînements pour que je puisse m’améliorer physiquement en modifiant des exercices sur la piste et en musculation.

Tu seras alignée en Keirin et en vitesse individuelle. Tu as beaucoup travaillé la tactique mais aussi le mental. Pour toi, tout le monde sera à peu près aussi fort d’un point de vue physique, mais 70 % de la médaille va se jouer dans la tête. Plus jeune, tu dis pourtant que tu n’avais pas de mental et que tu as fait en sorte de travailler ce point précis pour ne pas être ta propre adversaire aux Jeux. Comment ça s’est passé ?

J’ai un préparateur mental depuis 2018. Je travaille beaucoup avec lui en me concentrant sur Tokyo et Paris.

Ce travail m’apporte beaucoup plus de sérénité.

Ça me permet de ne pas avoir de trop grosses pensées négatives avant les épreuves et de garder de l’énergie sur la piste.

©DR

Ton objectif, clairement, c’est la médaille. Tu dis que tu veux la gagner pour toi, mais aussi pour ton coach Herman à qui on a mis une basketteuse entre les pattes en lui disant : «  Fais-en une championne de cyclisme ». Gagner pour deux, ce n’est pas deux fois plus de pression dans la tête au départ ?

Non. Je le fais avant tout pour moi, même si y a plein de personnes, Herman en priorité, à qui je voudrais ramener une médaille.

Tu as eu un parcours qui, de l’extérieur semble tellement facile, tellement fluide… Cette médaille, elle signifie potentiellement quoi pour toi ?

Les gens ne retiennent souvent que les médailles gagnées, mais pas toutes les heures d’entraînements qu’il y a derrière, les doutes, les peines, les sacrifices, les moments de souffrance… Tout ne m’est pas arrivé sur un plateau. J’ai eu des chutes et plus de moments de peine que de moments de joie.

C’est le sport de haut niveau. S’il y a une médaille à Tokyo, ce sera à la fois un objectif et un rêve qui se réalisent.

Si ce n’est pas le cas, ce ne sera que partie remise. Je reviendrai encore plus forte à Paris.

  • Mathilde Gros a été éliminée en quarts du keirin des Jeux Olympiques de Tokyo, terminant cinquième, à une place des qualifications pour les demi-finales. 

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