Louise Roussel : « À travers le vélo, nous voulons prouver aux femmes qu’elles ont toutes une place dans la société. »Louise Roussel, 31 ans, co-réalisatrice avec Océane Lepape du documentaire « Les échappées »*

Louise Roussel : « À travers le vélo, nous voulons prouver aux femmes qu’elles ont toutes une place dans la société. »
Elles souhaitaient démontrer à toutes et tous que le vélo est un formidable outil d’affirmation et d’émancipation. Louise Roussel et sa co-équipière Océane Lepape ont pédalé durant deux mois pour rencontrer des pratiquantes. Elles en ont rapporté mille souvenirs mais aussi un documentaire, « Les échappées ».

Propos recueillis par Sophie Danger

Publié le 08 juillet 2022 à 17h15

« J’ai découvert le vélo complètement par hasard. À l’époque, mon frère venait de se faire larguer et il voulait passer un week-end avec sa petite sœur pour se réconforter.

Nous étions jeunes, nous n’avions pas d’argent et je lui ai proposé de relier Lille à Amsterdam en vélo. Ce périple, c’était l’assurance de ne pas avoir trop à dépenser mais surtout la possibilité de vivre quelque chose de fort tous les deux.

J’avais, pour tout équipement, le vélo de ma mère. Il n’était pas du tout adapté à ma taille, encore moins au voyage et j’ai détesté autant que j’ai aimé. L’année d’après, pourtant, je suis repartie mais seule, cette fois, et j’ai mis le cap sur Budapest.

Je traversais une période de ma vie durant laquelle j’étais très sollicitée d’un point de vue professionnel et je crois que j’avais besoin de me retrouver seule pendant quelques semaines. Le vélo me le permettait. Le côté découverte et dépassement de soi qui va avec me parlait aussi et c’est comme ça que j’en suis tombée amoureuse.

©Sophie Gateau

Le temps passant, j’ai appréhendé le vélo sous un autre angle que celui du seul voyage. J’ai eu un accident de voiture et j’ai dû mettre mon véhicule à la casse. J’ai décidé de ne pas en racheter et de privilégier le vélo qui est devenu un moyen de locomotion.

Et puis, progressivement, ma pratique a rejoint mon engagement militant. En 2018, j’ai créé « vai ma poule »**, une association qui organise des activités autour du vélo à destination des réfugiés et des demandeurs d’asile.

C’est à cette occasion que j’ai compris toute la puissance du vélo, un créateur de liant qui permet à des gens dont l’horizon est nuageux de l’éclaircir par le biais, par exemple, de week-ends organisés pour leur permettre de sortir de la ville, d’en découvrir les environs.

©Sophie Gateau

Mon rapport au vélo est devenu plus sportif lorsque je suis entrée chez Décathlon. J’y ai travaillé deux ans et j’ai côtoyé des gens qui en faisaient beaucoup et vite. À ce moment-là, j’ai commencé à rouler, à allonger les distances jusqu’à faire la Tuscany Trail.

J’ai commencé à prendre conscience du décalage qui existait entre les hommes et les femmes et de la toute petite place qui leur était la-leur dans ce milieu. Sur la Tuscany Trail, par exemple, nous étions vingt femmes sur huit-cent-cinquante participants.

Dans le cadre de mon travail, nous étions deux ou trois dans une équipe de vingt personnes. Porter des messages, pousser pour avoir des produits conçus pour les femmes dont la date de sortie coïncide avec les produits conçus pour les hommes et non pas trois ans après n’était pas évident.

Je savais pourtant qu’il y avait des femmes dans ce milieu, mais je ne les voyais pas. Or, c’est bel et bien une femme qui m’avait donné la première poussée, celle qui permet de se lancer sans les petites roulettes.

Ma marraine aussi a compté dans mon parcours. C’est également une femme qui a fait naître chez moi l’envie de me lancer sur de longues distances…

Pendant le deuxième confinement, je me suis embarquée dans l’écriture d’un livre, « Le guide du vélo au féminin ». Si je devais le décrire, je dirais que c’est surtout un objet hybride avec beaucoup de récits : mon histoire avec le vélo, mais également celles d’autres femmes, des portraits, le tout assorti de quelques clefs pour pouvoir se lancer.

Lorsque le livre est sorti, je me suis interrogée : « Comment le faire exister dans la vie des gens et pas seulement dans une bibliothèque ? ». Une idée a alors germé, celle d’aller à la rencontre de femmes, celles dont parle le livre, mais pas uniquement.

À force d’en discuter avec Océane, ma compagne, nous en sommes arrivées à la conclusion que partir était bien, mais qu’il serait dommage de ne rien faire de ces futures rencontres et c’est comme cela que l’envie de faire un documentaire est né.

Et puis, nous avons décidé de nous lancer toutes les deux. Cela nous permettait d’avoir un regard différent et plus approfondi sur le sujet.

©Sophie Gateau

Notre virée en vélo a duré deux mois. La seule chose qui me tracassait, c’était de ne pas avoir le temps de faire tout ce que nous voulions durant ces huit semaines.

Le jour où nous avons enfin quitté Lille, j’ai pleuré de soulagement : nous avions réussi ! Les quelques craintes que j’avais eues s’étaient envolées et, par la suite, ça n’a plus été que du bonheur.

Enfin du bonheur… Nous avons commencé par rouler pendant trois semaines sous la pluie ! Nous ne comprenons toujours pas pourquoi ces conditions ne nous ont pas poussées à sauter dans un train et rebrousser chemin mais, je pense c’est en grande partie parce que nous étions tellement portées par notre projet, par ces rencontres quotidiennes, par le fait d’avoir parfois des gens qui roulaient avec nous !

©Sophie Gateau

À ce propos, j’ai un souvenir qui me revient en mémoire. Nous étions en Suisse-Normande, une région hyper vallonnée avec des côtes un peu raides, et nous avons pris une grosse, grosse pluie. J’étais à pied, je poussais le cargo, mes surchaussures ne tenaient pas… J’étais au fond du seau et je n’avais qu’une envie : jeter mon vélo dans le fossé.

La seule chose que j’entendais, c’était Océane qui me motivait. Après une énième descente et un gros orange, nous nous sommes mises à l’abri dans une grange et là, le propriétaire nous a apporté du café, des cookies sans que nous ne lui ayons rien demandé. C’est ça aussi la beauté du voyage.

Au fil des jours, je me suis rendu compte que je ne connaissais rien au milieu du vélo. Je l’abordais par le prisme de ma pratique et j’ai compris qu’il y avait une infinité d’autres manières de l’envisager et d’en faire.

Au retour, nous avons travaillé sur notre film, « Les échappées ». Avant la première, qui a eu lieu le 14 avril à Paris, nous l’avons projeté dans un collège en Picardie.

C’est important pour nous de sortir du milieu du vélo et d’aller vers des gens qui ne sont pas forcément au fait des questions de féminisme, des sports de plein air. C’est important de toucher un autre public.

©Sophie Gateau

À l’heure où l’on se parle (l’interview a été réalisée le 10 juin 2022, Ndlr), nous en sommes à la dix-huitième projection. Chaque fois, cela donne lieu à des échanges incroyables.

À Gérardmer par exemple, une dame d’une soixantaine d’années est venue à nous pour nous dire : « J’aurais rêvé voir ça quand j’avais 20 ans car ma vie aurait été différente ». Je trouve que c’est un compliment de dingue.

La suite ? On nous pose souvent la question mais nous sommes trop dans le présent pour réussir à envisager le futur. Ce que nous savons, en revanche, c’est que nous avons très envie de continuer à le projeter dans les établissements scolaires, les centres sociaux pour essayer d’inspirer, de créer des rôles-model.

Le vélo est, je pense, le seul outil qui permet de parler de l’appropriation de l’espace public, des cours de récréation, des métiers mécaniques, de sport de haut niveau, d’aventures, de voyages…

Nous avons envie de montrer, à travers ça, aux petites comme aux vieilles filles qu’elles ont toutes une place dans la société et qu’elles sont les bienvenues partout. »

©Sophie Gateau

Ouverture ©Sophie Gateau

Elles aussi sont inspirantes...

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »
Maureen : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Maureen Marchaudon : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Suite à une anorexie mentale, Maureen Marchaudon découvre la pratique du street workout, un sport encore jusque-là réservé aux gros bras masculins. Piquée de ces figures qui allient force, agilité et technique, elle devient vite insatiable jusqu’à décrocher le titre de vice-championne de France 2024 de street workout freestyle et à l’enseigner aux femmes qui veulent r(re)trouver la confiance en elles. Who run the world ? Girls !

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Juliette Labous : " Dans le vélo, je suis arrivée au bon moment, quand les filles ont pris la parole."

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Les footeuses tricolores à la poursuite du Graal, le récap’ des mondiaux de para-athlétisme, deux podcasts ÀBLOCK!, un événement glaçant, le lancement de la Grande Boucle féminine (avec notre Juliette Labous nationale sur notre photo) ou une jeune triathlète inspirante, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Enjoy !

Lire plus »
À vos marques, partez... sur les pistes !

À vos marques, partez… sur les pistes !

Ce samedi 29 janvier, dans la station des 7 Laux, aura lieu la première édition du Trail Blanc. Une course nocturne, à pied, sur les montagnes enneigées afin de se dépasser dans une bonne ambiance qui mêlera dépassement de soi et chutes en tout genre.

Lire plus »
Laura Flessel

Laura Flessel : 5 infos pour briller à l’épée

Celle que l’on surnomme “la Guêpe” pour sa vitesse d’exécution et la précision de ses coups a marqué l’histoire grâce à sa spécificité de toucher ses adversaires aux pieds mais surtout grâce à son palmarès plus qu’impressionnant. Laura Flessel a pris sa retraite sportive en 2012, s’est frottée brièvement à la politique en 2017 avec un passage éclair au ministère des Sports, et demeure toujours très appréciée du public. Retour sur les 5 grandes dates de sa carrière d’escrimeuse.

Lire plus »
Maame Biney, la black short-track attitude

Maame Biney, la black short-track attitude

Elle est la première femme noire à faire partie de l’équipe olympique américaine de patinage de vitesse sur piste courte et le revendique haut et fort. Cette reine du 500 m, sa discipline préférée dans le short-track, est une étoile de ce sport fascinant, toujours le sourire aux lèvres et la foulée explosive. Maame Biney sait comme personne briser la glace.

Lire plus »
Pénélope Leprévost : « Avec ma fille Eden, notre vie, c'est les chevaux ! »

Pénélope Leprévost : « J’ai tout fait pour que ma fille, Eden, ne devienne pas cavalière ! »

Elles sont mère et fille et partagent toutes les deux une passion dévorante pour les chevaux. La championne d’équitation Pénélope Leprévost, multi-titrée, et Eden Leprévost Blin-Lebreton, sacrée championne de France l’an dernier, participent en duo à l’étape parisienne du Longines Global Champions Tour dont elles sont les ambassadrices. Rencontre familiale avec la crème des cavalières.

Lire plus »
Marie-Amélie Le Fur

Journée Paralympique, Marie Amélie Le Fur en guest-star

Ce samedi 8 octobre, si on s’offrait une petite mise en bouche de Paris 2024 ? À moins de deux ans des JO, une Journée Paralympique s’installe place de la Bastille et mettra en avant des champions et championnes que rien n’arrête. L’athlète et présidente du Comité Paralympique et Sportif Français, Marie-Amélie Le Fur, y jouera les coachs, entre animations et autres démonstrations sportives et festives. On y va ?

Lire plus »
Margaux Hubeny

Margaux Hubeny : « Sur ma moto, je n’ai pas peur, je me sens vivre ! »

Équipements et moto rose, comme un étendard, elle tient à démontrer que, sur la piste, les femmes aussi font surchauffer le moteur ! En 2019, cette douanière de 23 ans rafle le titre de Championne de France 600cc lors de la Women’s Cup. Surnommée « l’extraterrestre », Margaux Hubeny est une autodidacte du deux roues. Cette victoire est le premier titre d’une longue série pour une prodige de la piste qui n’est pas prête d’en sortir. Accrochez-vous, ça va secouer !

Lire plus »
Sine Qua Non Run 2025, et c'est reparti pour le show !

Sine Qua Non Run, et c’est reparti pour le show !

Ce samedi 15 mars, la 7e édition de la Sine Qua Non Run débutera à 18 heures. La soirée appartiendra aux participantes et participants, qui seront tous là pour piétiner les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes. Le tout dans une ambiance festive, en pleine Ville Lumière.

Lire plus »
Kellie Harrington, la boxe comme uppercut vital

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une fusée sous-marine qui continue sa récolte de breloques, une activiste comme on les adore, une fille aux poings magiques (Kellie Harrington sur notre photo) et un nouveau carnet de route signé de notre ambassadrice Anaïs Quemener, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Bon rattrapage !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner