Anne-Andréa Vilerio : « Le sexe, le genre… quelle différence ça fait ? »

Jessi Combs/Sport à la barre
On les met à toutes les sauces, mais on a tendance à confondre. L’égalité des sexes et l’égalité des genres, ce n’est pas pareil. Dans le sport comme ailleurs. Décryptage juridique bienvenu.

Par Anne-Andréa Vilerio, avocate au barreau de Paris*

Publié le 05 juillet 2023 à 14h21, mis à jour le 26 février 2025 à 17h53

Le terme « sexe », selon le Larousse, désigne le « caractère physique permanent de l’individu humain, animal ou végétal, permettant de distinguer, dans chaque espèce, des individus mâles et des individus femelles ». Il est pris en compte à la naissance, et est considéré sous l’angle physique et biologique.

Parallèlement, la notion de « genre » réfère à l’identité personnelle et sociale d’un individu en tant qu’homme, femme ou personne non binaire. Un tel concept est multidimensionnel, en constante évolution, et varie selon les cultures. En effet, les catégories de genre sont fluides, non figées. Elles font par ailleurs l’objet de conflits d’interprétation façonnés par des intentions conscientes ou non.

Si la plupart des sciences sociales s’attachent à distinguer la biologie énoncée par le sexe des constructions qui composent la notion de genre, que dit le droit ?

En France, l’égalité entre les femmes et les hommes est un principe constitutionnel, évoqué dans l’article 3 du Préambule de la Constitution de 1946, qui énonce que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».

En tout état de cause, le texte de 1946 a assigné à la loi un rôle actif dans l’établissement d’une égalité réelle des femmes et des hommes dans notre société et manifestement, c’est par le traitement de l’égalité des sexes que le droit prétend s’inquiéter et façonner les rapports entre les genres.

Néanmoins, l’égalité de genre se réfère à des notions plus larges d’égalité et requiert un système dans lequel l’accès aux droits ou aux opportunités n’est pas affecté par l’identité sexuelle, l’expression sexuelle ou même l’orientation sexuelle. En effet, pour rappel, le genre est à considérer dans sa continuité, comme un existant mais, dans le même temps, comme un « faire » perpétuel. Il se construit et se façonne par une suite d’activités collectives, micropolitiques.

Toutefois, le Conseil de l’Europe lui-même a aussi choisi d’adopter un certain nombre de normes relatives à l’identité de genre, en faisant référence à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ainsi, dans le cadre européen, les questions relatives à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle sont traitées séparément.

Dans ce cadre juridique, les lois sur la parité constituent l’exemple le plus pertinent permettant de démontrer de quelle manière notre système mise sur la loi pour tenter de fabriquer et rééquilibrer les genres.

Il convient de préciser que la parité signifie que chaque sexe est représenté à égalité dans les institutions.

Ainsi, dans le monde du sport, la loi du 6 juillet 2000 a « précisé » que l’agrément des fédérations sportives serait dorénavant subordonné à la présence dans leurs statuts de dispositions garantissant notamment l’égal accès des femmes et des hommes à ses instances dirigeantes (article L.121-4 du code du sport).

Plus récemment, la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France présente l’un des objectifs suivants : l’instauration d’une parité dans les instances dirigeantes sportives, aussi bien à l’échelon national et régional que dans les bureaux des comités nationaux olympiques et paralympiques.

À compter de 2024, les instances nationales devront compter 50 % de femmes.

Spoiler alert : cet objectif ne sera pas atteint car de nombreuses fédérations ne respectent pas la loi.

Manifestement, sans une réelle étude et prise en compte des mécanismes d’exclusions de genre qui président le fonctionnement de toute gouvernance (et en particulier celle du monde du sport) ni une identification des transformations adéquates de ces systèmes, l’étendard des lois ne suffira pas.

Aussi, le droit à l’égal accès génère une déresponsabilisation normative et ne permet visiblement pas l’inclusion des femmes dans la mesure où les institutions sportives restent continuellement conçues selon des normes de violences de genre et implicites.

D’évidence, beaucoup trop risquent de dresser le constat simpliste qui consiste à penser que, même lorsque le « champ des possibles » s’ouvre aux femmes, celles-ci manquent de volonté ou ne souhaitent pas, en réalité, accéder aux fonctions dirigeantes.

Dès lors, la boucle est bouclée et elles sont alors rendues coupables de leur propre invisibilité.

*Anne-Andréa Vilerio est avocate en droit public au barreau de Paris, avec un intérêt particulier pour le monde du sport. Membre de l’association Femix’ qui s’engage pour la valorisation du sport féminin, elle propose, dans ses chroniques pour ÀBLOCK!, un éclairage juridique sur l’actualité et la place des femmes dans l’univers sportif.

Ouverture Jessi Combs

Vous aimerez aussi…

Sport et Coronavirus : le vrai du faux

On dit (et on entend) souvent que le sport aide à lutter contre les virus. Mais est-ce la vérité ? Ne rien changer à sa routine sportive aide-t-il vraiment à lutter contre la maladie et plus particulièrement contre le Coronavirus COVID-19 ? Pourquoi faut-il continuer à pratiquer, mais dans quels cas faut-il impérativement mettre son corps en mode « pause » ? Éléments de réponse.

Lire plus »
David Maginot : « Dans mes photos de championnes, j’essaye de retranscrire à la fois la réalité et l’émotion du moment. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Un photographe olympique, une nouvelle venue sur la piste du sprint, une reine du quad, des plongeuses pionnières et un rallye on ne peut plus ÀBLOCK!, c’est le meilleur de la semaine. Bonne lecture !

Lire plus »
Laëtitia Guapo : « Le basket me pousse à donner la meilleure version de moi-même. »

Laëtitia Guapo : « Le basket me pousse à donner la meilleure version de moi-même. »

Le basket, c’est sa vie. Sur les parquets depuis ses 8 ans, Laëtitia Guapo a gravi peu à peu les échelons du haut-niveau et évolue désormais à Bourges, club avec lequel elle a remporté le doublé Championnat de France-EuroCoupe en 2022. La Clermontoise, 29 ans, est aussi devenue une joueuse indiscutable de l’équipe de France de 3×3 avec laquelle elle a participé, cet été, aux JO de Paris. Éliminée en phase de groupe, elle prépare sa revanche pour LA 2028. Rencontre avec une fille qui sait rebondir.

Lire plus »
Romane Miradoli, ce n'est que le début…

Romane Miradoli, ce n’est que le début…

Le futur du ski alpin français féminin s’annonce chargé. Romane Miradoli compte bien s’en assurer. Malgré les coups durs, la spécialiste du Super-G a prouvé qu’elle pouvait rivaliser avec les meilleures. Et elle n’a pas fini de progresser…

Lire plus »
Clémence Beretta

Clémence Beretta : « Dans l’athlétisme, j’ai compris que je pourrais m’exprimer, que je pourrais être forte. »

Elle n’avait pas pu être de l’aventure japonaise en 2021, qu’à cela ne tienne, Clémence Beretta sera du rendez-vous parisien en 2024. La marcheuse vosgienne qui a su se sortir d’un burn out pour mieux retrouver la route ambitionne de grimper sur le podium du 20km lors des Europe de Rome en juin et vise une place de finaliste aux JO. Rencontre avec une fille qui a en a sous la semelle.

Lire plus »
La question qui tue

Une brassière, ça serre trop, j’peux pas juste mettre un sous-tif ?

Oh, ça va, avouons-le, on a toutes rêvé de faire du sport à poil sous le t-shirt ! Tellement plus confort de pas avoir un truc qui compresse la poitrine et vous scie la peau du dos ! Oui, mais non. La question qui tue, du coup, c’est : « Une brassière, c’est obligé ? Si je mettais plutôt un bon vieux soutien-gorge ? » Euh…la réponse de notre coach Nathalie Servais. Ça vaut mieux.

Lire plus »
Nouria Newman

Nouria Newman : « En kayak extrême, tu es seule face à toi-même. »

Baroudeuse kayakiste, elle maîtrise haut la main les rapides les plus dingues de la planète. À 28 ans, cette championne du monde de slalom en équipe et triple championne du monde de kayak extrême se fait désormais la main et la malle en kayak d’expédition aux conditions extrêmes. Accro à l’adrénaline, elle ne lâche jamais la pagaie. Un vent de fraîcheur sans langue de bois !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner